Voyage

Escale en Afrique du Sud, l'autre pays du catamaran

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Depuis le début des années 2000 et l'apparition d'événements de piraterie en mer Rouge et au nord-ouest de l'océan Indien, l'Afrique du Sud devient une escale incontournable pour tous ceux qui souhaitent rejoindre l'Atlantique et finir leur tour du monde. Le sud du continent africain étant un passage obligé, il voit donc le nombre de bateaux y faire escale augmenter, dont de plus en plus de catamarans. Venus de Madagascar, de La Réunion ou de Maurice après une traversée de l'océan Indien, la plupart des voiliers tourdumondistes font escale en Afrique du Sud. Mais il ne faut pas oublier ceux qui descendent d'Europe ou arrivent d'Amérique du Sud, comme du Brésil ou de l'Argentine, et qui s'arrêtent aussi dans la zone…

 P'tit Filou au mouillage. Le catamaran est maintenant en vente…

De novembre à mars, une véritable transhumance de voiliers sillonnent la côte est de Richards Bay à Cape Town pour rejoindre l'Atlantique Sud, attendant la bonne fenêtre météo entre deux escales : Richards Bay, Durban, East London, Port Elizabeth, Mossel Bay... pour citer les principales. Beaucoup sont des marinas ou des yacht-clubs, mais il existe aussi quelques mouillages sympathiques dans la région. Il est intéressant de prendre sa carte au Zululand Yacht Club à Richards Bay – c'est une formalité très facile –, ce qui vous permettra par la suite de bénéficier de meilleurs tarifs dans les autres yacht-clubs, dont celui de Cape Town. Certaines marinas ont des difficultés à héberger les multicoques. C'est notamment le cas à Port Elizabeth. Il ne vous reste alors que le quai des pêcheurs, mais au risque et péril de voir ses aussières lâcher ou le bateau raguer... A bord de notre catamaran, nous avons eu la chance d'effectuer la nav entre East London et Cape Town en une seule étape.

 Villes tentaculaires, mais mouillages déserts et intérieurs des terres luxuriants, l'Afrique du Sud est multiple, et justifie une escale longue.

Parmi les navigateurs au long cours, beaucoup profitent de cette escale pour laisser le bateau en Afrique du Sud au sec ou en marina, pour soit rentrer au pays, soit aller visiter l'intérieur des terres. Il faut tout de même savoir que la mise à terre des multicoques peut poser quelques problèmes, selon la largeur et le poids de votre beau bateau. Vous pouvez envisager de sortir votre cata ou votre tri à Richards Bay. Mais ce sera avec le système de la remorque prenant le catamaran par le dessous… Sinon, si votre bateau est trop grand ou trop lourd, vous n'aurez d'autre choix que de venir dans la région de Cape Town ou de Durban pour trouver des grues ou travelift pouvant vous permettre une mise au sec facile.

 

Historiquement, l'Afrique du Sud, et plus particulièrement Cape Town ainsi que ses deux caps mythiques – Bonne-Espérance et cap des Aiguilles –, sont le passage des grandes routes maritimes. On y trouve donc une forte activité pour et autour du nautisme. Le pays est par ailleurs le second producteur au monde de catamarans, après la France. Les chantiers y sont nombreux et très connus, comme les Robertson and Caine, Royal Cape Catamarans, Xquisites Yachts, Two Oceans Marine, Knysna Yachts, Matrix Yachts, Maverick Yachts, Nexus Yachts, Voyage Yachts, St Francis Marine, pour ne citer que les principaux… L'Afrique du Sud a su démontrer ses compétences et son professionnalisme en matière de construction de multicoques, et s'est dotée d'entreprises parallèles et de services pour concrétiser leur finalisation. Toutes les semaines, 4 ou 5 catamarans à voile ou à moteur sont mis à l'eau à Cape Town..., ce qui explique que les infrastructures sur place soient vraiment au top. C'est ainsi que les bateaux de passage peuvent aussi bénéficier de toutes ces infrastructures et tous ces services, rassemblés pour la plupart autour du Royal Cape Yacht Club.

RCYC est l'un des plus vieux yacht-clubs, créé en 1905, il présente encore aujourd'hui l'histoire et la mémoire de la navigation à voile à travers les différentes collections d'objets, de trophées, de photos qui y sont exposées, et est aujourd'hui au centre de la zone industrielle du nautisme avec une vue imprenable sur Table Mountain. L’accueil y est chaleureux, comme partout en Afrique du Sud.

 

De nombreux bateaux profitent donc de leur escale en Afrique du Sud pour réparer ou faire un bon lifting à leur catamaran après quelques mois (ou années) de navigation. Il est de notoriété publique que l'on peut tout trouver (ou presque) à Cape Town, même s’il faut un peu chercher. L'idéal est de se renseigner autour du quartier de Paarden Eiland. L'arrêt de bus Woodstock à 5 min du RCYC vous emmènera dans cette zone technique avec 2 stops possibles : Paarden Eiland ou Section. Vous y trouverez des accastilleurs, mais aussi tout ce dont vous aurez besoin pour l'électronique, l'hydraulique, la mécanique, les révisions des extincteurs et de la survie, mais aussi la société Southern Rope. C'est chez eux que vous trouverez forcément les cordages indispensables à votre fier navire, avec un choix incroyable de tous les types, et même la possibilité d'acheter au kilo pour ceux en solde… C'est le plus gros fabricant d'Afrique du Sud. Concernant les voiles, deux voiliers se partagent le marché, et proposent des produits différents, North Sails et Ullmann Sails. Il faut noter que l'usine Ullman installée à Cape Town fabrique les différents types de voiles de la croisière à la régate, pour monocoques mais aussi multicoques, pour le monde entier. La fabrication fonctionne 24h sur 24, la visite de leur usine est assez impressionnante... North Sails a 2 agences : une à Durban pour les petits bateaux et une à Cape Town pour les plus gros.

 

Sur place, au RCYC, vous trouverez aussi de nombreux spécialistes installés sur le terre-plein ou à proximité du chantier de la marina. Ne vous arrêtez pas uniquement à Action Yachting, qui peut vous dépanner en petits accastillages et propose de nombreux services, mais le plus souvent en faisant appel à des intermédiaires. Prenez le temps d'aller voir les spécialistes indépendants. Allez par exemple voir Jerry, de Diving and Yachting Services. Il est très pro pour tout ce qui concerne le composite époxy, mais aussi pour les problèmes de barre et ou de safran. Et pour les lecteurs francophones de Multicoques Mag, Jerry aime la France et doit perfectionner son français, alors… Des plongeurs peuvent vous proposer aussi de nettoyer ou inspecter votre coque sans avoir à sortir le bateau de l'eau. C'est là aussi que vous les trouverez. Un peu plus loin sur la route, à 300 m de la marina, Associated Rigging Warren et son équipe interviennent de façon très professionnelle sur mâts et gréements, et prennent en charge démâtage et mâtage. Ils sont particulièrement efficaces.

 

Si vous souhaitez laisser votre bateau quelque temps pour visiter le pays, Waterfront Marina est plus protégé que RCYC, qui reçoit des vents plus forts dus à Table Mountain. Mais les deux spots sont très bons, et les 2 marinas sont sécurisées. Si vous devez laisser votre bateau plus longtemps – pour un retour dans votre pays d'origine, par exemple –, vous pouvez opter – comme nous l'avons fait – pour Saldanha Yachtport, un chantier très professionnel et très amical. Nous y avons laissé le bateau au sec, sur un chantier propre et sécurisé, et vous pourrez même y faire faire des travaux, beaucoup de spécialistes de Cape Town y intervenant régulièrement. Il est donc facile de s'y faire livrer du matériel. Le chantier vous proposera ce qu'il sait faire, sinon fera appel à des spécialistes. Yachtport propose aussi une petite marina très bien adaptée aux gros bateaux et plus particulièrement aux catamarans. Le Travelift est très moderne, et il est très aisée de sortir les catamarans jusqu'à 25 m sur le terre-plein. Le seul point négatif est l'éloignement des commerces et de la ville de Saldanha. Mais, dès que quelqu'un du chantier doit se déplacer au village, il vous proposera de vous emmener gracieusement faire vos courses, et un snack y est ouvert en semaine. Les tarifs sont très attractifs, et beaucoup moins élevés que sur Cape Town. Nous y avons trouvé professionnalisme et gentillesse de la part de toute l'équipe, et un espace de tranquillité et de convivialité.

 

L'autre bonne nouvelle si vous faites escale en Afrique du Sud, c'est que tous les achats peuvent être détaxés. Il vous suffira de garder vos factures et de les remettre à la douane lors de votre check out. Après une petite visite sur le bateau et un papier à remplir, 6 mois plus tard, vous devriez recevoir un chèque correspondant à la TVA acquittée sur place. Certains fournisseurs peuvent aussi vous déduire la TVA directement à l'achat avec possibilité de paiement en euros ou en dollars. C'est notamment le cas des voiliers.

 

South African Nautical Almanac est un guide de navigation et de services qui est remis à jour tous les ans, et que vous pouvez vous procurez de Richards Bay jusqu'à Cape Town. il recense l'ensemble des marinas, yacht-clubs et mouillages des côtes d'Afrique du Sud et de la Namibie. Un guide vraiment indispensable !

 

Alors oui, l'Afrique du Sud est un pays dur pour la navigation, avec une météo changeant rapidement, des vents forts et une mer pouvant être violente et avec des courants… compliqués ! Mais le choix de la bonne fenêtre météo est toujours un excellent sujet de conversation dans les yacht-clubs autour d'une bière ou d'un verre de vin (vins d'Afrique du Sud, qui sont d'ailleurs excellents). Et à chaque fois, vous serez plusieurs bateaux à partir ensemble lorsque la météo le permettra… Reste cependant à chacun à étudier les étapes de navigation à venir en fonction de la capacité de son bateau et de son équipage.

Et après ?

PtitFilou continue son bonhomme de chemin. Depuis sa mise à l'eau en Asie, le catamaran dessiné par Erik Lerouge a fait de la route, et après l'Afrique du Sud, il est temps de mettre le cap à l'ouest, objectif transat !

12 jours de navigation tranquille et fidèle à l'Atlantique Sud, un vent pile poil arrière, pêche nulle, comme d'habitude, on attrape puis casse, car il est impossible de freiner P'titFilou.

Nous arrivons au mouillage dans la rivière Jacaré à 21h en face de Jacaré Yacht Village au nord-est du Brésil du côté de João Pessoa. Encore une arrivée de nuit, l'odeur de la terre et de ses habitants nous parvient jusqu'au bateau, remplaçant les bruits de la houle et du vent.

Nous restons un bon mois et profitons de l'ambiance de la marina et de ses alentours, et de la chaleur des habitants du village de Jacaré. Caïpirinha, barbecue, spécialités culinaires dont le fameux Feijoada... mais aussi des nombreuses rencontres aussi différentes les unes que les autres. Nous nous sentons bien.

Et puis, il est temps de repartir.

Après une navigation facile avec vent et courant, PtitFilou fait escale à Tobago Charlotteville... très peu de bateaux au mouillage, les couleurs et la chaleur des habitants nous invitent à découvrir... L'ambiance est sympa, et les seuls mots d'ordre sont patience et tranquillité... les bateaux arrivent du Brésil ou du Cape Vert et c'est comme un lieu de rencontre... une semaine pour profiter de cette escale...

Ensuite, il nous faudra une bonne nuit de navigation pour rejoindre Cariacou, avec une arrivée un peu trop matinale. On attend le lever du jour entre grains et pluie pour découvrir une multitude de bateaux au mouillage, du jamais-vu pour PtitFilou, qui se fraye un chemin pour venir mouiller au bord de la plage sur une eau turquoise.

Bienvenue dans les Caraïbes ! Ambiance plus superficielle et impersonnelle, les bonjours et les rencontres se font plus rares, malgré ou à cause des centaines de bateaux au mouillage. Sommes-nous devenus des sauvages ! Non, mais nous avons perdu l'habitude de la foule !

Nous décidons de rejoindre St-Martin plus tôt pour accueillir famille et amis, et mettre P'titFilou en vente. P'titFilou trouve sa place à Marigot Bay. Nous découvrons les dégâts d'Irma bien encore visibles, type bombardement ou apocalypse, mais aussi une vie qui reprend en attendant les touristes... Le carnaval tout en couleurs et en musique pour oublier le passé et regarder l'avenir...

 

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