Numéro : 230
Parution : Avril / Mai 2025
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Qu’il s’agisse de bêtes de course, de trimarans de croisière ou même de catamarans à moteur, de drôles d’appendices au profil d’aile d’avion se greffent sous (ou entre) les coques. Cette tendance de fond, qui offre de nombreux avantages – mais aussi quelques contraintes – mérite qu’on en sache un peu plus sur ce concept en passe de révolutionner la plaisance de demain.
Voilà un peu plus de 10 ans que les foils se sont imposés sur la plupart des voiliers de course, monocoques comme multicoques. Dans le domaine de la plaisance, ces appendices s’avèrent aussi peu pratiques à intégrer sur une seule coque qu’ils le sont sur deux ou trois flotteurs. De fait, les foils se déclinent en de multiples formes et s’invitent sur toutes sortes de multicoques, y compris les powercats ou les unités de croisière. Cette révolution technique devient de plus en plus accessible, et devrait changer quelque peu notre manière de naviguer.
Contrairement à ce que nombre de personnes pensent, les foils ne sont pas une invention récente. Toutefois, leur adoption sur les voiliers et multicoques a été (très) progressive, et s’est tout récemment popularisée. L’idée d’utiliser des surfaces portantes sous l’eau pour soulever un bateau est développée par l’Anglais Thomas W. Moyet en 1861, puis en 1869, relayée par l’ingénieur mécanicien français Emmanuel D. Farcot. Ce dernier dépose des brevets où il ajoute à un bateau des plans porteurs latéraux dont on peut régler l’inclinaison en fonction de la vitesse. Cela a pour effet de faire légèrement décoller le bateau, validant ainsi le principe de l’hydrofoil. Le principe sera amélioré en 1878 par John Stanfield et Josiah Clark, basés à Londres, tandis qu’en 1881, Horatio F. Phillips, un pionnier de l’aviation lui aussi anglais, invente le système des foils transversaux pour les navires rapides.
Un prototype de foiler sera réalisé en 1985 par le comte Charles de Lambert, un aventurier et pilote d’avion français. Il s’agit d’un catamaran dont les deux flotteurs sont réunis par des plaques en dessous. Tracté par un cheval sur la berge, le multicoque s’élève rapidement au-dessus de l’eaul. L’inventeur continuera à améliorer son invention, allant jusqu’à concevoir un catamaran avec cinq foils latéraux et un moteur pour atteindre la vitesse de 40 km/h en frôlant la surface de l’eau. En 1887, l’inventeur américain William M. Meacham reprendra la même idée à Chicago.
En 1906, l’ingénieur-inventeur italien Enrico Forlanini fait les premiers essais de l’Idroplano, un catamaran de 10 m de long et de seulement 1,62 t doté de foils. Le tout est propulsé par un moteur de 70 ch et atteint 27 nœuds. Il récidive en 1911 avec un catamaran de 10 m de long propulsé cette fois par un moteur Fiat de 100 ch ; l’engin parvient à parcourir 34 km à une vitesse moyenne de 40,5 nœuds.
L’Anglo-Américano-Canadien Alexander Graham Bell (l’inventeur du téléphone) achète le brevet de Forlanini et, avec son assistant Frederick W. Baldwin, améliore le système, construisant plusieurs prototypes d’hydroptères, et s’offre même un record du monde avec une vitesse de 131 km/h (71 nœuds). En 1907, le premier bateau à moteur réellement volant est mis à l’eau par l’ingénieur électricien américain Peter Cooper Hewitt.
Jusqu’alors orienté vers les bateaux à moteur, le système des foils va faire son apparition sur les voiliers avec, en 1938, le Catafoil, réalisé par les Anglais Robert Rowe Gilruth et Bill Carl, au départ des pionniers de l’aviation. En 1950, c’est au tour de Towboat II du scientifique américain J. Gordon Baker de prendre son envol. Il s’agit d’un cat-boat que beaucoup considèrent comme le premier vrai voilier à foils. En 1969, le marin inventeur anglais James Grogono modifie un Tornado pour lui ajouter des foils. Une innovation qui lui permettra de battre six fois le record du monde de vitesse sur l’eau (sur 500 m) en classe B, avec une vitesse maximum de 28,4 nœuds.
Au cours des années 1960 et 1970, de nombreux prototypes utilisant les foils seront développés, dont l’ingénieux Hydrofolie, un trimaran équipé de foils réglables conçu par l’architecte français Xavier Joubert.
Les multicoques à foils vont cependant réellement apparaître sous les feux de la rampe avec le marin français Eric Tabarly et son trimaran Paul Ricard qui, en 1980, bat le record de la traversée de l’Atlantique. Poursuivant les travaux de Tabarly, le français Alain Thébault met au point l’Hydroptère, qui sera, en 2009, le premier multicoque à dépasser 50 nœuds.
Dès les années 2000, les foils font leur apparition sur (ou plutôt sous) les voiliers de course – et plus particulièrement les multicoques. Ces derniers, de plus en plus fiables et performants, battent tous les records de la course au large, de la traversée de l’Atlantique au tour du monde.
En 2013, l’America’s Cup passe elle aussi aux catamarans avec les fameux AC72 à foils. Capables d’atteindre les 45 nœuds avec leurs appendices rétractables et leur mât aile, ces bolides révolutionnent la régate, et la compétition sur l’eau en général.
En 2016, c’est au tour de la classe Imoca d’adopter les foils, augmentant résolument la vitesse des bateaux, alors que la classe Ultim, regroupant des trimarans à foils de 32 mètres, voit le jour en 2020.
Si la technologie foil a assurément fait ses preuves dans le monde de la compétition, les plans porteurs ne sont plus réservés à ce domaine. Les foils sont désormais présents sur de nombreux bateaux à moteur, sur des voiliers – et bien entendu sur nos multicoques.
L’objectif du foil n’est plus forcément de voler, mais plutôt d’assurer une portance et un amortissement. Il est ainsi possible d’optimiser performances, consommation (pour les multipowers) et confort. Avec les avancées dans le domaine de l’automatisation et des matériaux composites, les prochaines générations de multicoques de croisière pourraient intégrer des foils semi-automatiques adaptés à la vitesse et aux conditions de mer.
Dès les premières expérimentations, le multicoque a représenté un support idéal pour les foils grâce à sa légèreté (pas de lest) et à la possibilité de stabiliser facilement la plateforme rectangulaire. Dès lors, pas étonnant que ce type d’embarcation favorise largement l’utilisation des foils, à commencer par le Nacra 17 et ses foils en C, le Nacra F20 Cabin, le, Flying Phantom Essentiel, le iFly 15, le Whisper Foiling Catamaran ou encore l’impressionnant TF 35 inspiré des AC50 – pour ne citer que ces modèles.
Le domaine de la croisière n’échappe pas non aux foils, puisque plusieurs modèles exploitent avec succès des plans porteurs ; c’est notamment le cas des Gunboat, de l’Eagle Class 53 avec ses foils en T, du Rapido 40, ou encore du Persico 72 et des petits Libertist.
Les multipowers – et plus particulièrement les powercats – tirent eux aussi avantage du principe. Alors que certains pontoon boats (catamarans ou trimarans) se contentent d’ajouter des ailettes fixes sous les tubes pour décoller un peu le bateau de l’eau, la grande tendance, c’est plutôt l’utilisation de foils transversaux fixés entre les coques. On trouve ce système notamment sur les catamarans Vandal, mais aussi sur le Four Winns TH36, le Makai M37 (voir nos pages Multipowers), l’Aventura 38 ou encore sur les tout nouveaux Aquila 42 et 46 Coupe.
Les foils sont des appendices hydrodynamiques profilés fixés sous une coque (foils latéraux) et/ou greffés sur les appendices traditionnels (dérive, safran). Leur fontionnement repose sur le même principe que celui d’une aile d’avion : lorsqu’un bateau ou multicoque atteint une certaine vitesse, les foils génèrent une portance qui soulève progressivement la coque hors de l’eau, réduisant ainsi la traînée hydrodynamique et permettant d’atteindre des vitesses bien supérieures à celles des embarcations « archimédiennes » classiques.
De manière un peu plus technique, en avançant, le foil crée une dépression au-dessus et une surpression en dessous. L’eau qui parcourt une plus grande distance du côté de l’extrado bombé en demi-goutte d’eau allongée que de celui de l’intrado tout plat génère une force vers le haut qui soulève le bateau.
Une fois hors de l’eau, seule une petite partie des foils reste immergée, diminuant considérablement la résistance de l’eau, et aussi la consommation pour un powercat.
Débarrassé de tout ou partie de la surface mouillée de sa ou ses coques, le bateau accélère et peut atteindre des vitesses bien plus élevées qu’une embarcation classique.
Depuis la création des bateaux, la recherche de meilleures performances a toujours été l’une des premières motivations derrière l’innovation. Le foil ne fait pas exception, puisque le but est d’abord d’aller plus vite. Peu importe le type de foils choisi ; en diminuant la surface mouillée et donc les frottements, les plans porteurs vont permettre d’aller plus vite, avec parfois des performances obtenues plus qu’impressionnantes – qui aurait cru il y a 30 ou 40 ans que certains multicoques dépasseraient les 50 nœuds ?
Le deuxième avantage des foils, au moins sur les multicoques de plaisance, c’est l’amélioration du confort. En soulevant un peu ou totalement les coques, l’effet généré par les foils permet de diminuer l’impact sur les vagues, et donc de naviguer plus en en douceur, ce qui est toujours agréable.
Dernier avantage, notamment pour les powercats : le fait d’adopter des foils diminue la surface mouillée, et donc les frottements. Un élément qui permet de réduire significativement la consommation d’énergie, qu’il s’agisse de carburant fossile ou d’énergie électrique.
La conception et la mise en place de foils ont recours à des technologies de pointe qui doivent être savamment maîtrisées. Ici, pas de place pour l’amateurisme, car un mauvais foil, dans le meilleur des cas, sera inefficace, mais, dans le pire des cas, peut devenir dangereux.
Sur un vrai foiler, le pilotage demande de l’expérience avant de pouvoir maîtriser le vol, c’est l’une des raisons pour lesquelles certains systèmes de foils sont encore réservés à la compétition de haut niveau.
A cause de la technologie utilisée, des matériaux requis ou de la complexité de la conception et de l’installation, le foil est une technologie qui reste coûteuse.
Dernier inconvénient, un foil, sur un multicoque à voile, n’est efficace qu’à partir d’une certaine force de vent. Si les conditions de vent sont faibles, il ne pourra pas décoller, et cela peut même augmenter la traînée.
Les foils se déclinent dans de nombreuses formes et configurations, chacune ayant des performances et des usages spécifiques en fonction des supports. La conception des plans porteurs intègre un compromis entre portance, stabilité et maniabilité. Voici un aperçu des systèmes les plus utilisés.
Comme leur nom le suggère, les foils en C ont une forme courbée plus ou moins prononcée en fonction des modèles. Les foils en C ne permettent pas au bateau de voler hors de l’eau. Toutefois, leur utilisation offre un effet de portance qui soulève le multicoque. Leurs principaux avantages sont donc d’améliorer la vitesse et le confort en procurant une semi-sustentation. Ils sont également très faciles à contrôler, car moins extrêmes que les autres foils. A l’inverse, ils ne procurent pas les performances et les sensations des réels foilers. L’un des meilleurs ambassadeurs des foils en C est le Rapido 40, un trimaran dont les appendices courbés permettent de diminuer la surface mouillée, et donc améliorer performances et confort. On trouve également des foils en C sur le Nacra 17 en version olympique.
Ce sont les foils que l’on peut voir sur les monocoques de course au large ou sur les nouveaux supports de la Coupe de l’America. Ils sont reconnaissables à leur forme en L avec une partie horizontale qui génère la portance. Leur principal avantage est d’améliorer la stabilité par rapport à des foils droits. Ils offrent aussi une meilleure sustentation, et proposent un bon compromis entre performance et contrôle. Au chapitre des inconvénients, les foils en L offrent une stabilité moindre que les foils en T et ils prennent également de la place, même repliés. Ce type de foil est particulièrement bien indiqué pour des monocoques de type Figaro 3 ou Imoca.
Les foils en T sont constitués d’une partie verticale et d’une aile perpendiculaire horizontale en bout de foil. Ils sont utilisés depuis très longtemps, puisque ce sont ceux que l’on trouve notamment sur les safrans de bateaux, sur les dérives, mais aussi sur les planches de surf à foil. Les avantages des foils en T sont multiples et, en premier lieu, ils offrent une grande stabilité en vol et évitent le tangage. Ils permettent également de mieux maîtriser son embarcation ou sa planche à haute vitesse.
Sur le plan négatif, ils ont une traînée hydrodynamique plus importante au démarrage et sont également moins réactifs lors des manœuvres. Leur utilisation est assez large, puisqu’elle va des petits dériveurs aux catamarans de sport, en passant par les AC75 ou les planches de surf à foil.
Le foil en V est très utilisé, notamment sur les multicoques de course. Il se compose d’une lame inclinée à plus ou moins 45° vers le centre du multicoque.
Le premier avantage de ce système, c’est sa simplicité, puisqu’il s’agit plus ou moins d’une seule lame par coque. Autre bon point, le foil en V est pratiquement autorégulateur, c’est-à-dire que le bateau retrouve son assiette et son équilibre de manière presque automatique y compris par mer formée. Le foil en V offre également une très faible surface mouillée, et donc peu de traînée. Cela permet de faire voler un multicoque à des vitesses très importantes, parfois au-delà de 50 nœuds.
Peu d’inconvénients à noter, si ce n’est une mise en œuvre méticuleuse avec un calcul d’angle précis, et parfois le besoin d’ajouter une jambe de force.
Le foil en V est notamment utilisé sur les grands trimarans de course au large.
Les foils en U sont, comme leur nom le suggère, des foils fermés en forme de U ou de O allongé. Un système qui est apparu dans les années 50, mais il n’est pas très populaire. L’idée du foil en U est d’avoir une surface portante importante qui varie peu.
Plusieurs avantages pour ce système : la solidité d’abord, car le profil est fermé, la stabilité ou encore la facilité de mise en œuvre et d’utilisation pour un amateur.
A l’inverse, les foils en U sont un peu moins performants, car offrant plus de surface mouillée, ce qui explique certainement leur faible popularité.
Si les catamarans à moteur utilisent d’autres types de foils, notamment pour des utilisations commerciales, les foils transversaux sont de plus en plus populaires pour ce type de multicoques.
Le foil transversal est en fait une lame qui relie les deux coques. Il agit ainsi comme une aile marine qui permet au bateau de sortir (un peu) de l’eau en prenant de la vitesse.
Ce système ne permet pas le vol à proprement parler, mais il allège le catamaran, ce qui diminue sa surface mouillée. Cette lame et le plus souvent complétée par des mini plans porteurs greffés sur les safrans.
Côté avantage, le foil transversal, en diminuant la surface mouillée, permet d’augmenter la vitesse, mais il diminue aussi la consommation de carburant. En outre, il améliore sensiblement le confort, notamment dans le clapot, puisque les coques vont passer au-dessus des crêtes des vagues et que la lame bloque roulis et tangage. Autre bon point, il s’agit d’un appendice fixe et solide qui, dans la plupart des cas, ne nécessite aucun réglage.




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