Pacifique

Marquises : "The Waoooow Effect" à bord de Suricat

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Dans ma vie d'avant-bateau, et une période qui me semble à ces heures bien lointaine, je travaillais dans l'industrie du tourisme, et plus particulièrement pour des hôtels 5 étoiles voire plus, le top du top de l'hôtellerie de luxe en Polynésie. La clef de tout succès pour chaque modification ou rénovation de ces biens de haut standing résidait en deux mots, en anglais bien sûr parce que ça sonne toujours plus juste et plus direct, il fallait provoquer "the Waoooow effect" à la première seconde où le pied du touriste fortuné foulerait la première dalle de marbre de nos palais.
Le rapport avec les Marquises ? Il est simple. Starwood ou autre Hilton n'ont rien inventé, et je crois qu'il est inutile de chercher plus loin. Cet "effet Waoooow…" vient d'ici, de cet archipel à plus de mille milles de toute terre habitée, car c'est le seul mot que l'on a à la bouche à chaque découverte, à chaque baie, à chaque paysage, à chaque cascade, à chaque baignade, à chaque rencontre… Waoooow… Bouche bée.

L'arrivée d'une traversée comme celle du Pacifique procure forcément de fortes sensations, mais, cerise sur le gâteau, ce qu'on trouve de l'autre côté n'est pas une île quelconque, ni une terre banale. C'est LA terre. La "Terre des Hommes", comme ils disent, la terre sauvage, la terre de la générosité, la terre promise…
De tous les endroits visités depuis le début de notre voyage, c'est sans doute le plus complet, celui où nous avons trouvé tout ce que nous cherchions. Allez, soyons justes, nous avouerons pour le bémol que les mouillages furent aussi les pires, inconfortables le plus souvent, descentes à terre frisant parfois l'acte kamikaze, mais il faut bien une raison pour partir, sinon, comme Brel, nous y finirions nos jours…

Croisière aux Marquises

La baie des Vierges à Fatu Hiva, originellement baie de Verges (évoquées par ses pitons rocheux), savamment rebaptisée par les évangélistes.

Marquises, terre des hommes

L'expression d'origine vise surtout à connoter la dureté des conditions de la vie des hommes dans ces paysages aux falaises aussi abruptes qu'elles sont majestueuses, à la mer puissante partout et souvent ennemie quand l'alizé se renforce, à l'isolement des ces îles et à l'autarcie qui l'accompagne.
Pour survivre dans cette nature intense, il fallait et il faut toujours être un Homme avec un grand H. Un viril, un tueur de cochon et un cavalier sans selle ni étrier, un pêcheur de nuit comme de jour, un travailleur, un sans-peur, un Mahoi sculpté et tatoué, un aito ("fort" en tahitien, comme l'arbre indestructible qui porte son nom).
Mais, après un mois et demi sur place et toutes les rencontres avec les Marquisiens et Marquisiennes, cette expression a perdu pour moi de sa valeur héroïque voire un brin machiste pour laisser place à une autre réalité. C'est la terre des hommes parce que la population que nous y avons rencontrée nous a dévoilé son sens de l'accueil du visiteur, sa générosité, son ouverture d'esprit malgré leur enfermement géographique, sa simplicité, son amour de la nature à l'état pur et la symbiose qui unit ici l'homme à celle-ci. Ils sont à l'image de leurs îles : entiers et généreux.

Après des premières rencontres à Fatuiva, rappelant un brin les San Blas pour le côté navigateurs qui débarquent en troupeau à cette période de l'année et sont donc vus surtout comme des sources de richesse matérielle (faute de monnaie disponible sur place, on y troque quelques denrées du bord contre les premiers fruits que l'on trouve après des semaines de mer), nous avons pu faire nos premières vraies rencontres dans des baies bien moins fréquentées car plus éloignées des chemins standards des voyageurs au long cours.
Il faut dire qu'à cette période de l'année, les bateaux se comptent parfois par cinquantaines dans certains mouillages, ce qui ne favorise pas, bien sûr, les rencontres. L'intimité ne s'acquiert jamais dans la masse…

Mais dès que nous avons touché les baies du nord d'Hiva Oa, nous avons commencé à les voir et à les connaître, ces Marquisiens que nous avions en si haute estime, ces "hommes" de la terre des hommes. Baie de Hanamenu, où semblaient nous attendre les chevaux sauvages et la petite rivière sur la plage comme pour concrétiser nos images d'Epinal du Paradis terrestre, nous tombons sur Ani, sobrement vêtu d'un pagne et tatoué de pied en cape, taillant de hautes herbes au milieu de ses chevaux, limite effrayant dans sa brousse verte s'il ne s'était tourné vers nous tout sourire et précipité à nous offrir son régime de bananes fraîchement coupé et à nous ouvrir des cocos pour fêter notre arrivée dans sa baie inaccessible par la terre…

Croisière aux Marquises

Le mahi-mahi, habituellement chassé par les Marquisiens au harpon, foisonne dans les eaux entre les îles.

Baie de Hanaiapa, c'est Adam, un jeune d'une vingtaine d'années, qui a trop bu et trop fumé dans sa première jeunesse et son exil papeetien, et a décidé de s'offrir une nouvelle vie en reprenant le travail de la terre dans son île natale, qui nous invite le plus naturellement du monde à venir déjeuner chez lui le lendemain midi. Le temps pour lui d'aller chasser le cochon le soir dans la montagne, de rentrer avec la bête vers 1h du matin et de se lever à 4h pour commencer à le cuire, ainsi que la chèvre, le fruit à pain… pour nous servir, rien que pour nous, un déjeuner pantagruélique, nous montrer ses dessins et les tatoos qu'il aimerait faire lorsqu'il aura appris à tatouer, nous offrir les fruits de son jardin et même ceux du jardin de la tante ou de la mamie, nous parler de sa vie, de son chez-lui, sans rien attendre en retour.

Il y aura aussi Roberto à Omoa, qui nous recueillera chez lui, pauvres erres portant nos ordinateurs dans un sac étanche à la recherche de la seule denrée rare aux Marquises… une connexion Internet. 5 heures durant, nous resterons sur sa terrasse, un œil sur l'écran de l'ordinateur (pour mettre à jour le site !), une oreille voire les deux pour écouter la vie de ce joyeux luron, repartir de chez lui avec des informations précieuses sur la pêche, une bouteille de miel sorti droit de ses ruches et quelques bananes séchées pour la route…

Ou encore Alfonse, en charge de la paroisse d’Hatiheu, venu me tenir compagnie à l'ombre d'un arbre et me raconter sa vie, son travail à Mururoa au temps du CEP (essais nucléaires), ses années à Tahiti et son retour chez lui et, bien sûr, toujours, le geste… il nous accompagnera sous les pamplemoussiers de la paroisse, nous offrant de cueillir à volonté les fruits mûrs et juteux.

Et d'autres encore, dans chaque baie et chaque village, des rencontres, des sourires, des coups de main, des histoires, des vies...

Ici, le contact est facile, rapide, sans arrière-pensée et, surtout, sans complexe. Le fait qu'ils ne soient pas démunis, possèdent à la fois la richesse de la nature et, il faut bien le dire, le bénéfice de la "continuité territoriale" qui apporte la santé et l'éducation française même au plus profond des villages les plus reculés, efface l'ancien fossé qu'il y a toujours eu dans nos précédents périples. Il n'y a plus de tiers monde face aux navigateurs occidentaux systématiquement ou presque assimilés à l'opulence. Il y a des îliens face à des voyageurs des mers. Et la plupart du temps, ce sont eux qui veulent nous aider et nous offrir leurs fruits par pitié pour nos papilles endormies à force de régime pâtes-riz, nos métabolismes à la limite du scorbut (mais non, Maman, c’est pour rire), ou nous prendre en stop pour nous épargner des heures de marche sous le cagnard. Les relations en sont indubitablement plus saines et plus sincères.

Croisière aux Marquises

Plage de l'anse Tanaeka au nord-ouest de Fatu Hiva, malheureusement difficile d'accès à cause de la houle permanente.

Marquises, terre de générosité

Dans chaque baie, nous avons trouvé une rivière, une cascade, de l'eau tout droit issue de la montagne, presque toujours potable, denrée si rare sur le reste de la planète, et bourrée de minéraux qui ont un goût suave à nos papilles éteintes par l'eau du dessalinisateur. De l'eau douce et claire à profusion, un rêve quand on vit toute l'année sur l'eau salée.
Je n'aurais jamais cru pouvoir trouver du plaisir à faire la lessive à la main. Pas la petite lessive d'appoint, non, la vraie, avec les draps et les serviettes, et l'intégralité de nos frusques. La bonne grosse lessive qui prend au bas mot 3 heures de frottage, rinçage, une grosse demi-heure d'étendage et encore une bonne heure de ramassage et pliage. Une des joies que l'on retrouve dans la vie à bord (quand on n'a pas de machine et plus aucun lavomatic en vue). Mais faire sa lessive entre les pains de sucre de Fatuiva, sur le quai surplombant les raies Manta d’Hanaiapa ou encore devant les rochers sculptés par la mer d’Ua Pou au coucher du soleil, sous l'œil intrigué et un brin apitoyé des Polynésiennes du coin qui viendraient presque apporter leur aide, ce sont des moments d'une rare beauté… Beauté et lessive… il n'y a qu'ici que ces deux termes pouvaient se rencontrer !

Boire et laver, c'est bien, mais il faut aussi songer à se restaurer. Qu'à cela ne tienne... Servez-vous ! Open bar ! En une seule balade (notamment dans la baie de Hane à Ua Huka), nous avons rempli nos sacs à dos de citrons, pamplemousses (les meilleurs au monde), goyaves sucrées et parfumées, grenades acidulées, oranges vertes, mandarines, corossols, pommes Cythère, sans oublier l'incontournable régime de bananes.

Croisière aux Marquises

Véritable fontaine de jouvence dans la baie d'Hanamenu au nord-ouest de Fatu Hiva, qui offre un bain naturel incomparable !

Et pour les protéines, me direz-vous… Alors là, festival ! De quoi damner le plus coriace des végétariens. Menu au choix : poisson, cochon sauvage (le "pua"), petite chèvre sauvage au lait de coco, œufs de sternes… Il y en aura pour tous les goûts ! Seul bémol et pas des moindres, les Marquises sont une zone ou la ciguatera sévit très fortement (toxine transmise par une algue qui se développe sur les coraux cassés, ingurgitée par les petits puis par les plus gros poissons de récifs, ceux que nous voudrions déguster à notre tour, autrement connue comme la "gratte"). Sur une même île, un même poisson serait consommable dans une baie mais pas dans la baie voisine. A Fatuiva, il faut manger la carangue bleue, mais surtout pas la noire, à Hiva Oa, c'est le contraire… Jamais un perroquet et peut-être un bec de canne, mais alors pas celui à gauche du rocher, celui à droite, en espérant qu'ils ne se rendent pas visite entre eux le dimanche...
Certains nous conseillent le test du "filet qui pendouille". La technique est simple, ouvrir le poisson et laisser pendre les filets. Si ceux-ci restent bien fermes et se rétractent un peu, le poisson est sain. S'ils pendouillent mollement comme une escalope pas fraîche, alors le poisson est bon à jeter.
Autre technique, celle des mouches. Si elles viennent sur le poisson, c'est qu'il est bon, sinon, il faut le jeter. A moins que ça ne soit l'inverse ?
Les locaux déjà bien intoxiqués par la gratte prétendent qu'ils ressentent des fourmillements dans les doigts dès qu'ils entament le nettoyage du poisson si celui-ci est atteint de ciguatera.
Autant de techniques pour autant de pêcheurs… et de résultats improbables.

Alors pour nous, un seul mot d'ordre… la pêche aux Marquises… on s'abstient ! ou alors bien sûr au large, un bon Mahi Mahi comme celui de 1,40 m que nous avons pêché entre deux îles, un bon gros thon qui nourrit la famille pendant une semaine, là, je dis oui ! Idem pour les coquillages qui foisonnent par endroits. Dans le doute, on ne touche pas. Trois bateaux arrivés avant nous dans la baie d’Anaho à Nuku Hiva en ont fait la fâcheuse expérience, et deux d'entre eux se sont retrouvés aux urgences de Papeete, évacuation sanitaire. Sans doute pas la ciguatera ce coup-ci, mais une autre toxine qui ne fait pas bon ménage avec notre système digestif et notre système nerveux. La frustration est grande, car les deux fois où nous avons fait un tour de baie en dinghy, les cannes traînant à l'arrière, en moins de 20 minutes, nous avions fait 6 prises, et des grosses. Obligés de tout balancer après avoir pris l'avis des locaux. Généreuse, certes, mais parfois sournoise, Mère Nature…

Croisière aux Marquises

Les petits chevaux marquisiens capturés à l'état sauvage dans les îles sont dressés dans la mer ; ils sont le seul moyen de parcourir de longues distances dans les chemins escarpés.

Marquises, terre sauvage

Lors de notre arrivée salutaire à Fatuiva après notre laborieux Pacifique, nous avons eu l'impression de toucher l'île de Jurassik Park. Et nous n'aurions même pas été étonnés d'apercevoir des dinosaures dans ces décors de terre sauvage tellement ils s'y prêtent. Nous nous sommes contentés de la faune contemporaine, à elle seule surprenante de richesse et de scènes dignes des prime times de Discovery Channel.
Des petites chèvres sur chaque falaise, des troupeaux entiers, en liberté, qui escaladent miraculeusement les tombants les plus abrupts et bercent nos nuits de leurs petits bêlements. On les contemple, parfois la bave au coin des babines une fois qu'on a goûté au délice local de la petite chèvre au lait de coco…
Les cochons aussi sont sauvages, mais on les aperçoit plus rarement. Il faut aller les chasser dans la forêt, dense, la plupart du temps, et cette chasse n'est pas réservée au premier quidam venu. Certains nous avertissent que tout le monde n'en revient pas vivant. Les conditions sont si rudes et dangereuses dans cette montagne jeune et aiguisée comme un coupe-coupe qu'il faut être un "Toa" (un guerrier) pour en revenir vainqueur.
On préférera donc sans doute mesurer sa bravoure dans la "chasse" aux œufs de sternes sur le rocher aux oiseaux d’Ua Hua, dans la baie d’Haavei. Nul besoin du courage du guerrier. Ici, ce qu'il faut, c'est de l'agilité et une bonne force physique pour grimper aux 10 mètres de cordes qui mènent de la surface de l'eau (très agitée…) le long de la falaise, au "plateau" du rocher aux oiseaux. Là, je ne suis guère digne d'en parler, n'ayant pas réussi (ni voulu insister) à me hisser à la force des bras. Les sternes virevoltent par milliers, piaillant, se bousculant au-dessus de cet endroit propice à l'établissement de leurs nids. Ces bestioles pondent des œufs comme je lance des jurons. Toutes les demi-heures. Les gens du coin viennent tous les 2 ou 3 jours ramasser des seaux entiers, environ 40 seaux de 400 œufs chacun (je vous laisse faire le calcul). Et si un bateau est déjà passé quelques minutes avant eux, pas grave, ils attendent une petite demi-heure, et la ponte reprend, inexorablement.
Mais voilà, la sterne se nourrit de poissons, et ses œufs, à la couleur et à la texture bien particulières, en ont également le goût..

Croisière aux Marquises

Petite église de Hatiheu au nord de Nuku Hiva.

Les amateurs d'équidés se régaleront du spectacle des chevaux sauvages sur les falaises surplombant le bateau au mouillage. Se réveiller tôt le matin avec, derrière le bol de café fumant, des milliers de sternes tachetant le ciel, et, devant l'assiette de pancakes, une demi-douzaine de chevaux sauvages partageant l'immensité du terrain de jeu avec des troupeaux de petites chèvres, c'est un décor à ne pas en croire ses yeux.


Mais je garde le meilleur pour la fin… De toute cette faune incroyable, je dédie la palme à la reine… la déesse des mers, ma seule rivale dans le cœur de mon homme, puisqu'elle a même droit à son effigie en tatouage sur son bras depuis 15 ans. J'ai nommé Fafa Piti, la raie Manta, la reine Manta ! Nous avons bataillé pendant des années pour tenter d'en apercevoir la queue d'une dans les spots de plongée les plus prisés au monde, mais c'est ici qu'elles sont. Dans toutes les baies et à chaque mouillage, nos cœurs palpitent à la moindre tache sombre. Et quasiment à chaque fois ce sont des Manta ! Pas une, petite, égarée, furtive. Non, trois, souvent quatre, ou cinq... Une fois, nous les avons vues par vingtaines, se nourrissant à la surface de l'eau sombre de la baie dans un ballet inoubliable. Nous entourant en toute indifférence, nous frôlant les palmes sans un mot d'excuse. Elles sont partout chez elles, dans cette eau foisonnante de plancton aux formes et textures extraterrestres. Il est si dense qu'elles avancent doucement, on les entendrait presque se délecter du menu, et on ne se lasse jamais, JAMAIS, de les admirer. Alors que de mauvaises conditions météo nous "contraignaient" à séjourner une dizaine de jours dans la baie d'Hanaiapa à Hiva Oa (je mets des guillemets car cette escale fut une des meilleures de notre vie de bateau), tous les matins, nous restions deux bonnes heures dans l'eau, le long du tombant, pour les admirer sur leur station de nettoyage où de minuscules poissons rentrent de partout dans leur immense corps pour le service d'étage. Emouvantes, majestueuses, inégalables sur le podium des créations de la planète, à nos yeux comblés, en tout cas, il y a des Manta aux Marquises comme il y a des poissons-lions au Roatan ou des machines à laver dans le lagon de Tahiti, à foison !

Croisière aux Marquises

Récolte des œufs de sternes sur Ua Huka. Leur utilisation dans la patisserie est à proscrire... à cause de leur arrière-goût de poisson !

Marquises, paradis des enfants bateaux

Autant les Bahamas du début de notre aventure étaient le fief des retraités américains et canadiens, autant les Marquises furent le théâtre de rencontres d'une multitude de familles bateaux. Nous n'aurions pas cru que la population de plaisance de l'autre côté du Pacifique (qu'il faut tout de même traverser !) aurait une moyenne d'âge si basse.
Inutile de dire que cette gent enfantine fut la cerise sur le gâteau. Coline et Eden étaient déjà bien loties d'avoir traversé le canal de Panama puis le Pacifique à quelques mètres à peine, et toujours à portée de VHF, de leurs grands copains de Zouk, Lou et Devi (8 et 9 ans). Coline avait même eu droit à un "Joyeux Anniversaire" chant et piano de ses deux copains sur le canal 16 pour fêter ses 7 ans en plein milieu du Pacifique ! Le luxe !

Mais plus on est de fous, plus on rit, dit l'adage. Et dès Fatuiva, ça s'est mis à rire de plus belle sur les mouillages ! Le trampoline de Suricat a d'ailleurs bien souffert des petits bonds effrénés enchaînés jour après jour sans relâche par nos petites têtes blondes.

Peu de jours après notre arrivée, c'est Lumbaz qui débarque au mouillage en provenance des côtes ouest de Mexico. Dani (le papa hispano-allemand), Eugénie (la maman franco-espagnole avec un peu de russe aussi), Ainara (12 ans), Luna (10 ans), Noa (8 ans) et Nils (4 ans). Les hommes sympathisent vite sur fond de galère technique (plus de guindeau sur Lumbaz dès leur arrivée, ce qui rendait les Marquises, et même la suite, inenvisageables). Les femmes aussi, forcément. Une nouvelle wonderwoman de plus dans la liste qui ne cesse de s'allonger. Mère de 4 enfants, et d'un zen absolu, ce qui chez moi serait antinomique, gaie et pêchue, talentueuse danseuse contemporaine pour ma plus grande admiration, partageant moi-même cette passion, me voilà requinquée des affres de la traversée et je retrouve l'essence de ce voyage… Les belles rencontres.

Croisière aux Marquises

Les seaux d'œufs sont descendus le long de la falaise et acheminés en bateau. L'accès à l'îlot Teuaua se fait exclusivement par une corde de 8 m de haut !

Mais revenons à nos petits moutons, car c'est bien d'eux qu'il s'agit ici. La bande se forme donc vite : Coline et Eden, Lou et Devi de Zouk, les 4 petits de Lumbaz, polyglottes (4 langues chacun et même 5 pour les plus grandes), le petit Soan (8 ans) d'Izayan rejoint bientôt la troupe, puis Ana (6 ans) et Ulysse (4 ans) de Bulle, sans compter quelques autres de passage plus bref. Avec une bande pareille, les enfants s'éclatent…

A l'époque de l'élaboration du projet, certains de nos proches pensaient, et c'était légitime, que nous imposions notre voyage à nos enfants, qui n'avaient pas demandé à être là, à subir le mal de mer, les heures de navigation inconfortable, de paperasse ou de lavomatic, les angoisses des pannes techniques ou des divers déboires de la vie à bord. C'est vrai, mais avant même de partir, je les avais vus, moi, les enfants bateaux, sur les quais de la marina de Tahiti. Et je savais que, pour mes filles, ce voyage nous permettrait de leur offrir sans doute la plus belle enfance qui soit. Certains pouvaient nous voir comme des égoïstes réalisant notre rêve en embarquant notre progéniture dans nos galères ou nos dangers. Peut-être bien, mais notre égoïsme ne nous fait aucunement honte lorsque nous voyons nos filles vivre des moments comme ceux que les Marquises nous ont offerts. De l'hédonisme pur, et en plus, à partager avec les copains.


C'est pour des endroits comme les Marquises qu'aucun moyen de transport ne remplacera jamais le bateau. Il est certes le moyen le plus lent et le plus coûteux de tous, mais il n'y avait que lui pour nous porter dans ces lieux reculés et préservés du monde… Suricat est notre maison, notre moyen de locomotion, mais bien plus que ça, il est le fidèle destrier qui nous a portés ici, et nous lui pardonnons donc toutes ses faiblesses...

Croisière aux Marquises

Les raies Manta pullulent dans toutes les îles. Il n'est pas rare d'en observer par dizaines en frénésie dans les eaux chargées en plancton !

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