Pacifique

Escale à l’autre bout du monde… Nouvelle-Zélande (2e partie)

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A la découverte de l’île Sud…

Le bateau bien à l'abri au sec, nous voici redevenus terriens. Sacs à dos, sacs de couchage, tente, réchaud à gaz, gourdes, lampes frontales… Fin décembre, nous prenons la route No 1, qui traverse du Nord au Sud les deux îles de Nouvelle-Zélande. Le moteur V8 de notre 4x4 d’occasion ronronne sans histoire : si vous lui donnez ses 18 litres d’essence aux 100 km, il vous déhale confortablement ! Billets du ferry d’Interislander en poche, nous allons flâner dans le centre de Wellington City, la capitale néo-zélandaise. L’une des villes les plus ventées de la planète, du fait de son implantation dans le détroit de Cook, un lieu souvent tempétueux, qui sépare l’île du Nord de l’île du Sud. A la nuit, le ciel bas roule de gros nuages sombres, poussés par une brise prometteuse. La traversée, normalement d’un peu plus de trois heures, en durera cinq ! Le ferry devra batailler dans le coup de vent qui nous est tombé dessus juste avant l’appareillage… Nous débarquons, fatigués, vers 5 heures du matin, à Picton, une petite ville protégée de la mer par un fjord profond, le Queen Charlotte Sound. Les rafales font rage à 40 ou 50 nœuds, des pluies diluviennes s’abattent sur le toit du Land Rover, garé sur un petit promontoire de la route de Havelock… Damned ! Au petit matin, la tempête s’éloigne, mais les pluies de la nuit ont transformé les ruisseaux en torrents. Arbres déracinés, passages à gué, et glissements de terrain. Plus tard, les premiers rayons de soleil réapparaissent autour de Blenheim, la capitale du vin en Nouvelle-Zélande.
On ne le sait guère, mais la Nouvelle-Zélande, ou tout au moins l’île Sud, aurait pu voir flotter sur ses verdoyantes prairies le drapeau tricolore ! J’aurais bien aimé ! Sauf qu’on n’a jamais su gérer notre empire. OK, en plus, le temps est révolu, je sais. Mais les Anglais, encore et toujours eux, nous ont devancés ! De peu, certes, ce qui laisse encore plus amer. Et toujours avec ruse… Perfide Albion... (Graham, s’il te plaît, tu traduis fidèlement, là, pour la version anglaise de Multicoques Mag !) Langlois, qui mouille régulièrement dans la baie d’Akaroa, souhaite y fonder une colonie. Courant 1838, il négocie l’achat de 30 000 acres (12 000 hectares) de terres maories pour 1 000 francs de l’époque. Il décide de revenir en France, pour y chercher l’appui du gouvernement de Louis-Philippe, qu’il obtient. Ainsi que des capitaux et des colons. Il veut coloniser la Nouvelle-Zélande ! A bord du navire Comte de Paris, 57 émigrants tentent l’aventure. Quelques semaines plus tôt, Louis-Philippe a fait appareiller l’Aube, un navire de guerre commandé par Charles Lavaud, représentant officiel de la France. Mais tout cela a pris du temps, et à l’autre bout du monde… les Britanniques, qui ont eu vent de l’information, accélèrent les négociations avec les Maoris, dans l’île Nord. En février 1840, ils obtiennent la signature du traité de Waitangi. Et le 17 juin, ils étendent la souveraineté britannique à l’île du Sud… En août 1840, quand le Comte de Paris et ses émigrants pénètrent dans la baie d’Akaroa, la déception est grande : l’Union Jack claque au vent depuis huit jours ! Perfide Albion, vous dis-je… (Graham, tu traduis…)

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Grandes vacances en Nouvelle-Zélande pour le staff de Jangada, à bord de son Land-Rover devant le mont Cook enneigé…

La Nouvelle-Zélande sous pavillon tricolore ? Le rêve s’arrête là. De cette tentative avortée, restent un petit cimetière français et quelques noms de rue : rue Balguerie, rue Benoit, rue Pompallier, rue Lavaud.
Parmi les familles britanniques d’émigrants installées quelques années plus tard à Akaroa, la famille Worsley. L’un de ses enfants, Frank Worsley, deviendra un grand marin : il sera, plus tard, nommé capitaine de l’Endurance, le navire d’Ernest Shackleton, lors de sa célèbre (et dramatique) expédition de 1914-1916 en mer de Weddel. Au détour de quelque pohutukawa en fleurs, je découvre le buste du captain Worsley, à proximité du wharf d’Akaroa. Respect.

Le soir du 31 décembre, il fait frais sous notre tente, au camping du village qui domine la French Bay. Nous ouvrons une bonne bouteille de vin kiwi, dont le cépage est français tout de même ! En levant mon verre, je pense aux nôtres, à mon grand fiston resté au pays, là-bas si loin, à nos enfants dans l’île Nord, à nos amis. J’ai aussi une pensée pour Worsley, le captain de l’Endurance, et une autre pour… le cours parfois hasardeux de l’Histoire !

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Sur la côte est à Kaikoura, les otaries ne sont plus chassées par les navires phoquiers…

Deux vélos sur l’Otago Central Rail Trail…

La province du Central Otago, au sud de l’île Sud de Nouvelle-Zélande, est peut-être la région que je préfère dans ce beau pays qui n’est pas avare de beautés naturelles. On y rencontre des paysages majestueux qui s’étendent à l’infini, des collines verdoyantes qui ondulent gracieusement jusqu’aux confins de l’horizon. Parfois, l’environnement se fait plus sec, plus rugueux, les roches basaltiques d’anciens cataclysmes le disputent aux herbes sèches battues par les vents générés par les profondes dépressions australes des quarantièmes sud. Les habitations sont rares, les âmes peu nombreuses. D’anciens villages, bâtis au temps de l’épopée aurifère, sont aujourd’hui abandonnés. Il y a bien davantage de moutons, de vaches et de cerfs rouges dans le Central Otago, que d’habitants néo-zélandais. L’air y est très pur, la nature y est forte. Tout ce que j’aime ! Et, c’est plus triste à dire, mais c’est une réalité qui favorise les belles rencontres, loin des artifices : l’homme y est rare, et il a peu agi sur l’environnement. En clair, cela signifie qu’il l’a peu dégradé, car il ne sait guère, hélas, faire autre chose.

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Après le catamaran et le Land Rover, c'est en vélo que le voyage continue, sur l’Otago Central Rail Trail…

Un épisode a, plus que d’autres, façonné l’histoire de l’Otago : la ruée vers l’or, dans les années 1860. Depuis Dunedin l’écossaise, la ville principale de l’Otago, dont le port a grandement contribué au développement rapide mais relativement éphémère de la région, à la fin du 19e siècle, une voie ferrée unique, la Central Otago Railway, pénètre au cœur du pays, par des gorges étroites et un tracé sinueux, jalonné de nombreux ponts de fer et de tunnels creusés dans la roche. En trois ans, la population de Dunedin va tripler ! La fièvre de l’or est progressivement retombée, pour disparaître à la fin des années 1930. Cependant, en approchant de Middlemarch, petite bourgade perdue aux confins de la steppe, par une gravel road que notre Land Rover avale à vive allure, nous découvrons soudain un spectacle ahurissant : d’énormes engins Caterpillar s’activent comme des fourmis géantes au milieu d’un incroyable paysage lunaire. Ici, les hommes ont défoncé la montagne. Chirurgie lourde à la surface de la planète ! Nous sommes à proximité de la mine d’or à ciel ouvert de Macraes Flat, remise en exploitation en 1990, grâce aux avancées technologiques qui ont pu redonner une rentabilité à cette gigantesque exploitation : 3 tonnes d’or sont extraites chaque année de ce site. Mais Barbara et moi avons pour l’heure d’autres préoccupations que celle de courir après les pépites : nous voulons parcourir à vélo l’Otago Central Rail Trail ! L’ancienne voie ferrée qui pénètre, à partir de Middlemarch, au cœur de l’Otago Central. C’est par cette voie ferrée qu’ont transité d’innombrables matériaux de construction, outils, machines, semences et denrées alimentaires venus de la lointaine Angleterre. En sens inverse, c’était surtout le live stock (moutons principalement, et plus tard bovins), comme l’on dit ici, qui prenait le chemin des abattoirs de Dunedin, puis celui des cales réfrigérées des premiers navires frigorifiques en partance pour la vieille Europe. En 1990, cette voie ferrée historique du Central Otago est abandonnée. Les Néo-Zélandais passent à l’ère du 4x4 japonais, et les animaux sont désormais transportés par des trucks. Le Department of Conservation rachète le segment compris entre le village de Middlemarch et celui de Clyde, quelque 160 km plus loin. Plusieurs années de travaux plus tard (enlèvement des rails, modification du ballast pour le transformer en piste, aménagement des ponts et tunnels pour les sécuriser, réalisation de marquages, construction de petits abris anti-intempéries équipés de toilettes disséminés çà et là sur le parcours), l’Otago Central Rail Trail est ouvert aux amateurs de nature authentique. C’est certainement l’un des circuits cyclistes les plus beaux sur notre planète. Le parcours est en fait réservé aux marcheurs, aux cyclistes, et aux randonneurs à cheval. Aucun véhicule à moteur n’y est autorisé. Mais le moyen de loin le plus adapté pour parcourir le Rail Trail est sans conteste le VTC. Alors, on appuie sur les pédales ? J’ai regardé la carte, et je me doute que la plupart des cyclistes qui viennent sur l’OCRT arrivent par la ville de Queenstown, à l’ouest, doté d’un aéroport. Ils parcourent donc le Rail Trail d’ouest en est. Vent portant. Nous allons donc l’attaquer… en sens inverse ! Je veux bien être tout, sauf grégaire. Et puis la météo change tellement vite dans ces contrées… A Middlemarch, nous louons deux VTC parfaitement conçus pour le Rail Trail : amortisseur central, double frein à disque, 3 plateaux, 6 vitesses, du matériel de qualité. L’un des avantages du Rail Trail réside dans le fait que la pente ne dépasse jamais 2°. A quoi servent donc les 3 plateaux du vélo ? Réponse : à lutter le cas échéant contre le vent, parfois bourré de vitamines à 45° de latitude sud ! Nous avons prévu de rallier le village de Clyde en 4 jours.
Matériel de camping minimal, gourdes d’eau, vestes de quart et polaires, chaussures de marche, lunettes de soleil et casques. Et… téléphone satellitaire Iridium ! Pour notre petite conversation téléphonique journalière avec les enfants, restés dans l’île Nord. Tous les soirs à la vacation convenue, entre 20h15 et 20h30. Liaison quotidienne très attendue de part et d’autre. Nous laissons le Land Rover à Middlemarch, nous reviendrons avec un shuttle. En piste pour l’Otago Central Rail Trail ! La moyenne est de l’ordre de 12 km/h, petites pauses en tous genres comprises. La piste oblige à rester vigilant, et le regard va alternativement des 15 mètres de piste qui précèdent la roue avant de nos montures aux fabuleux paysages de l’Otago. Un bonheur ! Le beau temps ne nous quittera pas jusqu’à Clyde. A proximité du village de Wedderburn, nous franchissons le parallèle 45° Sud, et peu après, nous atteignons le point le plus haut du parcours. A nous la descente vers Alexandra, puis jusqu’à Clyde. Ce petit village paisible marque la fin de l’Otago Central Rail Trail, une belle idée…

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Sur le sentier de Copland Track, au pied du mont Cook. La Nouvelle-Zélande est le paradis du randonneur.

Retour à bord, à Marsden Cove …

Quatre mois désormais que nous sommes en escale. La saison des cyclones touche à sa fin dans le Pacifique Ouest. Nous avons remis nos sacs à bord de Jangada le 15 février, dans la marina très protégée de Marsden Cove. Nous réarmons le bateau. Barbara et les enfants "abattent du CNED", chaque matin. 4 bonnes heures. Dur, dur ! Je finis les derniers travaux techniques d’amélioration et de visite. Remise en service du frigo, du dessalinisateur d’eau de mer. Les nouvelles pompes (eau douce, eaux grises) installées pendant que nous étions au sec au Chantier Norsand fonctionnent. Les WC, entièrement démontés, détartrés, et remontés (tout l’équipage s’y est mis !), n’ont jamais aussi bien rempli leur humble mais éminent service. Un dernier souci avec l’informatique, après notre séjour à terre et nos nombreuses connexions Internet. Le chargement de Google Chrome et différentes mises à jour informatiques effectués lors de notre longue escale ne semblent pas avoir été du goût du petit logiciel Chopper, qui me permet de capter les fichiers Grib de vent par le programme informatique Maxsea. On commence, après un demi-tour du monde, à avoir une bonne idée de l’ampleur des interférences informatiques négatives des différents logiciels, antivirus, protections, interdictions et sécurités en tous genres sur les fonctionnalités de navigation et de télécommunication qui intéressent notre vie à bord en voyage. La solution ? Avoir deux ordinateurs, bien différenciés au départ, et être extrêmement rigoureux : un ordinateur à bord fixe, programmé avec les fonctionnalités navigation/télécommunication et l’archivage photo. Cet ordinateur ne doit jamais, mais vraiment jamais, être débarqué ni connecté à Internet. Et un autre, plus mobile, à utiliser pour les connexions à terre ou Wi-Fi, la lecture des films, et les messages e-mails lourds (pièces jointes) via Internet. Après quelques heures de hotline, le bazar fonctionne à nouveau.

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De retour à Marsden Cove, sur l’île Nord, préparatifs d’appareillage pour l'équipage…

C’est exactement le moment que choisit la pompe eau de mer frigo, qui n’a guère plus d’un an d’âge, pour tomber en panne ! Vous l’aurez compris, pour faire le tour du monde autrement qu’en ascète, et cependant sans luxe excessif – disons de façon sobre mais heureuse , il faut une bonne boîte à outils, agrémentée de quelques aptitudes au bricolage… Etre un minimum diplomate ne gâche rien. Par exemple, annoncer d’emblée à votre charmante moitié que cette maudite installation froid fait encore des siennes et que la température remonte inexorablement dans le frigo de stockage alors que vous venez d’en faire le plein n’est pas une très heureuse initiative, stratégiquement parlant. Lui laisser entendre que vous rencontrez "un petit incident technique surprenant et très certainement provisoire sur ce petit bijou de technologie" est préférable… Quitte à passer quelques heures d’insomnie en solitaire à essayer de piger d’où vient ce nouveau mal qui vous gâche la vie alors que vous veniez juste de commencer à penser que la longue liste des travaux techniques "à faire impérativement en Nouvelle-Zélande" touchait à sa fin…
Justement, la fin de notre séjour à Marsden Cove approche. Nous profitons de la voiture pour aller faire un méga-plein de courses au Pack’n Save de Whangarei, que nous connaissons par cœur. Nous revenons avec deux gros caddies plein de sachets de pâtes de 500 g, de packs de lait UHT, de sacs de farine et de riz, de condiments, de mottes de beurre, de pots de confiture, de quelques barres chocolatées, de fruits et légumes, de quoi faire un ragoût de mouton aussi, quelques cubis de vin de 3 litres, et un pack de Steinlager Classic. J’en oublie. Alors… Alors je commence à regarder la carte marine des îles au sud-est de Whangarei, vers le golfe d’Hauraki. Depuis quelque temps, je songe à rejoindre Great Barrier Island, une île allongée et très découpée qui ferme, au large, la baie d’Auckland. Il y existe de nombreux mouillages abrités, pour toutes les directions de vent qui peuvent souffler dans la région. Un séjour à Great Barrier Island, à une trentaine de milles de Marsden Cove, me semble être une transition idéale entre notre longue escale à terre et la vie de marins avec laquelle nous allons bientôt renouer.

Mon regard balaye l’embouchure de la rivière de Whangarei. Un chiffre me trotte dans la tête : 18 000 milles. Il ne nous reste plus que la moitié du tour du monde à accomplir…

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

A Great Barrier Island, Marin assure le déjeuner (des moules), mais sans les frites…

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Après quatre mois d'escale heureuse, Jangada repart pour finir son tour du monde (golfe d’Hauraki)…

Chronique autour du monde : La Nouvelle-Zélande

Lac de la région de Queenstown, au cœur de l’île Sud. Un paysage somptueux !

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