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Nouvelle-Calédonie - L'ïle Surprise ou le paradis perdu

A un peu plus de 100 milles au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie, le long récif d’Entrecasteaux laisse apparaître trois motus, îlots de sable corallien. L’atoll de la Surprise doit son nom au navigateur-explorateur Antoine Bruny d’Entrecasteaux, étonné de découvrir ces terres émergées alors qu’il pensait avoir arrondi la Grande Terre.

Sous un fin croissant de lune, sur le pont tous les deux, nous attendons l’aurore, satisfaits d’avance. Le jour se lève donc sur l’atoll d’Entrecasteaux. Des milliers d’oiseaux survolent déjà l’île Surprise. Les plus téméraires nous ont vus arriver de loin ; ils nous ont rejoints et planent maintenant au-dessus du mât, manquant sans cesse de se télescoper dans le haubanage. La nature sauvage nous fait l’honneur de nous accueillir. Nous jetons l’ancre dans le bleu-vert turquoise de l’eau, seuls, complètement seuls, disposés à la robinsonnade…

Le mouillage est rouleur, mais que le paysage est beau ! La biodiversité nous rappelle les Chagos, au milieu de l’océan Indien. Comme là-bas, les animaux n’ont aucunement peur de nous, ils sont plutôt curieux et semblent à peine s’interroger quant à notre présence. Toute une communauté d’oiseaux de mer niche sur ces quelques mètres carrés de terre ; des fous, des frégates et des plus petits dont je ne connais pas le nom. L’intérieur de l’île étant interdit d’accès afin de préserver les espèces, nous observons depuis le pourtour sableux. La végétation n’est pas extrêmement dense, elle paraît toutefois suffire à la peuplade de volatiles qui a l’air de s’être réparti la zone en fonction des besoins de chacun. Les plus remarquables sont les fous, en nombre bien plus important que les autres. Pas moins d’un nid tous les mètres abrite la progéniture de ces sulidés. Certains petits sont encore à l’état d’œufs, d’autres au stade de craquants oisillons. Les plus drôles sont les juvéniles. Pas encore adultes, ils dépassent leur mère d’une tête et s’égosillent dans leur ramage en pleine mue ; ils se comportent comme de jeunes pubères... Sous l’eau, la diversité d’espèces est étonnante, et la grosseur des poissons saisissante. Les perroquets d’un turquoise intense ont une chair généreuse, les loches atteignent des tailles démesurées, les carangues sont gigantesques.

Chaque excursion à l’extérieur du catamaran nous apportant sa dose de prises de vue, nous ne sortons jamais sans nos figeurs d’images. Nous sommes maintenant aux abords de l’îlot Huon. A l’instar de notre précédent mouillage, le courant important se concilie mal avec l’ancrage tranquille. Les vaguelettes viennent taper le flan tribord de Black Lion, faisant balancer son mât d’un côté à l’autre. Un tel roulis nous aurait sans doute délogés en un autre lieu… mais être ici est bien un privilège. Dès lors que nous sommes certains que notre pioche est bien cramponnée au fond, j’aime laisser vaga- bonder mon esprit et imaginer les extraordinaires découvertes que nous allons faire. Les versants au vent sont très souvent jonchés de tout ce que l’océan ne veut plus. Mis à part toutes les brosses à dents, claquettes, et autres objets polluants humain, cette fois-ci, de minuscules nautiles seront notre trésor. Plus au centre de l’île, de grosses tortues ont choisi de rendre ici leur dernier souffle. Leurs carcasses blanchies par le soleil reposent au milieu des bernard-l’hermites et d’un parterre semblable à du gazon. Autour, le sable écru et les récifs bruns découverts par marée basse donnent encore plus d’éclat aux couleurs du lagon. L’isolement est parfait, il peut se passer (presque) n’importe quoi dans le monde sans influencer le bon déroulement de la vie ici. Mais l’exclusivité qui nous est accordée dans cette thébaïde va devoir se partager, un yacht de vingt mètres entre dans notre champ de vision – puis dans le lagon. Egoïstement, nous aimerions garder ce shambala (« lieu du bonheur paisible » en sanskrit, NDLR) rien que pour nous ! Au lieu de ça, nous laissons la place en prenant la direction des Chesterfields…

 

 

 

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