Nouvelle-Zélande

A la découverte de l’Ile du Sud ! Partie 2

Dans MM215, nous avions laissé l’équipage du Lagoon 52S Cat’leya dans le fiord de Bounty Heaven alors qu’ils découvraient le Fiordland, au sud de la Nouvelle-Zélande. Voici à présent la suite de leurs aventures dans ces paysages impressionnants et au riche passé historique.

Moins de 8 milles au sud de Bligh Sound se trouve George Sound, probablement le fiord le plus protégé du Fiordland. Les Maoris l’ont baptisé Te Houhou (l’arbre à cinq doigts), en raison de ses cinq bras, dont l’un mène aux chutes d’Alice Falls. Nous nous dirigeons vers le premier bras, Anchorage Cove. Avec plus de 200 jours de pluie par an, soit 7 000 mm d’eau, l’environnement marin présente une diversité et une organisation inhabituelles. L’eau douce, moins dense, qui occupe les premiers mètres sous la surface très tannique et souvent colonisée par les algues, offre une luminosité très réduite. Vient ensuite la couche d’interface avec l’eau salée, où le mélange de salinité trouble la progression de la lumière et rend la visibilité quasi nulle. En dessous se trouve l’eau de mer, où l’on rencontre une faune et une flore qui fréquentent habituellement des profondeurs bien plus importantes. L’entrée des fiords, beaucoup plus lumineuse, présente des fonds plus « normaux » et dont le développement est influencé par la houle du large, toujours très présente : on y trouve donc du corail blanc, noir ou rouge, des morues, des algues vertes, des spiny starfish et des tarakihi. Nous nous habituons peu à peu à naviguer dans ces canaux bordés de hautes montagnes, même mon drone qui peut voler à 500 mètres d’altitude est loin d’atteindre les sommets qui nous entourent !

Charles Sound


Nous quittons George Sound et prenons la mer en direction de Charles Sound. Encore une fois, ce fiord a été baptisé par le navigateur australien John Grono en mémoire de Charles McLaren, capitaine du Sydney Cove, un vaisseau chasseur de phoques qui tournait dans les fiords dans les années 1810.
Après une nuit ventée à Gold Arm (35 à 40 nœuds), nous allons faire le plein d’eau douce près d’une plate-forme d’hélicoptère, où un tuyau capte l’eau d’une rivière proche. Le lendemain, nous mettons le cap sur le bras de mer suivant, Emelius Arm. La pluie de la nuit a fait naître une multitude de cascades qui éclairent les flancs escarpés et sombres qui nous entourent. Le mouillage que nous avons choisi est l’estuaire de la rivière Irène, que nous explorons par la suite en annexe, l’occasion de croiser une « patrouille » de cygnes noirs.
Alors que nous rejoignons l’entrée de Charles Sound, les oiseaux nous informent de l’activité sous l’eau : des thons rouges sont en train de chasser. En peu de temps, nous pêchons donc des morues bleues et rouges ainsi que deux thons rouges !

Doubtful Harbour


Le lendemain, nous quittons Charles Sound pour un autre fiord plus au sud. Le nom maori de ce fiord est Patea, « le son du silence », mais c’est le capitaine britannique James Cook qui le nomma Doubtful Harbour lors de son premier voyage au Fiordland en 1770. Il pensait en effet qu’il serait très difficile de sortir à la voile sans vent d’est, et ne s’y aventura donc pas. La pluie des jours précédents nous gratifie une nouvelle fois d’une guirlande de cascades tout le long de Thompson Sound, le fiord par lequel se fait l’entrée de Doubtfoul Harbour. Nous décidons de nous engager tout au fond, à Deep Cove, baptisée ainsi en raison de sa profondeur telle qu’il n’y a pas de mouillage possible. C’est une destination touristique prisée et de nombreux bateaux-charters y organisent des excursions. Il est aussi possible de se faire livrer des courses et de faire une excursion vers le lac Manapouri.
Doubtful Sound est l’un des deux seuls fiords à être relié au centre de l’île du Sud, Queenstown, via une route, un ferry sur le lac Manapouri, puis une autre route. La construction de celle-ci a d’ailleurs été l’objet d’une grande controverse. En 1950, une compagnie australienne proposa en effet d’installer une usine de fabrication d’aluminium à Bluff en utilisant la bauxite australienne du Queensland et de l’hydro-électricité que produirait une centrale exploitant le lac Manapouri, réalisant ainsi un projet qui datait de 1904. Un tunnel de 10 kilomètres serait creusé entre le lac et Deep Cove afin d’assurer le débit d’eau, et donc la production d’énergie nécessaire, grâce à une différence d’altitude de 166 mètres. La profondeur de Deep Cove permettrait également d’accueillir un navire assez imposant pour transporter les turbines. Cependant, les calculs des ingénieurs s’avérèrent erronés : il fallut donc augmenter le nombre de turbines et agrandir le tunnel... L’opposition déjà virulente des Maoris s’accrut alors à tel point que le projet devint un enjeu aux élections nationales suivantes et fit chuter le gouvernement. Finalement, une solution technique fut trouvée : améliorer l’état de surface du tunnel afin de diminuer la traînée engendrée, et de fait augmenter le débit d’eau. Le projet pu donc voir le jour, mais le coût final s’éleva à plus du double de l’estimation initiale et sa construction dura deux ans et demi.
A la veille de reprendre la mer, nous effectuons un stop à Blanket Bay pour faire le plein d’eau. Il s’agit d’ailleurs de la seule installation du Fiordland conçue pour les pêcheurs. Ils peuvent y prendre quartier (d’où le surnom de « Blanket Bay Hotel ») et disposer de réservoirs de carburant ou encore de congélateurs pour le fruit de leur pêche.

Dusky Sound


A présent, direction Breaksea Sound, la porte d’entrée vers Dusky Sound : les deux fiords sont en effet reliés par l’Acheron Passage. La houle de sud-ouest déferle, ce qui vaut à ce lieu le nom de « Break-Sea-Isle » donné par le capitaine Cook. Il comporte deux bras, Brougthon et Vancouver Arm. Ce-dernier avait initialement été baptisé par Cook « Nobody Knows What », car il n’avait pas eu le temps de l’explorer et de se rendre compte qu’il était relié à Doubtful Sound. En 1791, le capitaine George Vancouver (qui navigua le long de la côte ouest du Canada à la recherche du passage Nord-Ouest et en l’honneur duquel furent baptisées l’île et la ville de Vancouver) réussit à terminer son exploration, et le rebaptisa « Somebody Knows What ». Il fut par la suite rebaptisé à son nom.
En sortant de l’Acheron Passage, nous passons devant Sunday Cove, où se trouve une barge qui sert de pompe à essence pour les pêcheurs. Avec 44 km, c’est le fiord le plus long, mais surtout le plus « romantique » : de très nombreuses îles comme autant de fleurs sur la mer, mises en valeur dans un écrin de hautes montagnes. Mais ces hauts sommets, ici, n’écrasent pas le visiteur comme dans les fiords du nord.
Le lendemain, à l’heure du départ, nous nous faisons une petite frayeur : nous sommes deux à vouloir emprunter le chenal... Heureusement, le Milford Wanderer, un bateau de croisière qui croise dans le Fiordland, nous aperçoit avant de s’engager, et tout se passe pour le mieux. L’île voisine, Crayfish Island, nous invite à une plongée qui comme son nom le suggère devrait nous faire découvrir pas mal de langoustes...

Facile Harbour


Le lendemain, nous nous déplaçons vers la sortie de Dusky Sound, Facile Harbour… De là, nous pouvons admirer la sortie du fiord et le chapelet d’îles qu’il abrite. C’est ici que se trouve l’épave de l’Endeavour, un navire australien qui, en septembre 1795, quitta Sydney pour l’Inde avec 50 condamnés à bord, accompagné par un second navire, le Fancy. Son capitaine avait passé un deal pour récupérer le bateau construit par l’équipe de Raven (à cette époque, la construction de navire était interdite en Australie, probablement pour éviter que les condamnés ne puissent s’échapper). Le bateau fut amené à Facile Harbour, mais sa condition était telle qu’une remise en état paraissait impossible. Une nuit, une tempête drossa l’Endeavour sur les rochers : ce fut le premier échouage en Nouvelle-Zélande. Les hommes à bord purent être sauvés, mais le Fancy n’était pas assez grand pour transporter l’ensemble des deux équipages, soit 244 hommes... Un grand nombre d’entre eux devaient donc rester à Luncheon Cove, pour environ deux ans ! Après trois mois, ils avaient construit un second navire, Providence. Ainsi, 154 personnes purent quitter Dusky Sound à bord du Fancy en janvier 1796 et atteindre Norfolk Island dans une situation il est vrai un peu désespérée... Les autres, à partir de l’épave de l’Endeavour, construisirent un autre bateau, mais à nouveau tout le monde ne put pas embarquer, et 35 personnes durent rester sur place...

Chalky Sound


Il est temps de reprendre la mer pour le prochain fiord, Chalky Sound. Nous passons les falaises de grès à la sortie de Dusky Sound : la mer est chaotique mais, au bout d’une bonne heure, seule une longue houle subsiste. Nous sommes rapidement en vue de l’entrée de Chalky. C’est là que se trouve l’épave du SS Stella, le bateau annexe du phare de Puysegur Point, derrière les ruines d’une usine de congélation de poisson.
Des mouillages très protégés existent dans chaque fiord, mais ils sont souvent de taille restreinte et nécessitent l’utilisation d’une ligne de mouillage arrière. On y trouve souvent des bouées reliées par une corde à laquelle s’accrocher, mais leur état souvent vétuste conduit, par précaution, à utiliser plutôt sa propre ligne équipée d’une terminaison en chaîne attachée à un arbre à terre. Nous amarrons donc Cat’leya à une ligne arrière dans North Port.

Presevation Inlet


Preservation Inlet est le fiord le plus au sud du Fiordland, et c’est aussi le dernier. Nous quittons donc Chalky pour Preservation et nous voici croisant Cavern Head. A l’époque où le capitaine Cook découvrait Dusky Sound, la tribu maorie Kartimamoe était pourchassée par les Kaitahu jusqu’à leur village situé sur un site imprenable, protégé par des falaises de 40 mètres. Le chef des Kaitahu usa alors de ruse en tentant de convaincre ses ennemis qu’il était là en visite amicale...
Les Katimamoe, prudents, tirèrent le grand canoë des visiteurs à terre durant la nuit et beaucoup de Kaitahu furent tués... L’un d’eux, Tarawai, mortellement blessé, réussit à regagner le large, puis la grotte de Cavern Head. Les Kaitahu, informés de son sort, montèrent alors une expédition pour le retrouver. L’un des meneurs se travestit en phoque avec une peau pour attirer l’ennemi, qui ne manqua pas de descendre de sa forteresse pour capturer l’animal. Ils furent alors massacrés et le site fut brûlé. Mais d’autres Katimamoe, alarmés par la fumée, réussirent à s’emparer des canoës de la nouvelle expédition des Kaitahu... Finalement, les deux tribus s’exterminèrent lors d’une dernière bataille. Le corps de Tarawai, lui, fut retrouvé pétrifié en 1877 dans Cavern Head.
L’histoire très riche de Preservation Inlet est surtout marquée par l’époque des chasseurs de phoques et de baleines, grâce à la création d’une station baleinière en 1829. Elle sera suivie par l’exploitation d’une mine de charbon dès 1851, puis par la découverte d’or autour de 1868... Subsiste encore à Preservation différents témoignages de cette épopée, tels que des cheminées d’anciennes fonderies ou les vestiges de chemins de fer pour l’exploitation des mines d’or.
Nous mouillons dans Isthmus Cove, l’un des deux mouillages très protégés de Preservation Inlet, afin de randonner le lendemain vers le phare de Puysegur Point.

Stewart Island


Il est temps de quitter le Fiordland et de reprendre la mer vers Stewart Island par 47° de latitude sud. Stewart Island est la troisième île de Nouvelle- Zélande, entre les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants. Sa situation géographique lui valut très tôt la visite des explorateurs. On n’est d’ailleurs pas sûr que le capitaine Cook, qui découvrit cette terre lors de son premier voyage en 1770, ait pu conclure ou non à son insularité : il cherchait surtout à découvrir la pointe sud de la Nouvelle-Zélande et les conditions météo n’étaient pas favorables à une exploration poussée du détroit de Foveaux qui sépare l’île Stewart de l’île du Sud. Nous emprunterons le détroit pour rallier la seule ville d’importance, Oban, qui semble baigner dans une ambiance bienveillante tant les habitants sont accueillants ! Pourtant, l’hiver, la météo doit être particulièrement rude... L’économie dépend essentiellement du tourisme et de la pêche. Luke, un pêcheur de langoustes dont les « cray pots » se trouvent à Dusky, nous indique quelle bouée utiliser, mais le mouillage n’est pas très confortable et nous bougeons vers Golden Bay dans Paterson Inlet, juste au sud. C’est l’occasion de se rendre sur l’île Ulva, réserve ornithologique, qui nous gratifiera de la rencontre d’un Kàkà, perroquet rare qui vit dans les forêts, et de nombreux Tui, l’oiseau « chanteur » emblématique de la Nouvelle-Zélande.

En souvenir des grands Capitaines…


Vous remarquerez à la lecture de nos aventures que de nombreux lieux ont été baptisés par des navigateurs-explorateurs d’après des caractéristiques géographiques ou pour rendre hommage à leurs illustres contemporains. Ces navigateurs étaient pour la plupart originaires d’Australie et se rendaient le long des côtes sud néo-zélandaises pour chasser la baleine ou le phoque. C’est d’ailleurs pour cela que l’histoire de l’île du Sud apparaît bien plus riche que celle du Nord. Les bateaux anglais qui transportaient des condamnés vers la Nouvelle-Galles-du-Sud repartaient avec des marchandises qu’ils pourraient ensuite échanger à Canton, en Chine, contre du thé, de la soie ou des épices qu’ils ramèneraient en Europe lors du voyage de retour, faisant ainsi de lucratives affaires. Or il existait dans les années 1790 une forte demande chinoise en peaux de phoques, ressource dont le Capitaine Cook avait vanté l’existence dans le sud de la Nouvelle-Zélande...

 

 

 

Ressources pour préparer le voyage


Livres :
A Boaties’ Guide to Fiordland, Mana Cruising Club New Zealand
Stewart Island Cruising Guide, Mana Cruising Club New Zealand
Beneath the Reflections : A user’s guide to the Fiordland (Te Moana o Atawhenua) Marine Area, Fiordland Marine Guardians
Film documentaire :
Ata Whenua Fiordland, David Comer

Le fiord de George Sound abrite les magnifiques chutes d’Alice Falls.
Le fiord de George Sound abrite les magnifiques chutes d’Alice Falls.
Lors de notre première plongée, nous faisons la rencontre des fameuses langoustes du Fiordland.
Lors de notre première plongée, nous faisons la rencontre des fameuses langoustes du Fiordland.
Des cormorans  « Australasian Gannets », curieux, nous rendent une petite visite intéressée.
Des cormorans « Australasian Gannets », curieux, nous rendent une petite visite intéressée.
La route jusqu’au lac nous offre de belles vues  sur Deep Cove et les montagnes alentour.
La route jusqu’au lac nous offre de belles vues sur Deep Cove et les montagnes alentour.
Certains fiords sont quasiment  connectés, ainsi, depuis Haulashore Cove, une randonnée mène au fiord suivant : Dagg Sound.<br/>
Certains fiords sont quasiment connectés, ainsi, depuis Haulashore Cove, une randonnée mène au fiord suivant : Dagg Sound.
Blanket Bay, entre Thompson Sound et Doubtful Sound.
Blanket Bay, entre Thompson Sound et Doubtful Sound.
La barge pompe à essence de Sunday Cove.
La barge pompe à essence de Sunday Cove.
Les phoques sont encore très présents dans le Fiordland et il est fréquent d’en rencontrer, batifolant sur un rocher affleurant.
Les phoques sont encore très présents dans le Fiordland et il est fréquent d’en rencontrer, batifolant sur un rocher affleurant.
Notre premier mouillage à Dusky Sound sera Sportsman Cove, une enclave d’eau  au milieu d’une île, dont l’entrée est particulièrement étroite.
Notre premier mouillage à Dusky Sound sera Sportsman Cove, une enclave d’eau au milieu d’une île, dont l’entrée est particulièrement étroite.
Une ancienne fonderie pour l’extraction  de l’or dans Preservation Inlet.
Une ancienne fonderie pour l’extraction de l’or dans Preservation Inlet.
Le phare de Puyegur, Preservation Inlet.
Le phare de Puyegur, Preservation Inlet.
L’épave du SS Stella à North Port, Chalky Sound
L’épave du SS Stella à North Port, Chalky Sound

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