Pacifique

Flâneries aux îles Sous-le-Vent…

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Huahiné, l’île sereine…

Journal de Barbara :
"Nous appareillons au coucher du soleil de la baie d’Opunohu, vers Huahiné… Il fait encore beau, le vent souffle de l’est force 3 à 4. Dès la passe franchie, la houle nous pousse vers l’ouest. Sans que nous soyons en mesure de l’expliquer vraiment, à un demi-mille au large de la passe, par plusieurs centaines de mètres de profondeur, une vague escarpée, isolée, de plusieurs mètres de hauteur, déferle sur Jangada. Olivier a juste le temps de nous prévenir en sautant sur la barre. Notre catamaran lève sérieusement la hanche tribord, puis retrouve brutalement l’horizontalité. Des centaines de litres d’eau se déversent sur le pont, inondant le cockpit, pénétrant dans le carré. Le rice-cooker effectue un salto latéral, mais retombe à l’endroit ! Le dîner est sauvé ! Olivier dira plus tard que, ce soir-là, à bord de Jangada, nous avons connu le coup de gîte le plus important du voyage ! Il me confiera ultérieurement qu’il a eu un instant de forte appréhension devant l’escarpement très raide de cette vague venue d’on ne sait où.
Au petit matin du 29 juin, après une nuit de mer agitée, nous entrons dans le lagon de Huahiné par la passe Avamoa. Nous mouillons devant Faré, le village principal de l’île. Je suis particulièrement attachée à Huahiné. J’ai eu la chance d’y séjourner déjà à trois reprises, dont l’une avec le Taporo, la goélette-pays qui ravitaille les îles et embarquait alors des passagers. Huahiné, c’est une île à part, différente de ses sœurs : elle n’a pas misé sur le tourisme pour se développer, et son authenticité demeure intacte. En 20 ans, je ne perçois pas de changement majeur, et je m’en réjouis. Huahiné se compose de deux îles reliées par un isthme étroit et encerclées par le même lagon. Son relief est plus doux que celui de ses voisines, et ses contours très découpés offrent de nombreux mouillages. Nous profitons d’être à Faré pour y faire un complément de ravitaillement, chez un Chinois vraiment très bien achalandé. On y trouve de tout, du frais, du congelé, des fruits, des légumes et des « pai bananes », chaussons fourrés à la compote de banane, dont nous raffolons tous à bord.
Nous partons ensuite dans un très joli mouillage sur la côte ouest de l’île, à l’entrée de la baie de Bourayne. Il y a, sous les cocotiers, une jolie petite plage de sable blanc et Marin s’amuse avec son skim dans les vagues qui viennent mourir sur le rivage. Une vahiné, intriguée, le regarde et m’explique que, lorsqu’elle était petite, elle jouait avec une fine planche de bois exactement de la même façon. Ce jeu était alors très répandu parmi les enfants polynésiens, et elle se désolait qu’il ait disparu…

Chronique autour du monde : archipel de la Société

Dans le lagon sud de Huahiné, l'île sereine…

Le jour de notre départ de Huahiné, nous repassons par Faré, pour assister à un spectacle de toute beauté : les courses de Va’a, pirogues à balancier, chères au cœur de tous les Polynésiens. Depuis que nous sommes arrivés en Polynésie, il n’y a pas un jour où nous ne voyons s’entraîner un ou plusieurs tanés dans leur pirogue. Leur geste est souple et puissant, le rythme cadencé. Un spectacle fascinant à observer, qui restera pour moi l’une des plus belles images de la Polynésie. Le Va’a est devenu dans ces îles l’objet d’un véritable culte sportif. En fin d’après-midi, les pirogues envahissent les lagons de l’archipel, à l’occasion d’entraînements marathoniens. Le Va’a se pratique le plus souvent en équipe, les rameurs se livrent à une véritable chorégraphie, manœuvrant en rythme leur unique pagaie, la passant d’un côté à l’autre de l’embarcation à intervalles réguliers et dans un même mouvement parfaitement synchronisé. Devant le village de Faré, nous assisterons à des courses de pirogues féminines, masculines, en solo, en équipes, toutes se déroulant dans une inaltérable bonne humeur. Images durables d’une Polynésie heureuse…"

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Le Taporo VI, la goélette-pays qui est le lien indispensable entre les îles.

Bora-Bora, une star surfaite… ?

Alors la voilà, la star du Pacifique… Certes, son relief est puissant, majestueux, et ses proportions harmonieuses. Certes, son lagon turquoise et ses motus frangés de sable blanc sont un ravissement pour l’œil. Bora-Bora, il faut le dire, est une splendeur. Mais, je l’avoue, elle peine à m’accrocher le cœur. Bora-Bora, la Perle du Pacifique, c’est la carte postale idéale. Mais elle est devenue l’île des people, des riches en quête de calme, de luxe, et de volupté. Les touristes internationaux séjournent dans de luxueux hôtels 5 étoiles, très, trop nombreux (14 sur l’île et ses motus !) dont on voit les bungalows sur pilotis s’étendre sur des hectares d’eau turquoise, envahissant ainsi le lagon. Course au luxe et surenchère vont bon train. Cette dynamique hôtelière est largement artificielle, car elle a été entretenue par des incitations fiscales, pas toujours en prise avec la réalité économique du marché. Ainsi, cette offre excessive a pour contrepartie qu’aucun hôtel ne fait le plein, mais apparemment, les grandes chaînes d’hôtels internationales ne peuvent pas se permettre de ne pas avoir leur hôtel dans le lagon de Bora-Bora… Bien entendu, l’impact de cette concentration de palaces pose problème à l’environnement. Si les splendides couleurs du lagon sont toujours là, la pauvreté des fonds et des soi-disant "jardins de corail", elle, fait peine à voir. En nous promenant sur le platier des motus au nord-est du lagon, n’avons-nous pas découvert un hoa artificiel, une percée dans le platier pratiquée au Caterpillar, et destinée à augmenter les entrées d’eau du large à l’intérieur du lagon, pour favoriser le renouvellement de ses eaux intérieures polluées… ? Bora-Bora est en danger, qu’on se le dise.

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Course de Va'a dans le lagon de Huahiné, ou la beauté du geste…

A Bora-Bora, question mouillages, il y a l’embarras du choix. La navigation dans le lagon se fait aisément car le balisage maritime est très bien fait. A l’ouest de l’île, de longs motus – motu Ome, motu Tofari, motu Piti Aau – se succèdent. 4 hôtels de luxe s’y juxtaposent. Nous sommes restés deux ou trois jours tout au sud du motu Piti Aau, à la pointe Fareone. Les couleurs de l’eau y étaient spectaculaires. Les enfants se sont amusés dans le plus beau "jardin de corail", à la pointe Tupitipiti. Après avoir remonté le platier sur quelques centaines de mètres, le jeu consistait à se laisser entraîner par le courant jusqu’au point de départ, en observant la faune et la flore marines, dans une eau parfaitement translucide à cet endroit. Attention tout de même à ne pas se faire ouvrir les entrailles par le corail ! Le risque est réel. Au sud-est de l’île, le motu Toopua offre aussi des mouillages agréables, ainsi que la pointe Matira. Les motus non habités sont malheureusement souvent réquisitionnés par les hôtels, qui y organisent des pique-niques et autres barbecues pour leurs clients fraîchement débarqués de l’avion d’Air Tahiti. Certains motus sont également inaccessibles parce que tabu (tabous)…
Maraamu ! C’est le nom local du vent de sud-est qui souffle à cette saison sur la Polynésie centrale, et qui démonte parfois les lagons. Durant notre séjour à Bora-Bora, il a soufflé quasiment continuellement de façon très soutenue (20 à 25 nœuds). A la fin, c’était fiu ! (fatigant en polynésien).

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Vive les vacances en Polynésie !

Raiatea la Sacrée…

Mettant à profit (dixit Olivier) une orientation légèrement plus nord du maraamu, qui nous permet de remonter au près (j’adore !) sur un seul bord vers Raiatea, nous quittons Bora-Bora et, après quelques heures à se faire secouer, entrons dans le lagon de l’île sacrée des anciens Polynésiens, par la passe Toamaro, au sud-ouest de l’île. Nous retrouvons un calme appréciable, et, après un nouveau repérage en annexe par les enfants, nous nous faufilons entre les "patates" et allons mouiller tout près du motu Nao Nao, au sud de Raiatea. Il y a 20 cm d’eau sous les ailerons. Le bateau semble posé sur le sable. Ce mouillage fait partie de mon top five des mouillages de Polynésie. Peut-être est-ce dû en partie à l’aspect sauvage et préservé du site, en comparaison avec le lagon de Bora-Bora où les motus sont pris d’assaut par la clientèle des hôtels… Ici, les "jardins de corail" sont de vrais jardins de corail, vivants, colorés et poissonneux à souhait. Adélie et son amie Capucine entreprennent de cartographier les fonds sous-marins aux alentours du bateau. Elles partent masquées et palmées, des heures durant, pour explorer le lagon, remontent à bord et dessinent des cartes en donnant des noms aux massifs de coraux, aux allées sous-marines, aux poissons multicolores... Je me régale de les voir si inventives, si créatives. Timothée et Marin passent des heures à chasser avec les arbalètes. Olivier affectionne les randonnées en kayak (toujours emmener un kayak à bord d’un catamaran !) près du platier intérieur. Quant à moi, je fais mes longueurs de nage le long de la plage immaculée du motu. Seul un requin de lagon à pointes blanches un peu trop curieux viendra un jour me contraindre à rentrer à bord sur le kayak du capitaine…
Raiatea, île haute au relief prononcé, est l’île principale des îles Sous-le-Vent, bien desservie par les avions d’Air Tahiti et les "goélettes-pays". Pour autant, Raiatea est une île très nature, peu défigurée, tournée essentiellement vers l’agriculture. Peu de plages sur l’île, à l’exception de celles des motus, pas d’infrastructure hôtelière importante. Plutôt des pensions de famille. L’île est surnommée "Raiatea la Sacrée" par les Polynésiens, car, dans les temps anciens, elle était le centre culturel, religieux et historique des îles de la Société. Son rayonnement allait jusqu’en Nouvelle-Zélande, et touchait toute la population maorie des îles du Pacifique.

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Adélie, matelot du bord, dans les bleus du lagon de la Perle du Pacifique…

Elle possède le site archéologique le plus connu des îles Sous-le-Vent, le marae Taputapuaeta. Ce marae, situé au sud-est de l’île, près du village d’Opoa, est particulièrement bien entretenu. Il s’en dégage une impression grandiose. Tout nouveau marae installé sur les îles voisines devait incorporer une pierre du marae Taputapuatea, à titre d’allégeance et afin de symboliser le lignage spirituel. Je me passionne pour la culture polynésienne, au contraire des enfants, que les pierres basaltiques sombres du marae laissent… de marbre ! En revanche, la visite d’une exploitation de vanille les captivera bien davantage. Olivier avait rencontré Odette Tauatiti à une exposition consacrée à la vanille à Papeete lors de notre passage à Tahiti. Le Captain lui avait expliqué que nous passerions quelques semaines plus tard à Raiatea. Odette avait alors proposé à Olivier de nous faire visiter la plantation de vanille familiale, lors de notre séjour sur place. Nous appelons donc Odette, et rendez-vous est pris pour le lendemain matin. Nous mouillons dans la soirée à Avera, sur la côte est de l’île, commune où se situe l’exploitation agricole. Le lendemain matin, Guy, le mari d’Odette, vient nous chercher dans son 4x4, et nous emmène découvrir les "ombrières", à l’ombre desquelles les lianes de vanille poussent, bien protégées des oiseaux, du soleil, et de la pluie. La culture de la vanille, une orchidée, est très délicate et assez technique. Le "mariage de la vanille", fécondation de la fleur, est pratiquée à la main, et nécessite de la dextérité. La fleur sur laquelle la fécondation a réussi (90 %) se transforme alors progressivement en plusieurs gousses vertes. Neuf mois plus tard, les gousses déjà brunes sont récoltées et mises à sécher avec soin pendant 4 à 5 mois. Elles sont ensuite triées, calibrées puis empaquetées avant d’être commercialisées à Papeete ou exportées. Mais c’est souvent là que le bât blesse : la commercialisation… Pas de label AOC pour l’instant, et un gouvernement polynésien assez peu efficace… Guy et Odette sont aidés par leur fils, installé à Papeete, pour essayer de trouver des débouchés à leur produit du terroir polynésien. Les investissements sont considérables, le changement climatique perturbe la floraison, très en retard cette année, les retours sont aléatoires… Guy et Odette sont des Polynésiens intelligents, entreprenants, accueillants et chaleureux. Ils ont compris qu’ils ne devaient compter que sur eux-mêmes pour développer leur entreprise familiale.
La visite dure toute la matinée, et nous avons la chance de voir tous les stades de la production, c’est vraiment passionnant ! Quels effluves envoûtants autour des claies de séchage dans le jardin au bord du lagon ! Bonne chance à vous, Guy et Odette, vous méritez de réussir ! (www.hotu-vanilla.pf)

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Le marae de Taputapuaeta, haut lieu rituel sur l'île de Raiatea la sacrée.

Nous poursuivons cette belle journée par la randonnée des Trois Cascades. A ce moment-là, comme d’habitude, l’enthousiasme des enfants baisse généralement d’un cran au cours de la phase de négociation (les rouages familiaux sont bien connus…), mais, une fois sur le sentier, ça va mieux. Et nos petits, au fil des années, sont devenus de bons marcheurs. Cette balade d’environ 3 heures débute sur la côte est. Bambous géants, mapés (arbre à bois blanc, dont les racines forment des contreforts qui garnissent la base du tronc, et dont le fruit comestible ressemble à une châtaigne), fougères, gingembre, composent un superbe décor végétal. Certains passages sont équipés d’une corde. L’arrivée à la 3e cascade est une récompense, la chute d’eau mesure une soixantaine de mètres et l’on se baigne dans la vasque. J’aime ces journées où je découvre l’intérieur des îles et leurs richesses. Nous profitons aussi d’être à Raiatea pour aller à Uturoa, le bourg principal de l’île, bien achalandé pour y faire des appros.
Le 25 juillet, nous accompagnons nos vacanciers à l’aéroport de Raiatea, en stop, le cœur gros. Après 5 semaines de vacances à bord de Jangada, trop vite passées, l’avion d’Air Tahiti emmène Timothée et Capucine vers Papeete. Ils embarquent le soir même pour Paris… Nous revenons à bord, silencieux. Tristes. Demain à l’aube, nous gagnerons Tahaa, avant de nous mettre en stand-by à Bora-Bora dans l’attente de conditions favorables pour franchir la passe étroite de Maupiti, réputée dangereuse...

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La fameuse vanille de l'île de Raiatea.

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