Pacifique

Tahiti et Moorea, tandem mythique….

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L’histoire de la découverte des îles du Pacifique est une épopée passionnante. Je ne m’en lasse pas. Je m’y suis replongé avec délectation en faisant voile vers la Polynésie à bord de notre double pirogue des temps modernes. Retour au 18e siècle, seconde moitié, à l’aube de certaines idées nouvelles…

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Arrivée dans la mythique Tahiti…

Le mythe des mers du Sud…

Contrairement à ce que l’on pense généralement, les tout premiers contacts entre Européens et Tahitiens n’ont pas été exactement… exquis ! Même si la fascination réciproque a très vite joué entre les deux civilisations. Pour aboutir, en l’espace de deux années à peine (1767-1769, passages à Tahiti des capitaines Wallis, Bougainville, et Cook) à la création d’un mythe qui perdure encore aujourd’hui, tant il est charmant : celui de la douceur des îles des mers du Sud… Le premier Occidental à découvrir l’île de Otaheiti fut le navigateur anglais Samuel Wallis, à bord du Dolphin, le 17 juin 1767.
Le lendemain, le navire longe Mehetia (un îlot dans l’est de Tahiti), et le 19, il se présente au sud de la presqu’île de Taiarapu. Il est accueilli par des milliers de Tahitiens montés sur des pirogues. Le Dolphin, qui a besoin de se ravitailler en eau douce et en vivres frais, remonte le long de la côte ouest d’Otaheiti à la recherche d’une baie et d’un mouillage accessible et sûr. Finalement, il revient vers Tiarei pour essayer de se réapprovisionner. Les indigènes, qui ne connaissent pas le métal, montrent un grand intérêt pour tous les objets métalliques (couteaux, hachettes, clous…) apportés par les Européens, et visibles sur le navire. Bientôt, l’avidité des natifs de l’île confine au pillage, et les marins anglais, très inférieurs en nombre, sont obligés de se défendre, en usant de leurs armes. Premiers malentendus…
Mais l’établissement d’un nouveau rapport de force n’est pas le seul critère en jeu, le charme opère aussi, déjà, entre les deux civilisations. Dès lors, il sera difficile de départager, dans l’attitude des Tahitiens, la part de respect et d’hospitalité propre au caractère polynésien, de celle de la crainte inspirée par l’efficacité des armes à feu utilisées par les équipages des navires européens. Les insulaires, qui n’utilisent alors que des armes issues des matériaux naturels disponibles sur leur île, viennent de découvrir avec Wallis et son Dolphin la puissance de feu associée à la présence des navires : elle sera pour beaucoup, dans les années qui suivront, dans l’établissement de nouveaux rapports de force locaux et dans le renversement des alliances des chefferies indigènes de l’île, lesquels aboutiront plus tard à la domination de la dynastie Pomaré, et au ralliement ultérieur, longtemps incertain, de Tahiti au pavillon français.

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

La fleur de tiaré, emblématique de la Polynésie…

La brève visite à Otaheiti du capitaine Wallis en 1767 allait être vite occultée par l’entrée sur la scène polynésienne, quelques mois plus tard, de deux marins devenus plus célèbres : le Français Louis-Antoine de Bougainville (1768) et l’Anglais James Cook (1769).
En quittant Otaheiti, Wallis a préparé, sans le savoir, l’accueil mémorable qui sera réservé aux deux vaisseaux de Bougainville, quelques mois plus tard.
Le 2 avril 1768, l’escadre de Louis-Antoine de Bougainville, constituée de la frégate La Boudeuse et de la flûte L’Etoile, arrive en vue de la presqu’île de Taiarapu. Bougainville cherche un mouillage praticable, mais il s’engage malheureusement sur la côte est de Tahiti, la plus exposée au vent et à la mer, et escale finalement dans le détestable mouillage de Hitra. Il en repartira dès le 15, après avoir perdu 6 ancres et failli être drossé à plusieurs reprises sur le récif.
Hormis quelques coups de mousquets qui feront deux morts parmi les indigènes qui cherchaient à voler du matériel, ces 9 jours furent suffisamment paradisiaques pour que Bougainville appelle Otaheiti la Nouvelle Cythère. L’accueil des Tahitiens est d’emblée très chaleureux, et celui des Tahitiennes, comment dire, l’est encore plus… Elles s’offrent avec grâce aux navigateurs en signe de bienvenue ! L’arrivée de l’escadre à Tahiti, en baie d’Hitiaa, semble avoir engendré des souvenirs grandioses (j’aurais aimé en être)...
La légende de Tahiti est en route, et Bougainville en est le colporteur par-delà les mers :
« Je me croyais transporté dans les jardins d’Eden. Partout nous voyions régner l’hospitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur. »
Ignorant (ou plus sûrement feignant d’ignorer) le passage de Wallis l’année précédente, Bougainville prend possession de l’île au nom du roi Louis XV le 12 avril 1768.
Exactement un an plus tard, le 13 avril 1769, James Cook fera jeter l’ancre de son Endeavour dans la baie de Matavai, lors du premier de ses 3 voyages dans le Pacifique Sud. Le grand explorateur anglais, excellent marin et insatiable découvreur, restera 3 mois dans l’île, pour n’en repartir que le 13 juillet. Il en dressera la première carte marine, et fera, avec les savants dont il est accompagné, les premières observations véritablement scientifiques effectuées dans le Pacifique Sud. Cette approche très pensée et très structurée de Cook de l’exploration maritime donnera de ce fait à ses trois expéditions successives une dimension autrement plus consistante (en termes de découvertes géographiques et d’observations scientifiques) que celle attachée au voyage de Bougainville, à cet égard moins performant, mais peut-être plus romanesque. Le chef d’escadre français gardera le mérite d’avoir réalisé une circumnavigation heureuse, qui contribuera pour beaucoup à l’établissement durable en Europe du mythe des îles enchantées du Pacifique Sud.

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Entrer dans les passes nécessite une surveillance précise : Marin est monté en tête de mât pour passer celle d'Haapiti à Moorea...

Cap au 234 à 210 milles, sur Tahiti Iti et Tahiti Nui…

Journal de Barbara :
Nous appareillons de l’atoll de Toau le 14 juin au petit matin, quittant ainsi l’archipel des Tuamotu, pour arriver après 48 heures de navigation par vent faible sur la presqu’île de Tahiti, joliment appelée Tahiti Iti (la petite Tahiti). La lumière est superbe. Le relief verdoyant et abrupt s’impose majestueusement. Ce petit bout du monde est mal connu, c’est pourtant un véritable bijou, chasse gardée des Tahitiens, où règne le rythme de vie du Tahiti rural d’antan. Arriver sur l’île de Tahiti par la presqu’île constitue pour nous un sas appréciable après nos semaines de vie de robinsons dans les atolls des Tuamotu. Le retour à la civilisation est ainsi plus progressif. Nous passons devant le village de Teahupoo, mondialement connu des surfeurs pour sa vague parfois exceptionnelle (quand la houle du sud a été gonflée par du mauvais temps du côté des Australes), empruntons la passe Tepuaeraha, naviguons dans le lagon de la presqu’île, et mouillons finalement dans la baie de Port Phaeton. Près de onze mois après notre départ de France, nous sommes arrivés à Tahiti !
Après cet atterrissage en douceur, 4 jours "marathon" s’ensuivent sur Tahiti Nui (la grande Tahiti). C’est le lot attendu du retour à la civilisation après presque trois mois passés dans les îles du Pacifique, en autonomie totale. Nous mouillons, après cinq heures de navigation, devant la marina Taina à Punaauia, au PK 12 (point kilométrique), proche du supermarché Carrefour et à 12 km (donc) de Papeete. Nos derniers gros appros datent du 31 mars, à Panama. La to do list dont il faut s’acquitter est impressionnante. Nous enchaînons les commandos au supermarché (dont on peut revenir en poussant les caddies jusqu’au ponton des annexes de la marina), les courses plus ciblées dans le centre-ville de Papeete, les allers-retours à la Direction des Etudes Secondaires pour obtenir l’aval de l’inspectrice d’académie afin de réinscrire les enfants au CNED à la rentrée scolaire… Si les premières minutes passées dans le supermarché nous émoustillent, cette profusion d’offre, cette abondance matérielle qui se présente subitement à nous après des semaines de régime poisson-riz passées loin de tout, très vite nous déboussolent. Et le niveau des prix polynésiens nous stupéfie.

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Moorea est célèbre pour ses deux superbes baies, la baie de Cook et la baie d’Opunohu, qui se présente ici devant les étraves du catamaran.

Nous nous rendons dans le centre-ville de Papeete en bus, à ma grande déception… Les trucks de mon adolescence (transports en commun typiques, colorés, bondés, où la musique forte et les rires rendaient les trajets presque toujours trop courts) ont laissé place à des bus ordinaires plutôt tristes que l’on prend désormais dans des arrêts réglementés. Le marché central en revanche n’a pas changé. Quelque 300 commerçants, des produits en provenance de tous les archipels de la Polynésie. Les étalages de fruits, de fleurs, de poisson frais et d’artisanat nous retiennent un bon moment. La circulation reste très dense, bruyante, et les embouteillages sont nombreux aux abords de Papeete. Nous flânons dans le parc Bougainville, croisons devant la terrasse du "Rétro", où mourut Joe Dassin (les enfants l’avait lu dans un guide, et voulaient voir la plaque !), traînons à la Maison de la Presse, passons par la librairie Odyssée proche du Centre Vaïma, visitons la cathédrale, faisons un détour par la boutique Hinano, très en vogue, non seulement pour la célèbre bière, mais désormais aussi pour ses lignes de vêtements… Olivier et Marin se font monter, par un marchand chinois d’articles de pêche, des bas de ligne en acier, aptes à résister aux gros poissons de l’Ouest Pacifique, pour les lignes de traîne.
Nous visitons le marae d’Arahurahu, lieu de culte polynésien édifié en plein air. Sacré, il était destiné à la célébration de la vie religieuse et sociale du clan. On y honorait et invoquait les dieux, intronisait les chefs, préparait la guerre, accomplissait les cérémonies rituelles, présentait les offrandes et pratiquait les sacrifices … humains ! Le cadre est superbe, à flanc de montagne, une grande clairière à la lisière de la forêt tropicale dense.

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Balade à l'intérieur des terres de Moorea avec les champs d'ananas à perte de vue.

Moorea, escale dans un décor grandiose…

Journal de Barbara :
Nous ne nous éternisons pas à Tahiti. Non pas que Tahiti ne présente pas d’intérêt, mais nous la connaissons déjà, et nous venons de revoir nos invités : Timothée (le grand frère des enfants) et Capucine (l’amie de cœur d’Adélie) qui ont certainement hâte de goûter aux lagons couleur turquoise et à la douceur des îles. A six désormais à bord, les déplacements en stop seraient plus compliqués, et l’île de Tahiti est moins propice à des vacances nautiques que les autres îles de la Société. J’ai vécu à deux reprises à Tahiti, et Olivier a déjà eu l’occasion de visiter l’île. Nous appareillons pour Moorea dès le lendemain. Alors qu’elle est distante d’une quinzaine de milles de Tahiti, nous apercevions Moorea et son élégante silhouette au relief tourmenté depuis notre mouillage dans le lagon de Punaauia. Moorea est célèbre entre autres pour ses deux superbes baies, la baie de Cook et la baie d’Opunohu. Une route goudronnée fait le tour de l’île (60 km). De magnifiques montagnes dominent le littoral. Si proche de Tahiti, Moorea en est tout le contraire : calme et rurale. Les citadins de Papeete viennent s’y détendre le week-end. Nous mouillons d’abord sur la côte orientale de l’île, devant le village d’Haapiti. Elle est peu visitée, et Olivier a donc… décidé d’y passer. Nous avons pu franchir la petite passe (de Matauvau) d’accès au lagon quelques minutes avant le coucher du soleil. Le cadre est sauvage, le lagon transparent. Le lendemain, dès le lever du jour, les enfants s’en donnent à cœur joie. Ils se baignent, font du kayak, et plongent sans cesse depuis les étraves. Bonheur de la fratrie retrouvée. Je me régale de les voir à nouveau réunis, et de les voir s’amuser avec autant de plaisir. Olivier est profondément heureux d’avoir ses trois enfants auprès de lui. L’intendance change quelque peu pour moi, de 4 membres d’équipage nous sommes passés à 6, et je n’ose imposer à nos vacanciers notre régime alimentaire plutôt basique des dernières semaines (riz-poisson, pamplemousse des Gambier, midi et soir, 7 jours sur 7). Avec un frigo plein, je cuisine à nouveau avec plaisir pour toute cette jeunesse qui semble être constamment affamée ! Le jeudi 24 juin, nous changeons de mouillage pour celui situé devant l’ancien Club Med de Moorea. Jangada s’engage dans le lagon par la passe Taotai et, après un premier mouillage provisoire qui permet à Olivier d’aller repérer le passage étroit et sinueux avec seulement 50 cm d’eau sous les ailerons, nous jetons l’ancre entre deux petits motus. Le spot est juste parfait, idyllique ! Le Club Med de Moorea a disparu depuis une dizaine d’années, mais l’ambiance à bord de Jangada s’en rapproche sensiblement… ! Un temps radieux, de grandes journées de plein air, des amis, des pique-niques sur les motus, du snorkelling… Le bonheur. Le soir, le carré de Jangada se transforme même en « boat cinéma » avec les derniers films sortis en France en DVD, que Timothée a apportés. Marin et Adélie sont aux anges. Dernier mouillage, la baie d’Opunohu, devant le village de Papetoai. Le lendemain matin, nous avons prévu une petite randonnée pour découvrir les vieux sentiers pédestres dans la montagne de Moorea. Le beau temps n’est pas au rendez-vous (la météo est rapidement changeante en Polynésie), mais nous partons quand même sous un ciel gris et bas. Nous empruntons un sentier au fond de la vallée pour accéder au col des 3 Cocotiers. S’abat alors sur nous une pluie tropicale drue et ininterrompue qui durera toute la journée ! Heureusement, la végétation dense et luxuriante de la forêt nous protège un peu. Nous sommes trempés, mais le moral reste bon. Nous faisons une pause au col, puis redescendons dans les sous-bois vers le belvédère. Nous y arrivons vers 15h00, mais la vue y est parfaitement bouchée sur les deux baies qui s’étendent à nos pieds ! Nous sommes trempés comme jamais ! La gentillesse des Polynésiens n’est pas une légende, et nous trouvons un 4x4 pick-up qui nous redescend en bas de la vallée. Une autre voiture fera ensuite deux allers-retours pour déposer l’équipage de Jangada au complet devant l’annexe ! Le lendemain, le soleil brille à nouveau. Nous louons une voiture, remontons au belvédère et pouvons alors admirer la vue dégagée et majestueuse sur la baie de Cook et celle d’Opunohu. Nous visitons un grand marae niché au fond de la vallée d’Opunohu, puis le lycée agricole et ses magnifiques plantations d’arbres fruitiers et d’ananas. Nous nous rendons à la distillerie et à l’usine de jus de fruits Rotui, puis faisons le tour de l’île par la route côtière. Retour au bateau en fin de journée, heureux. Nous préparons notre appareillage le soir même pour les îles Sous-le-Vent. Ainsi va le voyage… Nana (au revoir) Moorea !

Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Les baies de Cook et d'Opunohu, séparées par le mont Rotui à Moorea, panorama de rêve…

Les aventures d'Olivier et de sa famille sur leur catamaran "Jangada" sont maintenant devenues un livre, qui retrace leur tour du monde en trois ans. Deux tomes, des infos par milliers et de magnifiques photos font de ces ouvrages un indispensable pour tous ceux qui préparent un voyage en bateau ou qui en rêvent.
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Chronique autour du monde : Tahiti et Moorea

Dans la baie de Cook, les va'a, fameuses pirogues montées en prao, s'entraînent.

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