Antilles

Caretta : c’est parti pour un tour du monde !

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En 2013, nous sommes partis pendant 5 mois parcourir la Méditerranée à bord de notre premier bateau : un Lagoon 380, Zazen. Timothée a alors 2 ans et demi et nous n'avons pas encore la contrainte du CNED. Notre projet, à cette époque, est de travailler six mois par an et de naviguer le reste de l’année afin de boucler le tour du monde par étapes. Nous connaissons des équipages qui fonctionnent ainsi… Mais pour nous, avec des métiers liés à la santé, cela nous a paru difficile. La tête au travail pendant le voyage, et inversement. Alors nous avons remis « la tête dans le guidon » avec le projet de repartir de façon plus définitive quelques années plus tard.

Automne 2015 : nous achetons Frédocéan, un Eclipse 472 rallongé de 1,2 m construit en amateur par Didier Quidelleur (voir encadré), qui correspond mieux à notre projet de tour du monde. Il est très bien équipé, et nous nous donnons du temps pour l'apprivoiser... Il en faudra, car le bateau n'a pas navigué depuis longtemps et pas mal de choses sont à revoir ou réparer. On le rebaptise Caretta, car une grande tortue de style marquisien est dessinée sur la table du carré. En 2016, tout se débloque… mais il faut du temps pour préparer un tour du monde : nous ne partirons finalement que fin septembre 2017, après avoir réglé les problèmes professionnels, administratifs, et loué notre maison. Le temps également de peaufiner nos projets humanitaires avec Voile sans Frontières – installation de filtres à eau et distribution de paires de lunettes, et notre collaboration avec l’Ifremer.

 

Un départ contrarié par des safrans capricieux

Le 26 septembre 2017, c'est le grand départ : l’approvisionnement est effectué le matin même ; il ne s’agit pourtant pas d’une simple croisière estivale… Nous vivons à bord depuis près d'un mois et les journées passent très vite. Il y a tant à faire : ranger les tonnes de livres et d'affaires personnelles, optimiser tous les placards, tester l'électronique, les cartes OpenCPN, les moteurs, réparer ici et là, remettre en route le dessalinisateur, ajouter un hublot ouvrant au roof, chercher à Toulouse les 100 filtres à eau tout juste empaquetés et les ranger, embarquer les énormes balises de l’Ifremer, vendre (ou plutôt donner) notre dernière voiture, réparer les vélos pliants, etc. Nous sommes bien aidés les derniers jours par les parents de Marie qui nous déchargent de la logistique. Finalement, nous partons discrètement, dans la plus stricte intimité, Marie n'aime pas les au revoir !

Mais, dès la descente sous spi en vent arrière, nous nous apercevons que les safrans ne sont plus parallèles. Les deux vérins hydrauliques ont une dérive ; nous décidons de faire une escale technique à Canet-en-Rousillon, où il y a un ingénieur hydraulicien. Cette avarie nous ennuie jusqu'à Gibraltar, où les safrans prennent 30° en quelques heures. Aucun des nombreux mécaniciens consultés ne trouve la solution. Le remède définitif est imaginé par un Sud-Africain installé à Gibraltar : il relie les deux safrans physiquement avec une barre d'aluminium, et un seul vérin commande désormais les deux safrans. Solution un brin radicale, mais diablement efficace.

 

Un automne en Méditerranée

En dehors de ce problème de barre, la descente vers Gibraltar est très agréable ; nous prolongeons l'été à Majorque avec une température de l'eau à 25° et des mouillages presque déserts au mois d'octobre. Puis Carthagène, belle escale en plein centre d'une ville romaine, et Almérimar, joli port qui a probablement le record absolu du prix le plus bas de toute la Méditerranée occidentale. A partir de ce port, on rejoint facilement Grenade et l'Alhambra. L'escale de La Linea, à côté de Gibraltar, est longue, le temps d'usiner toutes les pièces nécessaires aux nouvelles barres franches.

 

Descente vers le Maroc et les Canaries 

Rabat est une escale agréable avec une marina ultra-moderne, bien sécurisée et peu chère. Mais l'accès dans la rivière Bouregreg est difficile, voire impossible, quand la houle de l'Atlantique est supérieure à deux mètres, donc assez souvent en fait… Un Zodiac de la marina vient nous chercher pour piloter l'entrée dans la rivière à ras des cailloux. Nous en profitons pour visiter Fes, une ville fantastique qui abrite la plus grande médina du monde. Pas beaucoup de vent pour la descente vers les Canaries, mis à part l’effet Venturi entre La Graciosa et les hautes falaises nord de Lanzarote. Le vent descend du relief pour arriver sur le mouillage de la Playa Francesa à La Graciosa à plus de 30 nœuds : nous voilà contraints de quitter le petit port de La Graciosa, très mal abrité, pour se réfugier au sud de Lanzarote dans la marina Rubicon, très belle mais très chère...

Le mouillage de Las Palmas de Gran Canaria a l'avantage d'être en plein centre de la plus grande ville des Canaries. Mais il est désormais payant et bien rouleur. Les balades à l'intérieur de l'île sont fantastiques : le relief est somptueux.

Nous longeons la côte nord de Gran Canaria pour mouiller à l'entrée d'un joli petit port, Las Nieves, au pied d'une des plus hautes falaises du monde. La troisième nuit, le paradis se transforme en enfer avec un vent catabatique d'une rare violence : les rafales sont si puissantes que le vent et la mer se mélangent. Elles dépassent 50 nœuds, et nous obligent à passer une partie de la nuit à la barre, les mains sur les commandes moteurs avec un haut-fond de 50 mètres derrière notre catamaran. Et pendant ce temps, les pavillons des bateaux au port à quelque 100-150 mètres de là pendent misérablement. L'annexe de notre voisin s'envole ; nous la récupérons coincée par un récif, avant de partir dans la matinée, le calme revenu.

L'escale de La Goméra nous permet de belles balades dans ce qui est une des dernières forêts tertiaires de la planète, gorgée d'humidité et de froid au milieu d'un environnement surchauffé et presque désertique. Là encore, le relief est impressionnant. On assiste au départ de « L'Atlantic Challenge », des fous qui vont traverser l'Atlantique à la rame. Cela nous permettra de relativiser les conditions de mer un peu fortes au départ des Canaries vers Dakar.

 

Cap sur le Sine Saloum et la Gambie 

Mission filtres à eau oblige, nous restons deux mois dans le Sine Saloum ! Mais le temps passe vite dans cet immense delta, où l'on peut naviguer quasiment partout. C'est une réserve d'oiseaux extraordinaires pour les avertis : des pélicans par centaines, des « tocotocos », merles métalliques, martins-pêcheurs d'Afrique noirs et blancs, échassiers, balbuzards pêcheurs, etc. Beaucoup de couleurs incroyablement vives !

Nous visitons pas moins de 19 villages. Mais notre camp de base est Moundé, où l'accueil est plus que chaleureux. Les enseignants nous invitent tous les jours à manger avec eux à midi. Du coup, nous changeons les batteries des panneaux solaires de l'école, qui ne donnent plus de 220 V depuis longtemps… Les deux vidéoprojecteurs pourront enfin fonctionner.

Nous remontons ensuite la rivière Gambie sur plus de 450 km. Nous croisons des hippopotames, des crocodiles, des babouins, des chimpanzés, et d'innombrables oiseaux. L'accueil dans les villages est extraordinaire. L'Afrique restera pour nous un sacré souvenir, plus pour les relations humaines et la faune, que pour une mer qui n'est pas turquoise.

On est tard dans la saison. Tous les voiliers sont déjà partis depuis longtemps pour la traversée de l'Atlantique. Et l'alizé est de plus en plus nord. La traversée vers le Cap-Vert se fait donc au près serré avec une mer très agitée. Résultat, je suis malade pour la première fois depuis 20 ans… La vitesse de Caretta nous console : 220 milles en 24 heures au près serré sur un cata. Qui dit mieux ?

 

D’abord le Cap-Vert avant la traversée de l'Atlantique

Le Cap-Vert, ça se mérite ! Un alizé musclé rend les navigations inter-îles sportives. Les mouillages ne sont pas tous bien abrités et la sécurité devient aléatoire. La plus belle île n'a pas de mouillage praticable : pour aller trekker à San Antao, il faut laisser le bateau à Mindelo dans une marina particulièrement coûteuse. Le relief et les randonnées de San Antao sont magnifiques ; à ne pas manquer : la vertigineuse vallée de Paul et le chemin du bord de mer qui relie Punta do Sol à Cruzinha. Un peu plus de 6 heures de marche assez sportive, mais des points de vue à couper le souffle.

Notre départ pour la transat est tardif. Il n'y a pas plus de deux ou trois bateaux dans la baie de Mindelo début mai et le vent atteint facilement 35 nœuds dans le mouillage. La navigation est donc musclée : le premier empannage a raison d’une des poulies du palan de grand-voile. Heureusement, nous en avons une de secours. La suite de la transat vers Salvador de Bahia sera tranquille, mis à part les quelques grains du Pot au noir que nous sommes contraints de traverser, contrairement aux bateaux qui partent vers les Antilles. Arrivée à Salvador après 13 jours de traversée. On aurait pu espérer mieux, mais nous avons volontairement maintenu le bateau sous-toilé. Après deux petites semaines de solitude, la vue des gratte-ciel de cette gigantesque mégapole, plus peuplée que Paris, donne le vertige…

 

Brésil : des plages magnifiques et presque désertes

Le Brésil, ce n'est pas un pays, mais un véritable continent ! L'accueil est partout chaleureux, et la joie de vivre des Brésiliens n’est pas une légende. En revanche, de nombreuses zones sont régulièrement en proie à la violence : notre projet de remonter la rivière Paraguaçu dans la grande baie de Salvador est ajourné. A distance des grandes villes, c'est plus calme, mais nous évitons tout de même les mouillages complètement isolés dans la baie de Salvador.

Nous remontons plus au sud la rivière rio Do Inferno à partir de Moro de Sao Paulo jusqu'au village de Cairu, la plus ancienne commune du brésil colonial. Les plages côté Atlantique sont magnifiques et presque désertes. Mais nous remontons vers Salvador plus tôt que prévu, car nous avons perdu une hélice ! Beau mouillage dans la baie de Garapua.

Le Brésil ne permet que trois mois de visa non renouvelable : nous partons donc au Pérou en sac à dos pendant trois semaines en laissant le bateau à la marina d'Itaparica, une île dans la baie de Salvador. Cela fera trois semaines de visa supplémentaires... Et un retour en France également de trois semaines.

Puis 15 jours à sec au nord de Salvador pour le carénage à Aratu, où Philippe, un ancien constructeur de catamaran, va résoudre pas mal de problèmes de Caretta. On met un antifouling au cuivre, mais le résultat trois mois après ne nous convainc pas vraiment.

La remontée vers la Guyane est longue : c'est grand, l'Amérique du Sud ! Nous nous arrêtons pour quelques jours dans la petite marina de Jacaré, tenue par deux Français. L'ambiance est excellente, et les repas de Nicolas succulents pour un prix modique.

Nous faisons escale plus au nord dans l'archipel des îles Lençois, initialement pour quelques jours, mais nous resterons trois semaines, car l'eau potable est un vrai problème ici : nous équipons cinq villages en filtres, essentiellement les bâtiments collectifs, comme les écoles, les dispensaires…

Le décor de dunes à perte de vue est splendide. Tous les jours à 17 h pile, c'est la migration des magnifiques ibis rouges vers la mangrove, où ils vont dormir.

 

Guyane : un passage obligé ! 

L'accueil à Degrad des Cannes près de Cayenne a été correct, malgré un environnement peu engageant. La marina est loin de tout, mais on peut louer une voiture à 15 € par jour dans Cayenne. Et le stop marche très bien ! La voiture est indispensable pour visiter un peu le pays et pour partir ne serait-ce qu'une fois en forêt. On peut bivouaquer dans les « carbets », ces petites cabanes qui n'ont qu'un toit précaire pour se protéger de la pluie et des crochets pour les hamacs (avec moustiquaires obligatoires). Nous avons la chance de parcourir le marais de Kaw avec une pirogue à moteur prêtée ! Merci Eric et Sylvie !

Nous remontons ensuite le Mahury, rivière sur laquelle se trouve la marina de Dégrad des Cannes, jusqu'à Stoupan. Un pont empêche les voiliers d'aller plus loin. Ce mouillage est très agréable au milieu de la forêt, et ici commence la crique Gabrielle. Une crique ici, c'est une petite rivière. La remontée en canoë nous montre une nature presque vierge.

Remontée vers Kourou, et mouillage devant le ponton géré par le CSG (Centre spatial guyanais) car ce soir à 23h, on assiste au décollage d'une fusée : les moteurs vont éclairer toute la ville ! On est loin (15 km), mais c'est quand même impressionnant.

Avant la remontée vers Tobago, nous faisons une brève escale dans les îles du Salut, magnifiquement entretenues, un vrai jardin, sans oublier l'impressionnante visite du bagne.

Nous n'aurons hélas pas le temps de remonter la rivière Maroni, car nous avons prévu d’être en Guadeloupe le 15 janvier pour l'arrivée des beaux-parents !

 

Tobago et son parc national, le premier créé au monde 

La remontée vers Tobago est rapide ; nous sommes poussés par le puissant courant de Guyane qui porte au nord-ouest.

Charlotteville, au nord-ouest de Tobago, est un mouillage bien protégé peu fréquenté. Il y a tout ce qu'il faut : magasins, Wi-Fi gratuit, fuel et une immense bibliothèque digne d'une grande ville occidentale. Etonnant pour un village de 300 âmes. Trinidad et Tobago est un pays riche… car ils ont du pétrole !

La nature à Tobago est magnifique. Il y a ici le premier parc national créé au monde. Le snorkeling est également superbe. La faune est très riche, car elle bénéficie des alluvions de l'amazone charriées jusque-là par le courant de Guyane. La mer est néanmoins claire.

Le choc de l'arrivée sur Grenade sera dur : des centaines de bateaux dans la petite baie de Prickly au Sud. On n'y restera qu'une nuit. On n'a pas vu autant de bateaux depuis un an !

Le mouillage à côté de la capitale Saint-Georges est beaucoup plus agréable avec une plage et de l’eau turquoise. On en profite pour visiter l'île et ses cascades en taxi-co (évitez les excursions, hors de prix).

 

Enfin les Antilles promises !

Nous y voilà, aux Antilles ! Ça change de l'Afrique, avec des eaux turquoise, des tortues, du snorkeling de rêve. Les Tobago Cays sont remplis de bateaux, mais c'est magnifique avec une palette de couleurs du vert au bleu, des raies et des tortues peu farouches, etc. Nous passons 15 jours en famille en Guadeloupe pour redescendre ensuite vers la Martinique et de nouveau croiser vers les Grenadines. On ne s'en lasse pas !

C'est en remontant vers la Martinique, déjà bien abrités par la côte sud de l'île, avec une mer presque plate, qu'une vague venue de nulle part nous percute au travers du rocher du Diamant (voir encadré).

Nous voilà bloqués trois mois en Martinique en attente des travaux... On en profite pour visiter l'île, notamment le nord, et faire la « tournée des grands ducs », car j'ai fait une partie de mon internat ici, il y a… 30 ans.

 

Et après ? 

Demain est un autre jour... On a quand même un peu de planification : Saint-Martin, les îles Vierges britanniques (notre assurance nous interdit les eaux territoriales américaines), la République dominicaine, Cuba puis redescente le long du Nicaragua pour rejoindre le Panama.

Les San Blas et leurs Indiens Kuna nous plairaient bien, et ce d'autant qu'il semble y avoir des problèmes d'eau potable dans certains villages !

Puis le fameux canal, et le Costa Rica côté Pacifique, avant la grande traversée vers les Galapagos et les Gambier, puis les Marquises, où nous attendrons la fin de la période cyclonique de la Polynésie française.

Après, c'est loin : Tuamotu, Tahiti, Bora Bora, Samoa, Fidji pour s'abriter à la prochaine saison cyclonique en Nouvelle-Zélande, que l'on souhaite visiter par la terre.

Puis Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Darwin, Indonésie, Thaïlande, Sri Lanka, Maurice, La Réunion, Madagascar, Mozambique, Afrique du Sud, Sainte-Hélène, Ascension, Cap-Vert, et retour...

Si on ne s'arrête pas en cours de route dans un endroit qui nous convient...

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