Catamaran

En Transat entre amis

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1972, «"un vagabond des mers du sud" vient, sans le savoir, d’initier "une longue marche" qui aboutira à Exploreur en 2006.
Comme beaucoup d’autres certainement, les récits de Bernard Moitessier ont révélé l’esprit aventureux qui grandissait en moi. Le bien-être ressenti en mer, cet état d’apesanteur lorsque l’on nage et chasse entre deux eaux, cette immensité à portée de voiles, font que l’aventure sera sur la mer. A la voile pour être libre et aller loin, rapidement et confortablement.
Dix années à sillonner le littoral varois avec un Eclair 19, suivies de dix autres années à parcourir la Méditerranée sur un monocoque de 11m ont apporté l’expérience, et le désir d’être plus à plat et de plain-pied avec la mer. Ce sera donc un catamaran sûr et rapide. Le hasard des calendriers fait que l’Atelier Outremer finalise un nouveau modèle : l’Outremer 42’. Celui-ci sera disponible en mai 2006, date à laquelle j’ai prévu l’arrêt de mon activité professionnelle. Le rêve se matérialise et en juin 2006 "Exploreur"  entame son galop d’essai en Méditerranée, avec pour objectifs la Turquie et la Croatie pendant 4 mois, ensuite ce sera la traversée de l’Atlantique et la découverte des Caraïbes.

Octobre, l’automne, la reprise d’activités pour beaucoup, le froid débute et moi je ne suis plus en mer, mais à terre pour peu de temps. Préparation du bateau, visites techniques et ajout du bout-dehors et de son gennaker remplissent bien les journées. Quelques sorties avec les amis et le départ vers les Caraïbes approche à grands pas.
Cette traversée se fera en solitaire jusqu’au Maroc, puis des amis me rejoindront pour faire un bout de cette longue route avec moi. Naviguer en solitaire est agréable et grisant pour plein de raisons, mais partager ces moments exceptionnels qui jalonnent toute navigation au large, est aussi très plaisant.
Mon épouse me rejoindra sur l’autre rive, c’est grâce à son approbation que ce rêve se réalise. Son état de santé limite sa participation, mais elle fait face avec courage et volonté car c’est une battante.
Il fait froid, le ciel est gris, la mer est agitée, mais le vent souffle dans le bon sens, alors il faut s’arracher à cette terre où tout me retient au moment de partir. Il y a cinq ans, ce projet naissait dans mon esprit, je mesure maintenant tous les obstacles, les doutes et la volonté nécessaire pour aboutir à ce jour du grand départ. Je laisse une mer difficile, mais bien connue derrière moi, pour découvrir un océan, des mers et des rivages inconnus.
Les voiles sont hissées, la première étape est longue, 260 milles en 36 h, mais cela fait plaisir de mouiller en sachant que l’on a bien négocié ce départ, et que les automatismes de navigation sont revenus.
Le passage du détroit de Gibraltar se fera difficilement, car après une brève escale pour se ravitailler en fuel, je me présente au plus mauvais moment par rapport à la marée et avec un vent d’ouest défavorable. Déprimant d’avancer à 3 nœuds, les 30 milles pour rejoindre la rive sud-ouest semblent insurmontables. Après quelques heures, l’effet de la marée se fait moins sentir et le vent d’ouest faiblit. Ouf, Gibraltar est derrière moi, la nuit de navigation qui vient réclamera toute mon attention car les bateaux de pêche sont nombreux avec des routes fantaisistes et un éclairage qui déroute. L’un de ces bateaux me frôle vers 2 h du matin, j’en ai encore des frissons…

Au Cap-Vert David et Jean-Michel arrivent, gonflés à bloc pour la transat… Beaucoup de détails à régler avant de lever l’ancre, c’est chose faite en fin de matinée, direction le nord des îles du Cap Vert, puis Sainte Lucie au sud de la Martinique, le calendrier ne nous permet pas la découverte des autres îles. La mer est agitée, la houle bien présente avec un force 6 E-NE : avec ces ingrédients les estomacs se mettent en veille. Exploreur, un ris dans la grand-voile, file allègrement ses 10 nœuds, il adore cette combinaison.
Au deuxième jour, tout va pour le mieux, l’appareil digestif s’est adapté. La houle nous gratifie par moments de belles claques entre les deux flotteurs, et la vitesse est soutenue tout en réduisant la voilure pour la nuit.
Les 5 premiers jours, la moyenne tourne autour des 170 milles par jour, puis l’alizé faiblit jusqu’à nous octroyer une journée de pétole, une vraie journée de vacances, baignade, pêche à la traîne au vif, l’équipage rechigne un peu, ça ne mord pas. Par contre nos amis les poissons volants nous rendent visite régulièrement, et restent à table quelquefois. L’alizé revient le lendemain mais plus faible, ce sera le cas pour les jours qui suivent et la moyenne chute. Mais peu importe la moyenne, la cambuse est bien fournie, le pain quotidien est fait un jour sur deux, Jean-Michel innove même en pâtisserie avec un far que nous ne sommes pas prêts d’oublier…
Sur la fin nous ralentissons pour arriver au petit matin à Sainte Lucie, c’est chose faite en ce 21 décembre, après 15 jours de navigation, avec un sac rempli d’émotions, de sensations, qui demandera plusieurs semaines pour être vidé et pleinement ressenti.
Les Caraïbes s’offrent à nous, soleil, eau turquoise sans oublier la chaleur des habitants. C’est dans cette symphonie de senteurs, de couleurs que nous allons passer les prochains mois, le rêve n’est plus mais l’aventure continue à bord d’Exploreur avec Anne-Marie et Serge.

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