Océan Indien

Mystérieuses Maldives : un voyage du nord au sud

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On n’en connaît que peu sur les Maldives et c’est ce qui fait l’attrait de ce petit pays islamique. La perception commune est celle d’un paradis paisible et ensoleillé de l’océan Indien, parfait pour les célébrités ou pour une lune de miel. En vérité, il s’agit d’un pays profondément complexe de 394 000 habitants, dont le tiers est composé de travailleurs étrangers ou illégaux. La plupart des gens travaillent soit dans les hôtels (les fameux Resorts), soit pour le gouvernement, ou bien ils sont pêcheurs. Aujourd’hui, la République islamique a du mal à stabiliser sa démocratie naissante.
Jusqu'en 2010, quand les lois sur le tourisme local sont entrées en application, les visiteurs n’avaient que peu de contacts avec les rouages internes du pays. Tout ce que les plaisanciers voyaient alors des Maldives se limitait à quelques ports sélectionnés, et s’ils avaient de la chance, ils pouvaient se rendre dans l’un ou l’autre des 112 hôtels implantés sur les îlots déserts. La plupart des villages étaient interdits. Le changement de réglementation s’est accompagné d’un élargissement des itinéraires de croisière, et désormais, les voiliers peuvent explorer non seulement les îles et les ports et mouillages d’Uligamu, Kulhudhuffushi, Hulhumale et Gan, mais aussi tout le reste du pays qui est devenu accessible.
Les Maldives sont constituées de milliers d'îles, aux noms compliqués, elles sont dispersées entre 26 atolls qui s’étendent le long du pays sur quelque 520 milles. Seules une partie d’entre elles offrent des mouillages tous temps, et ils sont encore moins nombreux à être indiqués sur les rares guides de croisière. Pour visiter ces endroits, il faut être un peu aventureux mais aussi faire preuve de sens marin, à l’ancienne, sans pour autant renoncer à la technologie moderne. Pratiquement, nous avons étudié les cartes en pointant les bons mouillages, avant de télécharger les images de Google Earth pour nous aider lors des navigations.
L’étape suivante fut l’étude de la météo. Depuis la nuit des temps, les habitants des Maldives ont organisé leur vie autour de deux moussons saisonnières, la mousson de nord-est, ou Iruvai, (ce qui signifie chaud et sec), et la mousson de sud-ouest, appelée Hulhangu (chaud et humide). Historiquement, Hulhangu commence le 8 avril, mais d’après quelques retours d’information glanés auprès des pêcheurs, en raison du changement climatique, la date d’arrivée des moussons change, et nous aurions donc à combiner les données historiques avec les bulletins météo.
Les permis de navigation pour les Maldives sont délivrés pour des durées de 30 jours à la fois, mais nous avions décidé de prendre deux mois pour explorer le pays. Notre objectif étant de faire route du nord au sud, d’Uligamu à Gan, dans la mousson du sud-ouest (en faisant un arrêt à Male au bout d’un mois pour renouveler notre permis de croisière), le long d’un itinéraire où nous espérions découvrir un mélange parfait d’îles désertes, de villages reculés et de lieux touristiques.

Traversée des Maldives

Notre catamaran "Ceilydh" dans l'un des mouillages magiques des Maldives.

Une île pour nous seuls

Les îles désertes représentent l’âme même des rêves de croisière, et aux Maldives, elles sont si nombreuses que notre quête de l'île parfaite s’est rapidement avérée être compliquée. Ruffushi dans l’atoll de Thiladhunmathee nord possède un spectaculaire spot de PMT (palmes, masque et tuba), sur de beaux fonds de corail. Une tortue un peu curieuse est même passée devant nous en ralentissant sa nage pour la séance de photos. Plus loin, nous avons aperçu un groupe de dauphins ; si nous avons été tentés de nager contre le courant pour mieux les observer, nous ne l’avons pas fait ; nous avons cependant pu le réaliser quelques semaines plus tard, dans l’atoll d’Ari, quand un groupe entier de dauphins est venu nager une heure durant avec nous.
Malgré la beauté des balades en PMT, nous avons quitté Ruffushi après seulement une nuit, non seulement parce que le récif offre une protection insuffisante contre le vent et les vagues, mais aussi parce que le mouillage se prend par 24 mètres de fond, et le seul débarquement possible se fait sur un banc de sable éloigné.
Le mouillage sûr de Nolhivaranfaru nous a offert plus que ce que nous recherchions, avec une petite langue de sable rapidement rebaptisée "parking à catamaran", une zone de pêche à proximité, une jolie plage, sans récifs à explorer, mais parfaite pour les jeux des enfants, le reste de l’équipage étant affairé à préparer le barbecue de la nuit, pris en commun avec les autres bateaux.
Alors que nous avions éventuellement trouvé l’île déserte parfaite, plus au sud à Thilamaafushi, sur l’atoll de Faadhippolhu, nous avons finalement été sensibles aux charmes du village de Nolhivaranfaru. Et quand les haut-parleurs lointains ont commencé à diffuser les récitations des vers immémoriaux du Coran, nous avons pris la décision de quitter notre paradis tropical privé pour nous en aller découvrir la vie du village.

Traversée des Maldives

La mousson du sud-ouest peut amener des grains violents…

La vie au village

La vie aux Maldives se déroule dans de petites îles à la beauté épurée : palmiers ombragés, sable blanc, lagons irisés, nombreux récifs et ciel bleu. En accord avec la coutume locale, je me suis couvert les épaules et les genoux avant de partir à pied pour une visite du village de Nolhivaranfaru. Nous y avons été accueillis à notre arrivée, avant d’être conviés pour une visite qui a commencé par les traditionnels hangars de construction de bateaux sur le front de mer, suivie de la découverte de tout un réseau de ruelles bien rangées.
Au centre du village, nous sommes tombés sur un vieux banian prodiguant de l’ombre à une aire de jeux plutôt bien occupée. De là, nous avons suivi les sons d’une lecture du Coran à l'école et on nous a montré des sièges où nous nous sommes assis pour regarder des petites filles en train de réciter le Coran. On nous a ensuite demandé de nous déplacer. Il y a de fortes chances que nous ayons été parmi les premiers touristes, sinon les premiers, à visiter le village, et la vue des étrangers avait troublé une jeune fille au point de la faire trébucher sur les mots…
Sur les plus petites îles, nous avons découvert que demander au président du Conseil la permission de visiter les lieux représentait un protocole non dit, mais conseillé. Dans quelques cas, ce fut le président lui-même qui nous fit faire la visite. Et avec cette personnalité à nos côtés, nous avons trouvé qu'il était facile de dénicher les magasins qui vendraient ce dont nous avions besoin (depuis une recharge pour notre carte SIM jusqu’à des produits locaux). Un hôte qui nous a également aiguillés sur les règles de vie, nous laissant savoir si oui ou non nous pourrions inviter des locaux à bord de notre bateau, ou nous indiquant les récifs sur lesquels nous pourrions pratiquer le PMT.
Dans les villages plus importants, où l’on trouve des maisons d'hôtes et où les habitants sont plus habitués aux visiteurs, nous avons en général commencé par une petite marche, suivie d’une visite. On nous a montré les "jolies" (chaises fabriquées en filet et que l’on trouve un peu partout aux Maldives), nous nous sommes vu offrir une coco à boire, entourés de nombreux Maldiviens. Presque à chaque fois, la conversation s’est orientée vers la politique. Avec les bouleversements récents qui pourraient faire rivaliser les Maldives avec les plus instables des pays, les Maldiviens ont envie de parler de leur vie politique avec les étrangers. Le plus étonnant, c’est que même les plus petits villages sont souvent partagés entre plusieurs partis ; et malgré des points de vue différents, les troubles semblent quasi inexistants.
Chaque visite de village nous a aidés à comprendre un peu plus les Maldives. Dans l’un d’eux, nous avons été invités à un tournoi inter-atolls de Bashi Ball. Ce jeu traditionnel plutôt engagé est joué par des équipes de femmes qui servent avec rapidité des balles de tennis, en arrière au-dessus du filet vers l’équipe opposée, qui doit les attraper sans se casser un doigt, ce qui est apparemment l'une des blessures les plus courantes. Sur une autre île, nous avons appris la tradition du tissage de la coco (la corde est fabriquée à partir de fibres de coco), tandis que sur un autre encore nous apprenions la méthode utilisée pour fumer le thon séché.
Sur une île, nous avons été invités à dîner par une famille, et j’ai demandé si la chaleur de leur accueil était liée au fait que c’était nouveau pour eux de recevoir des étrangers. Notre hôte a semblé surpris par ma question et m’a répondu que si la présence des touristes est peut-être récente sur certaines îles, l'hospitalité, elle, ne l’est pas. Il m’a expliqué que, dans un pays constitué d’îles isolées, quand arrive un visiteur, il est important de lui offrir quelque chose à boire avant de lui proposer une visite, et de s’assurer qu'il est à l'aise et heureux. "N’est-ce pas ainsi que procède tout le monde ?"

Traversée des Maldives

Les fameux sièges maldiviens : on les trouve sur toutes les îles !

Une touche de civilisation

Le principal argument touristique des Maldives réside dans ses hôtels, qui élèvent le luxe à un niveau toujours plus haut. S’il est vrai que les voiliers de passage ne sont pas toujours les bienvenus dans les hôtels (ou alors parce qu’ils ne disposent pas de mouillage adapté aux voiliers), un certain nombre d’entre eux ont établi un tarif journalier, ou pour les séjours de courte durée, qui permettent de profiter d’un repas ou encore d’un massage. Les plaisanciers sont tenus d'appeler à l'avance (la couverture cellulaire est bonne à travers l’archipel), et dans la plupart des cas, le coût par jour (en général 100US $ par personne) permet de profiter de services comme la plongée, les repas ou le spa.
La Villa Anantara Kihavah a accueilli notre famille pendant deux jours, nous avons rapidement découvert que notre luxueux bungalow sur l'eau était si bien positionné qu’il serait facile de passer la totalité de notre séjour à errer entre notre piscine privée à débordement, la baignoire géante à fond de verre, et une douche en plein air. Cependant, malgré l'attrait de l’eau douce à profusion, il aurait manqué quelque chose sans une leçon de cuisine maldivienne, et nous avons pris l'un des repas les plus mémorables que nous ayons jamais eus en mer, dans un incroyable restaurant sous-marin, avec une cave à vin sur le sol du récif. Alors que nous choisissions le menu dégustation, avec à la carte du thon à nageoires jaunes et du homard des Maldives, des bancs de poissons passaient devant nous tandis qu’une murène nageait avant d’élire domicile sous du corail tout proche.
Même s’il peut sembler étrange que nous puissions avoir besoin de vacances alors que nous naviguons à la voile dans un endroit aussi extraordinaire que les Maldives, le fait d’arriver à la réception du Anantara Kihavah et d’y siroter du champagne dans l'entrée ventilée nous a fait ressentir quelque chose d’assez particulier. A partir du moment où on nous a montré notre villa, nous nous sommes vraiment sentis bien. L’une des raisons étant qu’à l’inverse de ce qui se passe dans les villages, le code vestimentaire est inexistant dans les hôtels. Les jupes courtes et les bikinis sont autorisés. L’autre différence réside dans le fait que, contrairement au reste des Maldives (y compris les grandes villes), l'alcool est légal, et le verre de champagne de bienvenue s’est avéré être un véritable régal.
Mis à part la possibilité de prendre chaque jour autant de douches que nous voulions, la vie à l’hôtel nous a également permis d’apprécier une excellente cuisine. Sept restaurants offrent une cuisine internationale, tandis que les leçons culinaires "les cuillères épicées" nous ont permis de nous faire la main sur des spécialités locales. Un des plats élaborés fut le garudhiya, un plat national maldivien : une soupe d’apparence très simple, à base de poisson mijoté, de thon et de quelques légumes.
Nous avons eu du mal à quitter Anantara Kihavah (et pas seulement à cause de l’accès sans restrictions à l’eau douce et de la restauration sur place). En dehors de Malé, et de quelques-uns des plus grands atolls, les restaurants sont rares. La plupart des villages possèdent des petits cafés, mais entre la tasse de café soluble et l'adafi omniprésente (feuille de bétel et noix d'arec avec un peu de menthe pour rafraîchir l’haleine, et un clou de girofle), on trouve surtout dans ces cafés quelques amuse-gueules que l’on appelle "short eats", la version maldivienne du samosa.

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Dans les villages, tenue correcte exigée !

Quelques atolls plus loin, alors que nous étions partis à la recherche d’un supposé restaurant que nous aurions dû trouver à terre, nous avons découvert qu’il existe de nombreuses possibilités pour se restaurer dans les chambres d'hôtes. Tandis que les très fréquentés établissements comme le TME Retreats avec ses 17 chambres affichaient complet, nous avons découvert un hôtel en front de mer, sur l’île de Dhigurah au sud de l’atoll d’Ari, le seul dont les restaurant sont toujours ouverts, et ce, sans réservation, contrairement à la plupart d’entre eux. Après avoir passé commande (les plats se réservent généralement à l’avance, ou il faut se contenter d’un simple plat maldivien), vous avez alors la chance de goûter à la cuisine maldivienne, qui propose un échantillonnage de curry et de sambals qui valent la peine d’être dégustés.
Au terme d’un premier mois de découvertes, et devant la nécessité de renouveler notre permis de croisière et de refaire des provisions, nous sommes partis vers Male, une ville moderne et bien équipée. Depuis le mouillage plutôt encombré de Hulhumale, nous avons pu prendre le ferry qui conduit en ville, où nous sommes allés voir notre agent et faire un approvisionnement pour les prochaines étapes du voyage. De là, nous avons continué à naviguer vers le sud, à la découverte des petites îles les plus parfaites.

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Les fameux tournois de Bashi Ball. Impressionnant !

Bon à savoir

Au Maldives, les voiliers sont tenus d’utiliser les services d’un agent. Nous avons utilisé Real Seahawks, qui a des correspondants à Uligan, Male et Gan.
assad@realseahawksmaldives.com
En avril 2014, le coût d’un permis de navigation de deux mois s’élevait à un total de $1057 USD, dont $40 pour les frais d’agent (un mois coûte $879 USD).
Un guide de la pêche et de la plongée aux Maldives peut être trouvé sur :
www.atolleditions.com et www.fishesofthemaldives.com.

Traversée des Maldives

Un bateau traditionnel en construction… sur une plage !

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