Voyage

Le voyage de Tamata : j'ai nagé avec les dauphins

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Marion nous a téléphoné un jour au magazine pour nous raconter son histoire et son goût pour la mer et les voyages. Une passion qu'elle partage avec Vincent, son compagnon dans la vie et sur l'eau.
Et puis… au fil de la discussion Marion s'est lancée : "j'aimerai faire une surprise à mon compagnon qui est actuellement en train de traverser le Pacifique sur notre bateau. Je suis enceinte et vais bientôt accoucher et j'aimerai qu'il puisse lire son histoire, notre histoire dans Multicoques Mag… Pensez-vous que ce soit possible ?"
Chère Marion, tout est possible avec Multicoques Mag… …Quand il s’agit de partager le rêve de nos lecteurs !!!

Tout commence par un rêve qui envahit les nuits d'une agréable douceur. On façonne un dessein aux contours d'abord flous qui devient tellement net avec le temps qu'on se perd entre rêve et réalité.
Partir voyager en bateau... Choisir sa vie pour ne pas la subir, s'éloigner des contraintes imposées par la société, se sentir libre. S'offrir le plus luxueux des éléments : le temps pour ''prendre le temps'' de rencontrer des gens, découvrir d'autres pays, d'autres coutumes et d'autres cultures. Prendre le temps de se rapprocher de la nature, tout près, si près que l'on pourrait presque lui donner la main.
Voilà notre rêve à nous.

Vincent découvre et adopte la planche à voile à l'âge de treize ans.
Après une carrière de basketteur professionnel embellie par la pratique de la planche, un virage s'approche, doucement mais sûrement. La retraite sportive. Un jour, il se plonge dans la lecture de "Tamata et l'Alliance" de Bernard Moitessier, et c'est la révélation. Parcourir les océans en bateau s'impose comme une évidence. Cela sera sa seconde vie.
De mon côté, les nombreuses histoires racontées par mon grand-père, passionné par la mer, me nourrissent d'une forte curiosité. Je ne compte plus les nombreuses fois où, enfant, en vacances dans le cabanon familial qui borde la Méditerranée, je me demande ce qu'il y a derrière la ligne d'horizon.

Il y a huit ans, lorsque je rencontre Vincent, nous réalisons que nous sommes faits pour rêver ensemble. Et nous rêvons des nuits entières.
Puis un matin, le rêve ne suffit plus. Il devient essentiel, presque vital, de le vivre pour de vrai.
Alors on se rend à l'évidence et on se lance.

Couple heureux en mer

Tamata au mouillage du World End's Reef aux Grenadines : le rêve devenu réalité

En 2011, nous louons un Sun Odyssey 30i, baptisé Art.T, à bord duquel nous faisons nos armes. Nous apprenons à naviguer avec un ami qui pratique la voile depuis de nombreuses années. Six mois après nos débuts, il nous encourage à faire notre première vraie traversée. Et nous voilà entre le continent et la Corse, caressant la première partie de notre rêve.

L'année suivante, nous achetons notre tout premier bateau. Un Océanis 393, pour lequel nous avons un réel coup de cœur. Nous l'équipons pour le grand voyage, car c'est décidé, nous partirons avec ce monocoque. Deux années de suite, nous naviguons presque par tous les temps, été comme hiver avec Otemanu. Nous traversons à deux reprises pour nous rendre à nouveau en Corse et améliorer notre pratique de la voile. Enchaîner les milles, trouver un rythme pour les quarts de nuit, appréhender l'avitaillement nécessaire, ou encore évaluer la consommation d'eau par jour et par personne.
Parallèlement, je poursuis mes études d'infirmière. Vincent, de son côté, a terminé sa carrière de basketteur. Il se forme professionnellement à la voile, navigue beaucoup et passe son Yacht Master, diplôme anglais équivalent du Capitaine 200 en France.

C'est au cours d'une navigation d'acquisition de milles à bord d'un Lagoon 400 que Vincent découvre les caractéristiques du catamaran. Ni une ni deux, il parvient à me convaincre de modifier quelque peu notre projet. Vendre Otemanu et acheter un cata. Nous voilà à la recherche d'un nouveau bateau.
Le choix se fait prioritairement sur un critère essentiel. La hauteur sous barrot. En effet, le capitaine mesure 2,04 m et il est important qu'il puisse se déplacer dans notre ''future maison'' sans se cogner la tête partout.
L'idée de confort à bord est propre à chacun. Certains choisissent un aménagement minimaliste quand d'autres optent pour un agencement plus complet et fonctionnel. Tout dépend des personnalités et des projets des propriétaires.

Couple heureux en mer

Tamata sous voile : parti de Méditerranée, le Lagoon 440 vient d'arriver en Polynésie

De notre côté, nous choisissons de partir avec un bateau plus gros que celui prévu initialement. Je vais pouvoir travailler dans les îles lors des escales, mais il faut alimenter notre caisse de bord autrement qu'avec mon seul salaire d'infirmière. L'argent que nous avons mis de côté pour ce voyage ne suffira pas. Nous décidons donc de proposer des croisières en Corse puis aux Antilles à bord de notre nouvelle maison flottante.

De ce fait, nous optons pour un Lagoon 440. D'une part, ce bateau confortable et volumineux propose quatre cabines doubles, chacune équipée d'un toilette et d'une douche. Le carré central est relativement grand et offre un lit supplémentaire qui, s'ajoutant aux deux pointes avant aménagées, porte la capacité de couchage à douze personnes. Les espaces de vie intérieurs sont fonctionnels et proposent des commodités appréciées par les clients.
La grande capacité de rangement nous permet d'emporter tous nos jouets : planches de windsurf, de Stand Up Paddle, de kite, et bouteilles de plongée.
D'autre part, le Lagoon 440 est réputé pour son passage à la mer, et la manœuvre à deux est relativement aisée lorsque l'on est dynamique et que l'on connaît bien son bateau.
Ce catamaran possède une bonne carène, et le flybridge panoramique offre une vue dégagée à 360 degrés, agréable aussi bien en navigation qu'au mouillage, car il procure un espace de vie supplémentaire.

Seuls bémols, l'augmentation du fardage et la navigation par gros temps. En effet, cette dernière devient quelque peu humide. Cependant, sur un programme de navigation sous les tropiques, cela n'est que très rarement gênant.
Sur un bateau, tout est une histoire de compromis, et l'important est de bien connaître son projet, ses désirs et de trouver le bon ratio entre la performance, le confort et le budget.

Couple heureux en mer

Marion et Vincent ont pris la décision de partir vivre sur leur bateau, et ils ne le regrettent vraiment pas !

La somme de tous ces éléments nous séduit définitivement, même si Vincent précise que : « Ce type de bateau requiert, et il ne faut pas le sous-estimer, un entretien conséquent qui génère un certain budget ou demande des compétences multiples en bricolage. Nécessité fait loi, on apprend vite à se débrouiller et à progresser ! »

Le 1er octobre 2014, nous quittons enfin le port de Hyères à bord de Tamata, pour ce voyage tant rêvé. Il n'y a rien de plus doux que de sentir le vent de la liberté sur son visage.
On ne part pas pour ce type d'aventure du jour au lendemain. Il faut anticiper beaucoup de détails administratifs et organisationnels, prévoir le matériel nécessaire à l'entretien du bateau, s'assurer de la sécurité financière du projet, sans oublier de se préparer psychologiquement à l'éloignement de la famille et des amis. Dans notre cas, cinq années, dont trois de préparation, s'écoulent entre le tout premier rêve et la réalité. Les derniers mois, j'appréhende énormément ce départ – avons-nous pensé à tout ? – et je redoute les au revoir. Pourtant, c'est avec une joie immense que, le jour J, je regarde défiler l'écume sous les coques de Tamata. Quant au capitaine, je crois que, dans sa tête, nourri par sa passion, il est déjà parti depuis longtemps.

Nous faisons une première escale aux Baléares, puis, après avoir longé le côtes espagnoles, nous rejoignons Gibraltar.
Tamata, surfant sur les vagues et faisant parfois des pointes à 14 nœuds, est guidé par six dauphins blanc et bleu. De véritables torpilles de lumières dans l'eau sombre prenant forme au contact du plancton phosphorescent. Nous sommmes envoûtés. L'orage gronde à l'horizon, dessinant des boules de feu dans le ciel. Un vrai spectacle sons et lumières.

Couple heureux en mer

En bateau, il faut savoir tout faire, y compris entretenir les moteurs…

Puis les portes du détroit s’ouvrent enfin. L’Atlantique se révèle, pour la première fois, si grand, si spacieux qu’il enivre instantanément. Les journées sont douces et les nuits mystérieuses. L’angoisse se mêle à une certaine excitation. Ces deux sensations qui se bousculent, s’entremêlent, s’unissent ou s’affrontent en duel. Parfois, l’une s’installe un peu plus longtemps pendant que l’autre attend patiemment. Les soirs sans lune, le noir profond du ciel et celui de l’océan ne font soudainement plus qu’un. Plus de repère, plus de lumière. Avancer dans le noir absolu, sans savoir ce qu’il y a devant est une sensation indescriptible. Comme un flottement entre deux mondes dont on ne maîtrise plus les contours. Comme dans un rêve où le merveilleux et l’inquiétude se côtoient. Mais le corps se laisse tout de même emporter, ferme les yeux et commence une danse enivrante avec le bateau. Il épouse chacun de ses mouvements, les ressent, et s’abandonne parfois à en perdre l’équilibre.

Peu après, les Canaries se dessinent à l’horizon. L’île se rapproche, le soleil descend, le relief se précise, aride et plein de secrets. Les premiers mas au mouillage sont là, on dirait qu’ils dansent.

Après quelques semaines dans ces îles espagnoles, nous naviguons jusqu'au Cap-Vert. Un archipel d'îles volcaniques hors du temps. Certaines sont habitées, tout en restant sauvages. D’autres abritent des plages de sable blanc, longues de plusieurs kilomètres. Des eaux turquoise bordent des plaines lunaires, sans végétation, sans source d’eau douce, sans signe de vie. On se sent perdu au milieu de nulle part, dans un écrin de beauté et de pureté. Et puis il y a ces îles balayées par le vent et l'océan, et qui ne sont que falaises de roches volcaniques portant les cicatrices d’un long combat avec deux éléments puissants.
Le Cap-Vert est surtout pour nous le premier véritable choc culturel de notre voyage.
Un pays authentique et simple habité par des gens touchants dotés d'une grande gentillesse.

Couple heureux en mer

J'ai nagé avec les dauphins…

Puis, en décembre 2014, le moment est venu de traverser. Un bateau, trois hommes et l'océan. Vincent souligne que : « La Transatlantique dans le sens est-ouest, c'est-à-dire de l'Afrique aux Amériques, n'est pas si difficile que ce que l'on peut imaginer. Il faut simplement partir à la bonne période. La difficulté majeure réside dans la longeur et donc dans le fait de devoir parer à toute éventualité au cours de cette autonomie complète. »
Tamata et son équipage traversent en 16 jours. « Un moment suspendu dans le temps. Une expérience qui en appelle d'autres », écrit Vincent. Durant cette période, je rentre en métropole et je retrouve ensuite mon capitaine et notre fier navire aux Antilles.

Nous partons à la découverte des Grenadines et tombons sous le charme de cet archipel de carte postale. Des nuances de turquoise à peine croyables, des îles désertes bordées de sable blanc, des cocotiers qui dansent sous les alizés, et des mouillages fantastiques. Les locaux vivent de l'activité touristique et les plaisanciers sont très bien accueillis. Très rapidement, nous effectuons une première saison de croisières au cours de laquelle je parviens tout de même à travailler à l'hôpital. Je plonge pendant deux mois au cœur de la vie locale, ses parfums, ses saveurs et ses couleurs. J'ai l'immense plaisir de connaître une chaleur humaine sincère et authentique. Pendant ce temps, Vincent part en croisière aux îles Vierges britanniques.

Avec le mois de juillet arrivent les débuts de la saison cyclonique. Nous partons nous mettre à l'abri au nord-est du Vénézuela, sur l'île de Tobago, que nous baptiserons très rapidement "l'île fantastique". Un havre de paix où la communion avec la nature est incontournable. Nous renouons avec le voyage et nous posons l'ancre quatre mois en totale autonomie dans ce lieu chargé d'authenticité. Le sud de l'île offre l'une des plus belles vagues que nous ayons eu la chance de surfer jusqu'à maintenant, et au nord, Charlotteville est bien connu pour son idyllique baie des Pirates. Une plage déserte aux pieds de la forêt tropicale, d'où l'on entend le cri des perroquets derrière le mélodieux chant d'une source d'eau douce. Nous rencontrons des personnes incroyables qui vouent leur vie à la protection de la nature. Les gens sont beaux, à l'extérieur comme à l'intérieur. Nous nous réconcilions avec la nature humaine, et cela fait du bien.

Couple heureux en mer

Rencontre avec une tortue aux Tobago Cays

Ce voyage ne nous fait pas rencontrer seulement des hommes. Il y a aussi les animaux. Des rorquals, des requins, des tortues, des globicéphales par dizaines, du corail, des poissons de toutes les couleurs, des raies manta, des raies léopard et même des orques !
Quant aux dauphins, enfants de l'océan, curieux et joueurs, ils nous accompagnent depuis le début de notre voyage et nous comblent de bonheur. Ils nous offrent un jour, à Tobago, un instant mémorable en nous rejoignant au mouillage et en nous invitant à nager et à danser avec eux. Nous nous regardons dans les yeux pendant plus d'une heure et nous créons une relation de confiance née de leur curiosité et du respect que nous leur vouons. Ce jour-là, une équipe de production est à bord de Tamata et tourne un reportage pour Thalassa. Les images sont d'une intense beauté, et nos cœurs marqués à jamais.

Après une seconde saison aux Grenadines, il est temps de traverser l'océan Pacifique pour de nouveaux horizons. La Polynésie française, les Marquises, Tahiti et ses îles. Tous ces lieux qui nous font rêver depuis tant d'années seront bientôt sous nos yeux pour de vrai. L'aventure continue et elle sera enrichie dans quelques mois par l'arrivée d'un bébé.
Nous saluons une dernière fois nos bateaux copains et laissons la page des Antilles se tourner. Afin que notre rêve se poursuive, Vincent traverse le Pacifique avec un équipier. Nous le rejoignons aux Marquises avec Lola, sa fille, fin juin 2016.

Vivre sur l'eau est une chance incroyable. Cela nous permet de nous reconnecter avec la nature et de nous nourrir de son incroyable beauté. Nous réalisons aussi sa fragilité. L'impact de l'homme sur l'environnement est malheureusement bien trop important.
Nous recevons tant au cours de ce voyage que nous souhaitons partager ces merveilles pour contribuer à une prise de conscience. Parce que l'homme protège ce qu'il aime, nous faisons notre possible pour que les générations futures connaissent les trésors de la planète. Pour ce faire, nous partageons photos, écrits, informations et peut-être bientôt des livres pour enfants. Ainsi, en transmettant notre amour pour toutes les splendeurs que l'on voit, nous espérons aider la nature à continuer de briller de son éclatante beauté.
Bon vent !

Couple heureux en mer

Après l'Atlantique et la Caraïbe, les portes du Pacifique s'ouvrent devant les étraves de Tamata

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YouTube : Nager avec les dauphins, Thalassa a changé ma vie.
Prochainement : Collection de livres éducatifs pour enfants.

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