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Navigation aux antipodes…

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Partir naviguer autour du monde, souscrire à la tentation mystique de cette aventure-là, c’est accepter de se confronter à l’espace, parfois dans un face-à-face loyal avec la Nature. C’est savoir que l’on éprouvera tôt ou tard les aléas d’une existence dont on a souhaité qu’elle vous éloigne, au moins pour un temps, de projets normalisés politiquement corrects, c’est-à-dire socialement conformes. Partir, ce n’est surtout pas fuir, non. Seuls les fieffés sédentaires qui ne sont jamais partis et ne partiront jamais le disent, en se trompant de registre, de ceux qui osent. Non, partir, ce n’est pas fuir, c’est défier. A commencer par se défier soi-même. Certains n’iront pas plus loin. Car la beauté de ce geste implique courage, détermination, constance et enthousiasme.
Evidemment, je raconte souvent les escales de notre voyage. Mais, pour boucler un jour sa rotation planétaire, il faut tout de même naviguer un peu de temps en temps ! Tracer son sillage sur la mer. Avec obstination. Centaines de milles après centaines de milles. Au fil des semaines et des mois. Pas toujours facile…
Ce jeu magnifique de la liberté retrouvée a néanmoins son mode d’emploi. Se démerder pour être toujours au bon endroit au bon moment est une des règles de base. Ne pas laisser trop de place au doute en est une autre. Ceci dit, chacun son truc, les longues traversées océaniques, moi, ce n’est pas ce que je préfère. Elles ne me dérangent pas, attention, j’aime la haute mer. Mais je préfère les étapes de liaison, les arrivées, le cabotage dans des lieux désertés où ne conduisent que les chemins de traverse. J’aime plus particulièrement renouer le rapport à la Nature, oublié des temps modernes.
La traversée qui conduit un voilier des Tonga ou des Fidji en Nouvelle-Zélande, à l’orée de la saison cyclonique tropicale, est l’une des plus délicates à gérer pour un catamaran qui fait le tour du monde. Avec, sûrement aussi, le passage au sud de l’Afrique…
Je me souviens de notre traversée agitée, vers les quarantièmes degrés de latitude sud, au départ des Tonga. Je me souviens que c’était magique de faire route vers les prairies verdoyantes de Nouvelle-Zélande. Depuis quelque temps, sur l’écran du GPS à la table à cartes de Jangada, la longitude approchait les 180° ouest (ou est !), et le loch enregistreur flirtait avec les 18 000 milles depuis notre départ de La Rochelle.
Nous étions fin octobre, et il nous fallait songer à quitter les tropiques. A nous éloigner de la zone cyclonique de l’ouest du Pacifique, pendant 5 mois, pour trouver refuge plus au sud, hors de danger, au pays du long nuage blanc.
Devant les étraves, 1125 milles de route directe, et une escale prévue de plusieurs mois, à mi-chemin de notre voyage autour du monde.

Jangada tour  du monde chronique

Premiers paysages de Nouvelle-Zélande, île Nord…

Cap sur Kia Ora Aotearoa, l’île des Maoris

Le créneau météo favorable qui se dessine pour les jours qui viennent semble être là. Un anticyclone venu de Tasmanie fait route à l’est dans le Pacifique Sud. Il devrait générer, si sa trajectoire se confirme, des vents de secteur sud-est, est, nord-est puis nord sur notre parcours. Pas mal ! Notre objectif, c’est de partir au plus tôt de la rotation des vents pour être arrivés de l’autre côté de façon certaine avant la ravissante, profonde et redoutable dépression qui ne manquera pas de lui succéder… Nous avons fait le minimum d’appros à Pangai, le village principal des Ha’apai. C’est que les services phytosanitaires kiwis ont la fâcheuse réputation de détruire les stocks de nourriture lors de leur inspection minutieuse du bord à l’arrivée en Nouvelle-Zélande. D’ailleurs, de peur que ces gabelous extrémistes ne fassent de même avec la bouteille de mirabelle de haute volée concoctée par mon vieux père, j’ai entrepris de la vider (progressivement) avant d’arriver au pays des Kiwis ! Pour cela, malgré l’hérésie dramatique que ne manquera pas de relever le paternel, néanmoins trop loin pour protester, je la mélange avec un peu de sucre de canne, des quartiers d’orange acide des Tonga (les citrons verts ont disparu), et un peu de jus d’orange. Ça passe bien, et ça remplace le ti-punch, qui a disparu du bord depuis que nous n’avons plus de rhum agricole, autant dire des lunes.
La nuit dernière, j’ai eu du mal à capter la station de Firefly en Australie. J’attendais les derniers bulletins météo avec impatience, avant de lancer le cri attendu depuis quelques jours par le marin au long cours sur l’immensité du Pacifique Sud : Banzaï ! Vers 02h00 du matin, j’ai enfin compris pourquoi : une des deux filières arrière ouvertes, qui donnent accès à la jupe bâbord, touchait l’antenne et faisait masse. Remise en ordre. J’ai pu aussitôt obtenir Firefly, et tous mes bulletins de prévisions. Le vent est là, on peut torcher la toile…
Quelques heures de cavalcade plus tard, le souffle de sud-est a adonné de 10/15° en mollissant un peu. Un ris en moins, et la puissance retrouvée de la grand-voile à corne a pu accrocher la route directe sur Whangarei, au 207. L’équipage est soudé, unanime à souhaiter retrouver pour un temps la chlorophylle des prairies néo-zélandaises…
La nuit a été superbe, la mer était belle, et la lune, pleine et splendide, nous a accompagnés au fil des heures. Levée hier soir avant que le soleil ne se couche, elle a disparu doucement, ce matin, avec les premiers rayons du jour nouveau.

Départ des Tonga direction Nouvelle Zélande en cata

Départ des Tonga pour la Nouvelle-Zélande, bien appuyés sur tribord !

Deuxième journée au large

Le vent et la mer ont haussé le ton. 20 à 25 nœuds. Un peu de mer, suffisamment pour que les étraves de notre catamaran plongent souvent bille en tête. C’est sportif, mouvant, un peu brutal. Vitesse 8 à 9 nœuds. La fraîcheur a fait son apparition, il a fallu enfiler une polaire. Nous quittons les tropiques la nuit prochaine (23°27’ sud). Aujourd’hui, le carré était surtout un salon de lecture. Pas vu un seul bateau. Quelques oiseaux de mer, noddis bruns, phaétons, fous de bassan. Et la mer, immense et déserte. En route vers les latitudes sud, ou ce n’est encore que le printemps.
Autant le savoir d’emblée : Barbara a pris en grippe depuis le départ les fichiers Grib, les prévisions météo, et je crois bien aussi les prévisionnistes ! Dont le fameux Bob (Mac Davitt), le pape néo-zélandais de la météo régionale. Malheureusement pour moi, il semble bien, d’après ce que je comprends, que je sois moi-même assimilé à un prévisionniste… Alors le vent sur l’avant du travers qui dure, et qui grimpe dans les nœuds, ça ne fait pas mes affaires ! Ce n’était effectivement pas prévu ! 2 ris dans la grand-voile pour la nuit, un morceau de solent, et les vagues sur l’avant du travers. Tendance : à monter sur le pont. On fonce dans le tas, c’est humide, et ça commence à être frisquet. J’ai investi le coin tribord du carré, à côté de la table à cartes, pour la nuit. Paré à bondir, je préfère. Mais en haut, je ne suis pas seul, je suis de quart avec la petite blonde : Adélie. Elle a en horreur la simple idée d’aller dans une coque quand ça marsouine sévère, en mer. Elle squatte le côté bâbord du carré pendant la nuit. Juste avant de s’endormir, elle me dit qu’« elle fait le quart », puis sombre dans un sommeil profond. J’adore. La vision paisible et angélique de ma fille, enlaçant son Beige (son doudou), contraste avec les paquets de mer qui viennent s’écraser sur les vitrages avant du roof, en dégoulinant grave, pendant que notre catamaran fonce dans la nuit noire à 9 nœuds…
Le jour s’est levé sur une mer au visage des mauvais jours, 4 mètres de creux, 30 nœuds établis. Nous avons laissé Minerva Reefs à tribord, sans regret. L’approche du récif devait être dantesque par un temps pareil. J’avais rêvé d’y pénétrer, par mer calme, mais c’était un rêve ! Oublié.
Journal de Barbara, pris sur le vif un mauvais jour en cours de traversée :
« Je ne vais pas tourner autour du pot, je hais les traversées de ce genre ! Mouvements brutaux, prise de ris, largage de ris, reprise de ris, pont aspergé par les embruns, vagues qui montent à l’assaut des hublots du carré, descente sportive dans les coques, claustrophobie dans le carré… Et puis quand le vent se calme un tantinet pour souffler à plus de 20 nœuds quand même, que la vitesse du bateau n’est plus "que de 8 nœuds", et que la mer me laisse quelque répit forcément momentané, alors la phrase sibylline du Captain m'achève : "Ça mollit, on se traîne... !" En traversée, dans des conditions telles que malheureusement je les ressens, je suis d'humeur sombre, voire noire, je le reconnais. Je me sens coincée, vulnérable, et surtout je n'éprouve aucun plaisir à voir filer notre voilier sur l'océan. Je subis et je suis en colère contre les éléments, les météorologues, voire le Captain, et aussi contre moi-même, de si mal supporter la chose. Alors je regarde mes petits, absolument stoïques, vautrés dans le carré avec leur bouquin ou leur lecteur de DVD, toujours d'humeur égale, et je les envie. Bien entendu, ils n'ont pas, chevillée au corps, l'angoisse que j'ai qu'il arrive quelque chose au Captain pendant ces traversées musclées... Non, ils ne se projettent pas dans ce genre de mauvais trips, les veinards. Allez, dans 2 jours, on devrait voir apparaître les côtes néo-zélandaises, et tout ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir qu'il faudra oublier. Avant la prochaine traversée de rêve, comme le skipper me les présente toujours avant d’appareiller... »
L’humain, c’est toujours ce qu’il y a de plus difficile à appréhender. L’eau de mer d’un tour du monde n’est pas toujours bleue, c’est vrai. Pour que le voyage continue, personne ne doit décrocher durablement, autre règle. Il me paraît clair que, dès que nous serons amarrés sur l’eau plate de la rivière de Whangarei, en plein centre-ville, à 15 bons kilomètres de la mer, la dégustation avec Barbara d’un thé brûlant earl grey à la bergamote agrémenté de quelques gâteries chocolatées s’impose d’urgence dans le plus beau salon de la ville…

Direction Nouvelle-Zélande traversée délicate

Tonga-Nouvelle-Zélande, l’une des traversées les plus délicates d’un tour du monde…

Pendant le déjeuner (du marlin de Mopelia en conserve avec une délicieuse sauce curry, et des petits légumes frais) pris rapidement dans un bol, la bosse de ris à poste a explosé. Avec Marin, dans ce cas-là, on se met à poil (sinon on se fait rincer à l’eau de mer et ça met des plombes à sécher après rinçage), et banzaï ! On fonce. A repasser une bosse neuve dans la bôme, et que je te renvoie la toile. Dans l’après-midi, joie et bonheur, le vent a molli, revenant à 20/22 nœuds, et il a tourné progressivement d’environ 20° supplémentaires ! Les prévisionnistes avaient globalement raison, avec juste un petit décalage dans le timing ! Désormais, le vent apparent est à 90° bâbord, le vent vrai légèrement sur l’arrière du travers, et la mer aussi. Le bateau apprécie, il glisse davantage sur l’eau avec moins de heurts, et il ronronne à 9 ou 10 nœuds en peinant moins contre les éléments. C’est mieux pour tout le monde. Nous avons délaissé les tropiques, et nous approchons du méridien 180°. Nous sommes habitués aux longitudes ouest depuis longtemps, ça va nous faire drôle, ce changement !
Après deux jours maussades de ciel couvert et de couleurs grises dominantes, le soleil a réussi à percer les nuages peu après notre franchissement du méridien 180°, vers 07h45 ce matin. Le thermomètre descend progressivement. J’ai réussi à prendre la photo avec 180° de longitude affichés sur l’écran du GPS et que des zéros après ! J’ai observé ce qui se passait : le GPS a basculé correctement en longitude est, puis il s’est mis à décompter en diminuant la longitude, alors que cela faisait un sacré moment qu’il ne le faisait qu’en l’augmentant. Bon petit calculateur là-dedans. Le plus étonnant, ça a été la cartographie électronique. Sur ma route tracée entre Tofua et Whangarei, j’ai vu soudain, au moment précis où l’on touchait le méridien 180°, le trait rouge partir plein est et faire un tour du monde pour me ramener ensuite au 207, notre route vers la Nouvelle-Zélande… J’ai dû refaire une petite programmation, toute en longitude est, et les choses sont revenues dans l’ordre.

Table à cartes de Jangada

La table à cartes de Jangada quand ça cogite…

Je savais que la fin de parcours serait plus délicate à gérer que le début, avec des vents faibles et incertains. Mais je ne vais pas me plaindre de cette traversée. C’était une partie sensible de notre parcours océanique dans le Pacifique, avec un créneau météorologique à bien négocier. Histoire de ne pas se retrouver pris au piège dans l’un de ces fâcheux coups de vent, fréquents dans les parages. La zone océanique comprise entre la Nouvelle-Zélande et les Tonga-Fidji, à quelque 1000 bons milles au nord, a parfois donné lieu dans le passé à des disparitions pures et simples de voiliers, pris dans du gros mauvais temps. J’avais cela en mémoire. Le créneau choisi se sera finalement révélé excellent, nous permettant une traversée rapide en 6,5 jours depuis Tofua. Nous avons aperçu aujourd’hui un grand albatros, au vol majestueux. Le premier de notre séjour austral. Les quarantièmes sud ne sont pas loin ! Les îles Kermadec, dans l’est de notre position, sont un lieu de reproduction privilégié de ces grands oiseaux de l’hémisphère sud qui, eux, n’ont pas peur des tempêtes.
Après 6 jours de mer, les îles Poor Knights Islands, au large des côtes néo-zélandaises, me sont apparues peu après le petit déjeuner. Le vent a molli progressivement pour nous quitter complètement vers 05h00 du matin. Le gennaker bleu avait remplacé le solent vers minuit. Le froid est de plus en plus piquant, 15°C au milieu de la nuit. J’ai cherché mes chaussettes au fond des équipets, pour éviter de renouveler la morsure du froid humide de la nuit dernière dans le carré. Barbara a promis de ressortir les couettes, entreposées sous vide depuis des mois dans des sacs étanches. Nous avons croisé un chalutier néo-zélandais en pêche, un solide bateau taillé pour les tempêtes. L’eau de mer est devenue vert bouteille. Elle est chargée de plancton, et depuis ce matin, nous apercevons de petits manchots qui barbotent à la surface et plongent à notre approche. Les grands albatros des Kermadec sont plus nombreux. Dans la matinée, ils se relaient pour tourner autour du voilier, et se posent dans le sillage, espérant sans doute bénéficier de quelques détritus de cuisine (biodégradables, bien sûr). Vers la mi-journée, des dauphins sont venus nous souhaiter la bienvenue en Nouvelle-Zélande. La côte de l’île Nord est apparue progressivement sur tribord.
Nous avons annoncé notre arrivée par VHF aux autorités, conformément à la réglementation locale. Pas question, ici plus qu’ailleurs, de mettre un pied à terre avant l’obtention de la clearance. Depuis ce matin, nous avons entrepris de faire la chasse aux insectes morts, de nettoyer, de lessiver, de ranger, histoire de ne pas s’attirer les foudres de l’inspecteur de l’agence de biosécurité sanitaire néo-zélandaise. Nous approchons de Bream Head, le cap rocheux qui déborde l’embouchure de la rivière de Whangarei. Dans 2 heures, nous serons à quai au custom berth de Marsden Cove, en Nouvelle-Zélande ! Barbara a retrouvé son joli sourire. La traversée s’estompe déjà. Les enfants sont radieux. Une longue escale nous attend à l’autre bout du monde !

Le temps se couvre sur le catamaran Jangada

Route au SW, le temps se dégrade…

La Nouvelle-Zélande, enfin…

Nous doublons Bream Head vers 15h00, et nous dirigeons vers le chenal. La visibilité est incroyablement bonne. Les albatros planent inlassablement dans notre sillage. Il reste une heure de flot, suffisamment pour parvenir à Marsden Cove avant la renverse. Nous croisons quelques petites embarcations qui pêchent dans l’embouchure. Les collines verdoyantes défilent à quelques centaines de mètres de nous. Changement de décor. Nous apercevons des vaches, des moutons, des maisons entourées de jardins fleuris, des voiliers au mouillage sur coffre dans chaque petite baie. Ces premières images attendues nous ravissent. Nous repérons l’étroit chenal qui mène à la marina de Marsden Cove, l’un des sites agréés par les autorités locales pour effectuer les formalités d’entrée dans le pays. L’extrémité d’un ponton est réservée aux bateaux devant effectuer leur clearance. Il est ceinturé de barrières infranchissables, et c’est à cet endroit que le voilier qui arrive de l’étranger doit impérativement s’amarrer. C’est le custom berth, le quai de quarantaine. Pavillon Q du Code International des Signaux à poste dans les barres de flèche. Interdiction de débarquer en attendant les autorités. Par VHF, on me fait savoir que la visite n’aura lieu que le lendemain matin, compte tenu de l’heure tardive de notre arrivée. J’en tire immédiatement une conclusion d’importance : pour la première gorgée de Steinlager au bistrot du coin avec Barbara, il faudra attendre encore un peu… Le temps s’est beaucoup rafraîchi avec ce vent venu du Grand Sud, et, au coucher du soleil, il fait carrément froid. Faute de pouvoir aller me rincer le gosier au malt, je commence une méga-séance de dessalage du bateau, en profitant du jet d’eau du quai de quarantaine, qui a suffisamment de pression pour monter jusqu’à la moitié du mât. Un bonheur simple. Notre catamaran semble en respirer d’aise. La nuit est tombée depuis longtemps quand je termine le job, trempé et frigorifié. Le bateau est propre, et nous avons bouclé la moitié de notre tour du monde. Je vais me coucher et m’endors d’un coup. La perspective d’une nuit de sommeil entière, à quai en eaux calmes, me soustrait à l’itinéraire des rêves…
L’officier des douanes néo-zélandaises, qui cumule aussi les attributions du contrôle de l’immigration (impensable chez nous), se présente vers 09h30 le lendemain. Très aimable, l’officier, et en même temps très professionnel. Mes deux messages e-mail lui sont parvenus, il sait déjà tout du bateau et de l’équipage. J’ai pré-rempli les formulaires que le gouvernement néo-zélandais met à disposition des voiliers souhaitant se rendre en Nouvelle-Zélande, dans certains bureaux administratifs des îles du Pacifique. En ce qui nous concerne, nous avions trouvé ces documents aux Tonga. Du coup, les choses vont vite. L’officier m’explique le statut douanier du bateau pendant son séjour en Nouvelle-Zélande, et m’indique la durée maximale autorisée de celui-ci (12 mois, renouvelable sur demande simple justifiée). Il me calcule ensuite, en l’inscrivant noir sur blanc sur un document qu’il me demande d’approuver et de signer, le montant de la taxe que j’aurais à acquitter si jamais le bateau devait être importé dans le pays. Bref, contrairement à la façon de faire les choses en vigueur chez nous, essentiellement répressive – qui aboutit inéluctablement à faire de la triche un sport national –, ici, les autorités jouent carte sur table. C’est beaucoup plus intelligent, me semble-t-il. L’officier me remet ensuite spontanément une attestation me permettant d’effectuer tous les achats de matériel destiné au bateau en franchise de TVA.

Passage de l'anti-méridien croisière tour du monde

Franchissement de l’anti-méridien…

L’officier me demande ensuite de confirmer ce que j’ai déclaré, je relis, et confirme. Il est satisfait. Il tamponne nos passeports (visa de séjour de 3 mois renouvelable), effectue un tour rapide dans les coques, nous annonce l’arrivée imminente de l’officier de l’agence de bio-sécurité sanitaire, et nous quitte en nous souhaitant un bon séjour dans son pays. C’est tout simplement le douanier le plus agréable à qui j’aie jamais eu affaire !
Sa collègue, bien charpentée, est tout aussi aimable. Elle prend les documents préparés, les lit attentivement, et demande rapidement à aller voir la cuisine, et la cambuse. Elle déplie un grand sac poubelle noir bien costaud, et rafle, en s’excusant, le peu qu’il nous reste de fruits et de légumes des Tonga. Et les œufs. Direction le sac poubelle. Elle aurait pris le miel aussi, si nous en avions eu. Et la viande, surtout la viande, mais nous n’en avons pas. Elle répète la question, mais non, nous lui confirmons que nous n’avons pas de viande. Même pas le moindre corned-beef dégueulasse. On lui explique que nous savions que la viande serait détruite à l’arrivée, alors on n’en a pas. Je lui explique que nous mangeons surtout du poisson, et que nous en avons à bord, là, sous ses pieds, en conserves de pots de verre, stérilisés UHT façon maison. Du sailfish de l’Atlantique, et du marlin du Pacifique, au choix. J’enlève le plancher de la coque tribord, et lui montre les pots calés dans les fonds. Il en reste une vingtaine encore. Je m’étais fait à l’idée détestable qu’il nous faudrait les jeter en arrivant ici. Mais, à notre grande surprise, nos conserves maison de poisson ne lui posent aucun problème. Elle nous les laisse ! Je n’en reviens pas. Voilà, la visite est terminée, elle met le grand sac noir dans un deuxième grand sac noir identique, noue consciencieusement le tout avant de débarquer sur le quai de quarantaine, et de faire route vers son véhicule, avec son maigre butin bio-sécuritaire. Elle nous quitte elle aussi avec un aimable sourire, en nous souhaitant un bon séjour chez les Kiwis. Sa visite n’a pas duré un quart d’heure.
Et nous qui étions terrorisés à l’idée de cette visite, nous qui avions ramassé le moindre insecte que le trépas avait surpris à bord de Jangada…
Allez, le courant de flot porte encore dans la rivière, alors en route pour Whangarei, la capitale du Far North… A nous les vertes prairies de Nouvelle-Zélande !

Retour du beau temps tour du monde Jangada

Le soleil revient, le vent mollit, les noddis sont fatigués…

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