Voyage

La transat, un intense moment de bonheur…

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C'est souvent comme ça que tout commence : une douce soirée pendant laquelle s’improvise à bord un apéritif entre amis au mouillage. On refait le monde, on parle de nos rencontres, des dernières trouvailles en matériel, et bien sûr des projets, des prochaines navigations... C'est ainsi qu'a démarré une nouvelle aventure. Jean-Louis, je le connais depuis une quinzaine d'années et je l'apprécie encore plus depuis qu’il a pris sa retraite et que l’on fait route commune, de plus en plus souvent ces dernières années, chacun de nous sur son propre cata.
Et ce soir-là, au mouillage aux Antilles, nous évoquons la possibilité de rentrer en Méditerranée, non en convoyage rapide, mais en passant par les BVI, les Turks and Caicos, les Bahamas, les Bermudes, les Açores, pour enfin arriver en passant par Gibraltar. Une belle navigation buissonnière pendant laquelle nous prendrons le temps de découvrir toutes ces îles aux noms qui font rêver. Par exemple Eleuthéra, où l’on peut se baigner sur la fameuse plage de sable rose, ou Nassau, escale mythique par excellence des Bahamas...
J'ai déjà traversé l’Atlantique plusieurs fois dans le sens Europe-Antilles, traversé également le Pacifique, mais je n’avais jamais fait la route "retour". Ce sera donc une première pour moi.
Pour cette belle croisière, nous serons quatre à bord : Jean-Louis, le propriétaire, un couple d'amis à lui venu spécialement de métropole et votre serviteur. Ma femme, avec qui nous venions de passer cinq mois à bord de notre catamaran aux Antilles comme chaque année, et bien qu’invitée, a préféré rester à terre et "faire son jardin"...
Bref, c'est bien tentant, et le rendez-vous est pris pour un embarquement à Saint-Martin le 10 mai. Finalement, nous avons largué les amarres une semaine après. Semaine pendant laquelle nous avons fait l’avitaillement pour une partie de l’équipage pendant que l’autre se chargeait de se familiariser avec le nouveau programme de navigation "MaxSea Time Zero", vérifiait et bricolait un peu ce merveilleux bateau.

La transat : aventure et bonheur

Pas simple de voir la grand-voile du poste de barre. C'est pourtant indispensable pour bien régler le bateau…

C'est parti pour une belle croisière !

"Hérénui" est un Sunreef 62’, 38 tonnes au peson, équipé de deux moteurs de 125 CV, d’un mât carbone, de voiles US Sails toutes neuves, d’une balise de positionnement par satellite, et surtout d’un confort incroyable... Ça change de mon "Belize" ! Le tout étant mené avec une aisance déconcertante par Jean-Louis, le propriétaire et skipper, chirurgien esthétique à la retraite qui vit sur son bateau depuis sept ans et qui traverse tous les ans dans les deux sens. Un marin et un homme d’une compétence, d’une disponibilité, d’une gentillesse et d’un savoir-vivre rares, et qui sait se mettre en quatre pour le confort de ses amis à bord. Vraiment, cela promettait d’être une vraie "navigation bonheur".
Le 17 mai, nous quittons le quai d’Aqua Marina, côté hollandais de l’île de Sint Maarten, et le lagon pour rejoindre la mer des Caraïbes, après avoir franchi les deux ponts et complété le plein de carburant, 1900 litres de gasoil tout de même. Un dernier mouillage à Orient Bay pour profiter d'un dernier buffet langouste, et en avant...
Direction les BVI, le vent d’est est de 14 nœuds, ce qui nous permet d’avancer tout de même à 7 nœuds sous grand-voile et génois. Nous nous arrêtons à Virgin Gorda, bain obligatoire "aux Baths", puis Gorda Sound, Bitter End, Jost Van Dyke, et une incontournable soirée "Chez Foxy’s".

Les Bahamas, et le dédale dans lequel il faut savoir parfois naviguer entre les cayes…

Samedi 24 mai, après avoir fait la clearance de sortie, nous voilà en route pour les Turks and Caïcos. Nous passons à travers les îles Culebrita (îles Vierges espagnoles), puis nous longeons Porto Rico. Nous sommes même accompagné, un trop court moment, par une baleine. Mais nous n'avons pas le temps de prendre une photo…
Le vent est favorable et avançons à la voile, sous GV et gennaker, c’est un vrai plaisir.
Nous sommes le 27 mai, il est très tôt le matin et nous arrivons dans l’immense lagon par la passe entre South Caicos et Long Cay, où nous mouillons pour faire les formalités d’entrée.
Après le petit déjeuner, les visas sur nos passeports, nous levons l’ancre, et là commence une traversée inquiétante, car nous n’avons qu’entre 0,80 cm et 5 mètres d’eau sous la quille. Imaginez notre fière embarcation de 38 tonnes lancée à 5, voire 6 nœuds dans aussi peu d'eau. Au fur et à mesure, nous prenons confiance et, pendant toute la journée qu’il faut pour traverser cette véritable mer intérieure, nous profitons des eaux turquoise.
Les jours suivants, nous entamons notre navigation aux Bahamas après avoir fait la clearance à Abrahams Bays sur l’île de Mayaguana.
Ce premier contact avec les Bahamas est un peu laborieux. Pour accéder au seul poste de douane, il a fallu arriver en annexe jusqu’à un chenal banalisé avec des roseaux. Mais là, on s'échoue sur le sable ou plutôt dans la vase ! Notre capitaine, tout de blanc vêtu, debout, accroché à son volant, ne descend pas de l’annexe. C’est donc moi qui m’y colle : j’ai dû descendre et, tel un cheval sur un chemin de halage le long des fleuves, j’ai tiré l’embarcation jusqu’au quai. Ce n’est qu’au poste de douane que nous avons appris qu’il y avait une marée et que, si nous attendions un peu (ce que nous avons fait) nous pourrions repartir dans l’annexe au sec...
Les Bahamas regroupent quelque 700 îles et îlots, et, l'archipel faisant partie du Commonwealth, les ressortissants de la Communauté européenne n'ont pas besoin de visa pour un séjour de moins de trois mois. Une vie n’y suffirait pas pour découvrir chacune de ses îles à leur tour. Populaires et animées, presque mondaines au nord, les Bahamas se révèlent plus discrètes lorsque vous filez vers le sud.
La soirée se présentait bien, le champagne était au frais quand le capitaine décide de "faire de l’eau". Démarrage du dessalinisateur, et là, rien. L’appareil disjoncte. Chacun y va de son diagnostic. On commence par décider une restriction d’eau : plus de machine à laver la vaisselle et on verra au matin pour envisager une solution, la nuit porte conseil…
Dès 5h30 le lendemain, nous voilà sur le pont prêts à en découdre avec notre dessal. On trouve rapidement ce qui provoque le court-circuit : de l'eau douce ruisselle sur les bornes électriques.
Equipés d’un tournevis et d’un sèche-cheveux, nous accédons au boîtier, le démontons, séchons les contacts, et hop, l’affaire est réglée. Tout redémarre et nous n'aurons plus aucun problème jusqu'à notre arrivée.
Cette journée a été bien occupée. Après la réparation et quelques contrôle d'usage, nous naviguons avec jusqu’à 17 nœuds de vent apparent. Le bateau avance bien et nous avons même fini la journée par prendre un thazard. Ce fut le seul de la traversée, malgré notre "Fishing permit" payé une fortune...

Naviguer dans 1 mètre d'eau avec un cata de 62 pieds et de 38 tonnes n'est jamais très rassurant.

Les Exumas : un rêve de marin

C’est ici que commence la navigation dont je rêvais, je découvre les Exumas, qui sont composées d’un chapelet de 365 îles et îlots, pour la plupart désertiques et inhabités. Bien sûr, nous n’en parcourrons que quelques-uns, mais c’est un véritable enchantement, un éden de nature ponctuée de mouillage secrets, de baies magnifiques et de petits ports accueillants. Nous faisons escale à Georgetown, la capitale, puis Eleuthéra et sa fameuse plage de sable rose, longue de 5 km. L'une des plus belles plages au monde !
Après avoir quitté charme et sable rose, nous arrivons à New Providence Island et la ville mythique de Nassau. La navigation demande beaucoup d’attention, car il y a de nombreuses cayes et les cartes ne sont pas trop détaillées. Mouillés non loin de l’hôtel "Atlantis", véritable rendez-vous touristique incontournable, nous profitons de l'ambiance festive de l'île.
Après ces journées d’agitation et de marche qui nous avaient bien manqué depuis notre départ, nous retournons au nord d’ Eleuthéra pour rejoindre Spanish Wells.
Navigation normalement facile longeant une barrière de corail, mais une patate que nous heurtons à 5 nœuds en décide autrement. Il est 13 heures, le soleil est bien au-dessus de nous et nous permet d’avoir une belle visibilité. Nous voilà prisonniers entre la barrière de corail et la plage, et nous ne trouvons pas de passage. Les deux quilles ont touché. Inquiets, muets, les yeux de l’équipage cherchent à tout prix une sortie. Après presque deux heures, nous trouvons, par miracle, un passage là où nous avions pourtant déjà essayé de passer. Mais la marée montant, on peut enfin passer ! Ouf, nous pouvons continuer notre route et arriver à Gun Point, petit paradis qui ressemble à un mouillage polynésien.
A peine arrivés, nous plongeons pour estimer les dégâts. Finalement, plus de peur que de mal, la construction est solide, et même si le bruit au moment de l'impact nous a paru énorme, seules de petites entailles font apparaître le tissu du revêtement polyester des quilles. Pas de voix d’eau, nous pouvons continuer.
Après une visite aux Abacos, nous sommes déjà le 9 juin et il est temps d'appareiller pour les Bermudes, situées à environ 750 milles. Eole ne nous gâte pas : les manœuvres sont nombreuses, nous envoyons d'abord la GV et le gennaker, puis, le vent changeant, nous voici avec le génois, avant que le vent s'évanouissant totalement ne nous oblige à tout affaler et à continuer au moteur.
Durant la nuit, nous bénéficions légèrement du Golf Stream, qui nous fait gagner deux nœuds. C’est la pleine lune, la mer est plate, il n'y a pas vraiment de nuages, ni de poissons d’ailleurs. Nous sommes en plein dans le triangle des Bermudes et cette ambiance surréaliste de la nuit fait vagabonder nos esprits sur toutes les histoires entendues ou lues.
L’entrée à Saint George sur Saint George Island est particulièrement bien balisée, nous pénétrons dans un petit coin très british et c’est un vrai dépaysement. Nous sommes le 13 juin.
Les douaniers sont accueillants et plutôt bienveillants, la ville est pleine de charme et nous y avons même repéré un magasin pour faire notre dernier complément d’avitaillement. Heureusement qu’il s’agit d’un complément, car quelques kilos de fruits et légumes valent plus de deux cents dollars US !!!!!
Le départ des Bermudes est programmé pour le 16, la route est préparée, la météo semble favorable, et ce sont donc 1950 milles qui nous attendent.
Jean-Louis m’avait demandé de ne pas oublier des vêtements chauds, des cirés et autres précieux atours, lorsque nous avions discuté du retour et particulièrement de cette partie du voyage... Et pourtant, ce fut la plus belle traversée qu’il ait faite, nous a-t-il confié. Soleil, température avoisinant les 27 degrés, vent confortable de travers, rarement au près, deux grosses pluies et un peu d’humidité lors des quarts de nuit en arrivant aux Açores. Bref, un vrai plaisir avec ce cata confortable mais qui n'oublie pas de bien marcher avec des journées à plus de 200 milles (la meilleure a été de 223 milles).
Du coup, nous avons parcouru les 1950 milles en dix jours et quelques heures en faisant une belle route bien linéaire. Pas mal, non ? C’est vrai, les moteurs ont ronflé un peu, mais cela valait mieux que de rester "plantés" quand il n’y avait pas assez de vent... Et pendant tout ce temps, la vie à bord continuait, entre lecture, navigation, vaisselle (faite par la machine) et nettoyage du linge (également fait par la machine, une autre).

Un joli thazard prêt à passer entre les mains expertes de notre Captain, ancien chirurgien !

Les Açores

L’arrivée aux Açores est facile, nous décidons de ne pas nous arrêter à Horta, parce que le propriétaire ne voulait pas être à couple, donc pas de bière chez "Peter" sur l’île de Faial ; nous faisons escale à la marina de Ponta Delgada, grande et récente infrastructure portuaire en bon état sur l’île volcanique de Sao Miguel avec ses monuments révélant une histoire de cinq siècles.

Après quelques jours et une visite de l’île, des approvisionnements au marché local bien achalandé, nous voici repartis vers Gibraltar. Grand beau temps, vent de 15 à 18 nœuds de travers ; parfois même arrière, nous parcourons les 1050 milles en cinq jours et quelques heures. Nous arrivons à Gibraltar au matin et nous passons avec un courant de presque 3 nœuds, petite escale au quai du fioul pour faire le plein sans faire de formalités douanières (0,85 ct d'euro le litre, ca fait rêver… surtout quand on a besoin de 1300 litres) et direction Ibiza.

C’est à partir d’ici que la météo n’a plus été bonne, beaucoup de brume pendant deux jours, et de nombreux bateaux dans le rail, puis du vent de face fort. Le mouillage est impossible dans les ports de l’île, nous faisons un mouillage forain moyennement confortable et décidons, au vu des prévisions météo, de partir immédiatement, direction le port d'attache du cata : La Grande Motte...

Dessal en panne : tout le monde à fond de cale pour réparer... avec un sèche-cheveux et un tournevis !

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