Voyage

Nouvelle-Zélande - A la découverte de l’Ile du Sud ! - Partie 1

Créez une alerte e-mail sur le thème "Voyage"

3 000 milles, 3 mois de navigation… Destination ? Fiordland ! Cela fait maintenant plus de 2 ans que Cat’leya s’est réfugié en Nouvelle-Zélande... D’Auckland au cap Kari Kari, nous avons découvert une côte magnifique et un terrain de jeu exceptionnel en voilier. Les escapades à terre vers Rotorua, New Plymouth et tant d’autres m’ont donné un autre éclairage sur ce pays verdoyant, mais l’histoire ne pouvait s’arrêter là... L’Ile du Sud m’est complètement inconnue, et, au gré de ma curiosité, j’ai parcouru des récits de voyages vers cette autre Nouvelle-Zélande dont le joyau est le Fiordland. C’est une région très isolée, située au sud-est de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Le magnétisme du Fiordland provient de la combinaison de multiples facteurs – une nature sauvage et préservée, des paysages magnifiques où la montagne fait la part belle à la mer, une histoire très riche liée aux exploits du capitaine Cook et autres explorateurs, aux chasseurs de phoques et de baleines, à l’épopée des mines d’or et de charbon… Bien sûr, les conditions de navigation dans ces latitudes plus australes sont bien plus rigoureuses que celles de Sydney, référence facile de l’hémisphère sud. On passe de 33° Sud à 45°. Oui, ici, on est bien entre les 40es hurlants et les 50es rugissants, mais c’est une nouvelle aventure que j’ai décidé de vivre et que je prépare depuis quelques mois. L’oscillation El Niño/La Niña a un effet considérable sur la météo de cette zone.

 

El Niño et La Niña dictent la météo

Durant les périodes El Niño, l’océan est plus froid dans l’ouest du Pacifique Sud. L’activité des basses pressions est faible, tandis que les hautes pressions dominent le centre et le nord de la mer de Tasman. La Nouvelle-Zélande est fréquemment traversée par des fronts froids venant de la mer de Tasman, accompagnés de vents du sud-ouest. L’Ile du Nord est dominée par des hautes pressions, tandis que l’Ile du Sud est plus ventée et les températures plus basses. A l’inverse, lors des épisodes La Niña, l’océan est plus chaud dans la mer de Corail, et globalement l’ouest tropical du Pacifique Sud ; cette chaleur conduit à la formation de tempêtes du nord de la mer de Tasman au sud-ouest des Fidji, se déplaçant sud ou sud-est vers l’Ile du Nord, tandis que les hautes pressions s’installent sur l’Ile du Sud. Mon conseil ? Durant La Niña, allez dans l’Ile du Sud ; durant El Nino, passez l’été dans l’Ile du Nord. 2022 est une année à prédominance La Niña, et nous aurons un temps magnifique, quelques coups de vent et 6 jours de pluie seulement, une véritable aubaine pour visiter le Fiordland !

 

Dans quel sens on tourne ?

La première question qui se pose lors du tour d’une île est de savoir dans quel sens le faire… La route ouest (sens anti-horaire), bien que beaucoup plus courte en distance, offre très peu d’abris. Les vents de sud-ouest et la houle conséquente issus des 50es rendent la route par la côte est de la Nouvelle- Zélande plus attractive a priori (sens horaire), mais c’est vrai jusqu’à Stewart Island ; ensuite rejoindre le Fiordland par le détroit de Foveaux (entre l’Ile du Sud et Stewart Island) est une autre histoire…. Les Alpes du Sud exercent également une influence majeure, car elles sont une véritable barrière que les vents doivent contourner… Ainsi, un vent de nord-ouest tourne au nord au nord du Fiordland, puis repasse nord-ouest vers Puysegur au sud du Fiordland, pour virer ouest dans le détroit de Foveaux. Nous avons choisi l’option côte ouest, et bien nous en a pris, car toutes les navigations ont pu être faites à la voile.

Les voiliers rencontrés qui remontaient la côte ouest ont à l’inverse fait beaucoup de moteur… Il nous a fallu deux jours pour rejoindre New Plymouth depuis le nord, et deux jours de Nelson au premier fjord, Milford – environ 400 milles chaque fois. Les vents ont été modérés et la houle de sud-ouest n’a jamais été un obstacle. Il faut bien sûr être prudent sur les fenêtres météo, car elles sont de courte durée compte tenu de la fréquence de passages des fronts entre les anticyclones. Ces fronts s’accompagnent de vents souvent tempétueux de nord-ouest, suivis de pluie puis d’une bascule au sud-ouest.

 

Redoutée mer de Tasman

La remontée vers Cape Reinga se déroule dans de bonnes conditions avec un flux de sud-est, mais, à partir de North Cape, pendant les 100 premiers milles de notre descente, nous rencontrons une mer chaotique et dure, tradition de la mer de Tasman. Le 13 janvier après-midi, nous croisons North Cape puis le Cape Reinga, le fameux banc Colombia et les vagues qui déferlent sur ces hauts-fonds ; nous sommes bien loin du paysage « idyllique » que nous avait offert une belle journée de septembre lors d’une virée en voiture... La mer de Tasman tient ses promesses : une houle de sud-ouest vient s’opposer à celle créée par la grosse dépression qui nous suit, et rend notre progression peu confortable... Le 15 au matin, nous apercevons le mont Taranaki ; son sommet encore en partie enneigé domine New Plymouth, ville que nous aurons tout juste le temps d’atteindre avant que le vent tourne au sud et nous barre la route. Une nuit de repos bien méritée, et nous levons l’ancre pour les Marlborough Sounds. Nous descendons la côte au moteur, accompagnés par le Taranaki, que nous gardons à l’oeil sur notre bâbord. La bascule de vent prévue pour le soir – virant du sudest vers l’est – nous offre une nuit sous voile et une traversée rapide. Puis c’est la remontée du Pelorus Sound vers la marina de Havelock, où Cat’leya est gratifié d’un bon rinçage !

 

Parés pour de nouvelles aventures !

Les Marlborough Sounds forment un véritable labyrinthe de méandres creusés par les rivières dans le relief du nord de l’île du Sud. Pelorus Sound est le plus long, 55 km jusqu’à Havelock – la capitale kiwi de la moule – et comprend de nombreux bras, dont Kenepuru Sound. Naviguer dans ces magnifiques paysages est malheureusement souvent impossible à la voile... par manque de vent ou à cause des brusques changements de direction de ce dernier. World’s End n’a finalement rien d’inquiétant – c’est au contraire un havre de tranquillité où s’abritent de nombreux voiliers. Nous y voici, en compagnie de Nemo Sumo, le powercat de Thierry, avec qui nous partageons cette nouvelle aventure.

Plus au nord, Port Ligart constitue l’entrée du Pelorus Sound. Il faut veiller aux nombreuses fermes à moules qui occupent les rivages. Les Maoris ont développé cette industrie afin de permettre à leur communauté de vivre sur ces terres et de lui assurer un travail. C’est aujourd’hui une industrie florissante et exportatrice.

C’est en l’honneur de Jules Dumont d’Urville, explorateur français qui le premier découvrit cette passe dans la première moitié du 19e siècle, que l’île fut nommée Urville Island. Auparavant, le capitaine Cook avait cartographié cette terre comme faisant partie de l’île du Sud... Plus sauvage que le Pelorus Sound, les montagnes qui composent Urville Island sont plus arides en cette saison et offrent une palette de couleurs – du jaune ocre au vert – qui tranche avec la mer sombre de Tasman. Nous progressons le long de des côtes pour atteindre Port Hardy et mouiller tout au fond de la baie. Un peu plus au sud, Greville Bay offre un mouillage dont l’entrée jouxte un lac d’eau douce. Ce sera notre dernière halte avant Nelson.


Quand il ne pleut pas, Nelson est une ville agréable à vivre avec ses nombreuses pistes cyclables (ce qui est plutôt inhabituel ici), quelques maisons de style colonial et le jardin de la reine Charlotte, qui jouxte la rivière qui traverse la cité. 

 

Un soleil qui change tout


La Lagoon 52S seul au mouillage, à l’embouchure de la rivière Wild Native ; nous sommes ici précisément à George Sound, moins de 8 milles au sud de Bligh Sound.

 

Cette ville est réputée être la plus ensoleillée de Nouvelle-Zélande, avec 2 500 heures par an ; nous aurons ici quatre jours de pluie continue au mouillage avec des vents forts...

Nelson est la porte d’entrée du Park d’Abel Tasman – il s’agit d’un site magnifique privilégié pour les randonnées. Les refuges y sont réservés une année à l’avance. Une fenêtre météo s’ouvre enfin pour descendre le long de la côte ouest de l’Ile du Sud jusqu’à Milford Sound, le premier fjord au nord du Fiordland. Nous quittons Torrent Bay pour virer Sand Pitt, une langue de dune qui nous mènera au cap Farewell. Le vent est fort, mais nous n’avons pas les rafales à 30 noeuds prévues sur les fichiers GRIB... Le vent est de trois quarts arrière et nous fait passer le cap Farewell à bonne vitesse. Puis les falaises de grès laissent la place à un paysage plus brumeux. Nous mettons le cap vers le large pour être en position favorable pour la bascule prévue le lendemain. La pluie nous accompagne tout le long du voyage jusqu’au matin où, petit à petit, nous découvrons la côte à la faveur des rayons de soleil retrouvés. 

Deux jours de navigation plus tard, nous voici à Martin’s Bay, où vécut une communauté maorie dès 1650 et qui fut également l’un des sites des premiers colons anglais. Ceux-ci n’y vécurent pas longtemps, à cause de l’isolement et des conditions difficiles dans ces contrées ; nous sommes déjà par 44° Sud de latitude... Cette baie m’avait émerveillé dans un documentaire sur le Fiordland ; le soleil apporte un éclairage nouveau et beaucoup plus joyeux que celui de mon souvenir. L’entrée de Milford Sound apparaît déjà, il fait beau et je ne reconnais pas les paysages sombres, humides et brumeux découverts dans ce fameux documentaire. Tout me paraît lumineux, mais minéral, sauvage et surtout très différent de ce qu’il m’a été offert de voir jusqu’à présent. Tout autour de moi, je découvre des sommets – certains culminent à plus de 2 000 mètres d’altitude. Des cascades et même des glaciers s’échappent des sommets. Avec cette lumière, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce paysage tourmenté et façonné par les glaciers il y a 20 000 ans porte le surnom de « Shadow Land », la terre des ombres... Depuis 1990, la région du Fiordland fait partie du Patrimoine de l’Humanité. De sévères restrictions garantissent la pérennité de ces sites et s’accompagne de politiques touchant la pêche, les réserves marines et la protection de certaines espèces, aussi bien marines que terrestres. La remontée du fjord dure une heure, et nous rejoignons Nemo Sumo, notre compagnon de route au mouillage, dans Deep Water Basin, tout au fond de Milford Sound.

L’endroit est également l’arrivée du fameux chemin de randonnée Milford Track, 33,5 milles à travers les montagnes qui s’effectuent en plusieurs jours grâce aux refuges répartis le long du trajet. Nous l’emprunterons jusqu’à la première cascade le long de la rivière « Arthur Rive », que nous avons explorée en dinghy la veille.


Deep Water Basin, dans Milford Sound : ce mouillage est très bien protégé des accélérations de vent, qui peuvent être vicieuses ici...

 

Gare aux sand flies !


A l’entrée de Bounty Heaven, les grands dauphins accueillent Cat’leya…

On compose ici avec les redoutées « sand flies » (en français, il s’agit des phlébotomes – un des vocables intégrés aux innombrables insultes du capitaine Haddock, dans Tintin). Les morsures de ces moucherons piqueurs omniprésents sont douloureuses, à tel point qu’ils peuvent faire renoncer certains aux excursions à terre... Pour notre part, nous n’avons pas été vraiment gênés. Les sand flies sont absentes dès qu’il y a du vent ; sinon, un bon produit répulsif d’insectes ainsi qu’un diffuseur automatique d’insecticide à bord et dans le cockpit résolvent ce problème !

Du nord au sud, de Milford à Dusky via Doubtful Sound, l’environnement évolue d’un paysage montagneux et minéral, parfois encaissé, à une sensation d’immensité où les hautes montagnes ne jouent plus que le rôle d’écrin pour les nombreux bras de mer et les îles qui les séparent. Le terme de « sound », qui en anglais désigne un bras de mer façonné par les rivières puis submergé lors de l’abaissement du niveau des terres est trompeur ; ici, il s’agit bien de fjords creusés par les glaciers il y a environ 20 000 ans. Dans Milford Sound, il suffit de lever les yeux pour apercevoir quelques glaciers et leurs neiges éternelles culminant à près de 2 700 mètres. Par ces latitudes, 45° Sud, le temps n’est pas toujours clément ; les successions des systèmes météo apportent leur lot de coups de vent et de précipitations. Mais ici, la pluie est source de beauté. Dès qu’elle apparaît, une multitude de cascades éclot sur les flancs des montagnes. La lumière zébrée de nuages donne un éclairage dramatique aux paysages. Puis, lorsque le front est passé, la clarté du ciel sublime la nature. Laquelle est d’ailleurs bien généreuse pour le navigateur : langoustes (que l’on a le droit de pêcher en plongée bouteille), morue bleue, thon rouge, coquilles Saint-Jacques, ormeaux, moules, cerfs pour les chasseurs, etc. Il n’est vraiment pas nécessaire de remplir les congélateurs avant le départ ! Bligh Sound est 17 milles nautiques au sud de Milford. Les déplacements d’un fjord à l’autre sont donc faciles, même à la voile... Le nom fut donné à ce fjord par le capitaine John Grono, dont le bateau s’appelait Governor Bligh en l’honneur du gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, William Bligh. Nous progressons entre deux murs de pierres et de végétation vers le fond du fjord, Bounty Heaven. Quelques grands dauphins viendront nous souhaiter la bienvenue, ils sont énormes, ici ! Les fonds remontent brutalement à l’estuaire de la rivière Wild Natives par l’accumulation des alluvions qui forment une boue solide. 


Le Fiordland, c’est aussi un lieu de rêve pour la pêche. Nul besoin de remplir le congélateur du bord !


Tandem insolite : A voile et à moteur !

En 2020, pendant les premières mesures de confinement, j’ai rencontré Thierry, un Français d’origine néo-calédonienne propriétaire d’un catamaran à moteur de même taille que Cat’leya. Comme moi, il s’est trouvé « bloqué », et nous avons commencé à faire quelques navigations ensemble… Je dois reconnaître qu’au début, j’étais un peu sceptique sur le « mariage » voile-moteur, mais rapidement, je me suis rendu compte que nous avions la même envie de découverte et d’exploration… Thierry navigue généralement entre 8 et 9 noeuds, et nous avons pu facilement croiser de conserve. Après quelques mois passés ensemble autour de Great Barrier, des Mercury et de Bay of Islands, le mariage était pour ainsi dire « consommé… » Nous nous sommes projetés vers des destinations plus lointaines, et pourquoi pas le tour de la Nouvelle-Zélande, avec pour point d’orgue le Fiordland.

Partagez cet article