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Côte est des USA : une alternative pour la saison cyclonique

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Certes, ce ne sont pas les mouillages paradisiaques qui nous motivent à partir – nous allons les quitter, justement –, mais la baie de Cheasapeake présente pas mal de coins sympas et la culture voile y est bien présente, à l’image du salon nautique d'Annapolis, l’un des plus importants des Etats-Unis. Le nord-est des Etats-Unis. L'autre intérêt de la Baie de Cheasapeake, c'est la proximité de sites intéressants facilement accessibles en voiture ou en camping-car – Washington, Shenandoah National Park, Niagara Falls, et New York, bien sûr !

Cat’Leya, notre Lagoon 52, quitte donc les Bahamas accompagné par son sistership Manjaro. Les USA sont tout proches des îles du nord de l’archipel – 48 milles seulement séparent les Bimini Islands de Fort Lauderdale. Mais le tirant d'air de notre Lagoon (plus de 27 m) nous interdit la remontée au moteur par l'ICW (intra coastal waterway, un canal qui part de Floride et longe toute la côte est des USA jusqu'à Norfolk). Les ponts fixes ont en effet une clearance verticale de 65 pieds, c'est-à-dire 19,70 mètres. C'est donc par l'océan Atlantique qu'il faudra naviguer avec l'aide du Gulf Stream. Nous avons décidé de monter jusqu’à Orlando, afin de visiter Cap Canaveral. Ce sera notre seul arrêt avant de rejoindre la baie de Chesapeake.

 

Orlando, la Space Coast

Si vous n’êtes pas citoyen américain, il vous faut soit un visa ou un ESTA pour aller aux Etats-Unis. Dans ce cas, votre première entrée sera assurée par un moyen de transport « commercial », avion ou bateau passager, pour revenir ensuite avec votre multicoque. Si vous arrivez des Caraïbes, le plus simple est d'aller des BVI aux USVI en bateau promenade pour la journée, votre passeport sera alors tamponné. Ensuite, lorsque vous pénétrerez dans les eaux américaines, il vous suffira d'obtenir la fameuse Cruising Licence dans un bureau des douanes. Voilà pour les formalités. Plus concrètement, l’entrée dans le chenal vers Orlando s’avère problématique : un câble à 24 mètres nous interdit d’accéder au mouillage convoité. Consulter ses cartes avec une grande attention pour ne pas se faire coincer bêtement n’est pas inutile. Mais attention tout de même : les cartes sont parfois fausses... Nous sommes finalement à quai dans une marina. Première clearance aux USA : grâce à mon arrêt à Porto Rico où j’ai pu obtenir ma Cruising Licence, un simple coup de téléphone au CBP (Customs and Border Program) et c’est fini ! Là, on attend les conditions météo adéquates pour monter, d’autant qu’il y a le fameux cap Hateras à passer avant de rejoindre l’entrée de la Cheasapeake Bay. Ce cap sépare deux grands bassins de navigation – de Miami à Beaufort au sud, et de Beaufort à New York au nord – et le Gulf Stream se rapproche tout près de la côte à cet endroit. Mais nous allons profiter de ces quelques jours pour faire un peu de tourisme. Pour commencer, le Centre spatial J.F. Kennedy. C’est toute l’histoire de la conquête spatiale américaine que l’on retrouve ici, et bien sûr l’épopée Saturne-Apollo ainsi que la navette spatiale Discovery, en vraie grandeur ! C’est vraiment un moment magique pour moi, d’autant que je me souviens de mon début de carrière et des espoirs que nous mettions dans le projet européen de navette spatiale Hermès.

Nous découvrons ensuite Orlando, dont le centre, mêlant gratte-ciel et bâtiments anciens s’avère très agréable, notamment grâce aux espaces verts aménagés autour des nombreux lacs de la ville. L’occasion aussi de choisir un nouvel « équipier » très sage…, un petit funkian tea bonsai !

 

De Cap Canaveral à Norfolk

Après cinq jours d’escale se dessine enfin une fenêtre météo correcte. Devant nos étraves, près de 600 milles à parcourir, ce fameux cap Hateras à virer, mais aussi le Gulf Stream qui devrait nous donner des ailes… Grâce à ce courant portant qui dépasse parfois les 3 nœuds, nous naviguons régulièrement au-dessus des 10 nœuds sur le fond avec un ris dans la GV et un vent plutôt léger jusqu’au cap Hateras. Compte tenu de la réputation de ce dernier, nous avions prévu un mouillage de secours à Beaufort, mais jusque-là, tout va bien, on peut donc continuer. Les fichiers Gribs prévoient que le vent tourne à l’est et forcisse. Effectivement, ça monte, nous prenons deux ris en prévision. Malheureusement, le vent sera plutôt nord-est et lève une houle assez forte. Cap Hateras, tu es bien fidèle à ta réputation ! Cette nuit est la plus mauvaise navigation depuis notre départ de La Rochelle. Je reste le plus souvent à la barre pour éviter à Cat’Leya de taper dans les vagues de nuit. A mi-route, la côte s’incurve légèrement vers l’ouest, et facilite ainsi le passage du catamaran dans la mer. Il nous aura quand même fallu près de 20 heures dans ces conditions difficiles pour parcourir ces quelque 100 milles avec un moteur en route pendant la première partie la plus serrée au vent. Derrière nous, Eclekti (un monocoque que j’avais contacté par radio), et Fine Tuna (un bateau de pêche sportive) ont fait demi-tour… A l’entrée de la baie, nous nous dirigeons dans le chenal, jusqu’à ce qu’une sirène hurle derrière Cat’Leya. Il s’agit du porte-avion USS72. Son équipage me contacte par radio et me somme de libérer immédiatement le chenal pour leur laisser le passage, ce que je fais sans protester, bien entendu. Nous apercevrons ainsi cinq porte-avions dans ce qui est l’une des plus grandes bases navales du monde, Norfolk, à l'entrée de l'Elisabeth River.

Nous voici dans la baie de Cheasapeake ! Les pièges à crabes ont fait leur apparition : jusqu'à 15 mètres de fond, des lignes sont posées par les pêcheurs et signalées par des flotteurs et des drapeaux aux extrémités... Vivement qu'on les goûte, ces fameux crabes bleus ! Mouillage à Mill Creek près du Fort Monroe à Hampton, transformé en lotissement résidentiel où sont logées de belles villas à la pelouse entretenue au cordeau sans limite de propriété, comme il est d’usage ici. Le lendemain soir, restaurant et dégustation de crabes de Norfolk, bon choix !

Après un repos bien mérité, nous déménageons pour Norfolk – plus précisément Hospital Point entre Norfolk et Portsmouth –, en plein centre-ville sur la Elisabeth River, où le trafic ne nous gênera absolument pas. Norfolk est une ville assez petite : quelques gratte-ciel, de nombreux monuments érigés à la mémoire des soldats américains. L’un d’entre eux est dédié au général MacArthur. Sur l’autre rive, Portsmouth est une ville quasi exclusivement résidentielle. Encore une particularité de la baie, toutes les berges sont occupées par de belles villas avec ponton privatif, dont la pelouse descend au ras de l'eau.

 

Yorktown – Williamsburg – Jamestown : le triangle historique

Après Norfolk, nous mettons les voiles vers le centre historique de l’indépendance américaine : Yorktown – Williamsburg – Jamestown, hauts lieux des combats qui se sont finalement soldés par la défaite des Anglais et la proclamation de l’indépendance américaine. A Yorktown, les Américains émancipés connurent leur première victoire, en partie aidés par les Français – leur flotte est parvenue à bloquer les renforts anglais à l’entrée de la baie.

Nous remontons la York River jusqu’à Yorktown pour amarrer Cat’Leya devant le pont.

De là, nous visitons Williamsburg, où un parc, initié par la fondation Rockfeller, reconstitue la ville de l’époque.

 

La côte sauvage de la Chesapeake Bay : Tangier Island

Après notre séjour dans le berceau de l’indépendance des Etats-Unis, nous abandonnons un peu la civilisation pour aller explorer la côte est de la Cheaspeake Bay, a priori beaucoup plus sauvage. On démarre cette découverte par Tangier Island. C’est une toute petite ville qui vit encore quasi exclusivement de la pêche, et en particulier de la pêche au crabe bleu…

Le vent est est-sud-est, nous mouillons par 4 mètres d’eau côté village, à 200 mètres de la rive et à l’opposé du mouillage habituel de Cod Harbour.

Nous amarrons l’annexe à ce qui ressemble à une marina, aux pontons quelque peu décatis. Un homme âgé nous interpelle ; il nous informe que des orages sont prévus du nord-ouest, qu’ici cela monte vite à 45 nœuds, et que par conséquent il vaudrait mieux prendre une place à son quai… Nous décidons de voir ça plus tard ; nous partons en balade, à la recherche d’un restaurant pour dîner. Le téléphone portable ne passe pas, ici. Alors que nous finissons nos « crab cakes », revoilà notre ami qui vient nous chercher… Vu l’état de ses pontons qui ne m'inspire aucunement confiance, je décide par sécurité de changer de mouillage, et de jeter l’ancre à Cod Harbor, abrité du nord-ouest… mais pas de la houle du vent de sud-est. Vers 0h30, à peine endormi, je suis réveillé par une sirène de bateau tout proche. Je me lève et aperçois un bateau à moteur qui nous arrive par tribord arrière tous feux et projecteurs allumés. Ce sont les Coasts Guards, à quelques mètres de nous : « Do you have an EPIRB ? Is it on ? » Je leur réponds qu’elle est dans sa boîte… « What‘s the name of your boat ? Yellow Bird ? » Non, a priori, Cat’Leya n’a pas eu de nouvelle peinture dans la soirée, mon AIS est en marche, donc le nom du bateau et sa position bien visibles…. « Sorry for that, Sir. »

Fin de l’épisode Tangier Island. Le lendemain, nous quittons ce mouillage quelque peu maudit pour Saint Michael’s.

 

Saint Michaels, le golfe du Morbihan américain

Nous remontons au nord, passons le phare de Cove Point, puis empruntons la Miles River, l’entrée vers l'Eastern Bay et Saint Michaels. Le paysage et la topographie de la Miles River me rappellent le golfe du Morbihan et notre escapade avec notre premier catamaran. Le long des berges, encore de belles maisons dont les pelouses viennent caresser l’eau. Après de nombreux méandres – que nous pourrons régulièrement couper grâce au Forward Scan de Cat’Leya –, nous apercevons Saint Michaels. Nous mouillons à l’entrée du village. Le site est magnifique. Nous passons un après-midi dans le musée maritime qui présente les métiers de la mer, et en particulier l'histoire de la pêche des crabes bleus et des huîtres, longtemps ressource principale de Saint Michaels. Ici, les huîtres n’étaient pas cultivées, mais tout simplement ramassées au fond à l’aide de sorte de râteaux tirés par les voiliers de pêche.

Cette richesse a fait de Saint Michaels un grand port où de nombreux chantiers bâtissaient des bateaux de travail, notamment les skipjacks. Aujourd’hui, ces bateaux restaurés régatent parfois dans la Miles River ; les équipiers font les équilibristes sur de grandes perches pour contrer la gîte de ces bateaux sans quille.

Dans le ciel, des aigles pêcheurs tournoient à la recherche de proies. Le soir, nous irons enfin déguster les crabes bleus préparés à la vapeur avec une sauce très piquante – Old Bay –, le tout accompagné d’une bière locale.

 

Annapolis, la Mecque de la voile

La navigation dans la baie est assez facile. Il faut tout de même faire attention aux courants de marée, qui sont par endroits assez forts, et aux casiers de pêche au crabe. Lieu d'hébergement de l'Annapolis Boat Show, Annapolis est aussi le siège de la Naval Academy, où sont formés les futurs marins de la marine américaine. On peut visiter ces superbes installations militaires.

Le mouillage devant la ville nous permet de profiter de l'envoi des couleurs en grande pompe tous les matins.

 

Baltimore, l’indépendante

Pour finir, direction Baltimore, un peu plus au nord. Au passage du grand pont qui traverse la baie au nord d'Annapolis, toujours un peu de frayeur, mais avec 55 mètres de clearance verticale, pas de problème. Baltimore, qui a longtemps été une ville ouvrière, s’est rénovée depuis quelques années, et peaufine aujourd’hui son image de ville branchée. Nous remontons la Patapsco River et atteignons le mouillage en plein « downtown ». Le site, en bordure de la baie, est très agréable et animé. Contrairement à ce que nous avions lu, le fond accroche bien et il y a plus d’eau qu’indiqué sur les cartes. Cat’Leya sera le seul bateau au mouillage pendant ces trois jours, c’est vrai qu’il fait un peu chaud… D’ici, nous pouvons nous promener tout autour d’Inner Harbor. C’est ainsi que nous avons découvert l'USS Constellation, un des derniers navires à voile construits pour la Navy et l’American Visionary Art Museum.

 

Retour vers le soleil de Floride

Après cinq mois passés dans la baie de Cheasapeake, Cat’Leya et Manjaro commencent à grelotter… il est temps de repartir vers le soleil – et bientôt le Pacifique ! Deux jours après notre départ d’Annapolis, nous revoilà à Norfolk. En chemin, Manjaro croise l’ARC… non pas le rallye, mais un cargo homonyme.

Le vent est bien là, rafales à 35 nœuds, mais la houle est modérée. En revanche, il fait froid. A Norfolk, le thermomètre descendra la nuit en dessous de zéro au mouillage ! L’étape suivante va nous ramener vers la Floride, encore faut-il passer le fameux Ccap Hateras qui nous a bien fait souffrir lors de la montée. Du coup, nous partons un dimanche sans vent, mais il subsiste de la houle, et la navigation n’est pas très confortable. En tout cas, la carène de Cat’Leya s’est bien nettoyée et glisse mieux. Nous longeons la côte à quelques milles pour profiter des contre-courants du Gulf Stream, qu’il n’est pas question d’affronter. Après deux jours et deux nuits de mer et de houle inconfortables, nous pourrions atteindre Savanah de nuit, mais pas de mouillage en ville. Nous décidons de faire une halte en Caroline du Sud, à Edisto Beach. Le mouillage est magnifique et il fait déjà bien plus chaud. Nous reprenons nos marques et nos habitudes, enfin !

L’étape suivante devait nous mener directement à Fort Lauderdale, mais décidément, la météo est changeante, et la mer manifestement pas heureuse de nous voir descendre vers le soleil… C’est l’occasion de visiter Palm Beach, et de naviguer enfin sur l’ICW. En naviguant entre 6 et 7 nœuds selon les portions, nous arrivons à chaque ouverture de pont, et c'est finalement assez facile...

Puis c'est Fort Lauderdale, où des travaux de maintenance sont prévus sur les deux catamarans. Pour atteindre le chantier, nous remontons la South River, franchissons les innombrables ponts basculants – appel sur le 9 –, jusqu'à une ligne électrique indiquée à 24 m sur la carte. L'information (heureusement) est erronée – nous parvenons à bon port.

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