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Les escales de Multicoques Mag : Cape Town

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Au détour d’une conversation avec l’architecte naval Alexander Simonis, ce dernier nous montre une photo de son bureau refuge. A travers l’immense baie vitrée d’un seul tenant, on découvre la baie du Cap avec en toile de fond Table Mountain. Les couleurs sont celles d’un loch écossais. La magie opère. Nous comprenons instantanément son attachement à cette région, et l’inspiration qu’elle lui procure. Au nord du cap de Bonne-Espérance, par 33 degrés sud, la ville du Cap baigne dans la douceur de l’océan Atlantique. Celle que l’on dit être la plus belle ville d’Afrique du Sud bénéficie d’un climat méditerranéen, où une brise constante, non seulement fait le bonheur des navigateurs que nous sommes, mais rend surtout très agréables les chauds mois d’été que sont janvier, février et mars… hémisphère sud oblige !

Comme au tennis, il y a quatre tournois majeurs du grand chelem ; en course au large, il y a trois caps majeurs. Aux côtés du Lewin et du Horn, il se pose comme l’un des trois piliers des légendes : Bonne-Espérance. Dans son nord-ouest, dernière escale avant le grand sud ou premier refuge après avoir affronté le redoutable cap des Aiguilles, il y a le cap. Ne devrait-on pas écrire LE cap ? Celui qui s’appelait originellement cap des Tempêtes fut rebaptisé Bonne-Espérance au XVe siècle, quand, sur la route des Indes, son approche marquait enfin un changement de cap vers l’est après tant de semaines en direction du sud. Voilà une escale qui a baigné notre enfance. Dans le sillage de Vasco de Gama, les marins des courses autour du monde avec escales, que ce soit en solitaire (Boc Challenge, ancêtre du Vendée Globe) ou en équipage (la fameuse Withbread devenue Volvo Ocean Race), s’y arrêtent alors avant de s’attaquer à "l’Indien". A quelques décennies de distance, il est difficile de comprendre ce que nos marins faisaient là en pleine politique honteuse d’apartheid. Mais le nom est resté et la nation Arc-en-Ciel s’est libérée.

Si vous venez de l’est, que vous avez passé le redoutable cap des Aiguilles, poursuivi jusqu’au mythique cap de Bonne-Espérance, il ne vous reste qu’une quarantaine de miles nautiques avant d’atteindre le repos dans la belle ville du Cap. Le sommet plat qui a donné son nom à la Table Mountain et qui culmine à 1087 m ne laisse aucun doute. Comme les navigateurs hollandais du XVIIe siècle, vous êtes bien à l’abri de la silhouette caractéristique de la péninsule du Cap. Y retourner par la terre, comme aux cap des Aiguilles d’ailleurs, est une excursion à faire une fois bien abrité.

Escale Cape Town

Panorama sublime depuis la célèbre Table Mountain.

Pour s’amarrer, il n’y a pas d’hésitation à avoir. Le Royal Cape Yacht Club est un incontournable, voire un must. Créé en 1905, il a le charme suranné de ces vieux clubs britanniques. Mais, managé de manière professionnelle, il offre tous les services que l’on peut attendre d’une escale aussi importante lorsque l’on navigue au long cours. A commencer par un restaurant de qualité qui saura sustenter les appétits les plus féroces, creusés par tant de jours de mer. Sorti du Club, la ville et son environnement offrent de multiples attraits. Mais à ce stade de notre visite, il convient de rappeler que Cape Town, un peu plus encore que toutes les grandes villes dans le monde, peut se révéler dangereuse. Si les quartiers touristiques sont bien sûr beaucoup moins exposés que les townships, mieux vaut malgré tout éviter de s’y promener la nuit, de retirer trop d’argent en pleine rue à un distributeur, et veiller à ne pas laisser apparaître de manière trop ostentatoire des objets de valeur.

Mais, une fois ces quelques précautions de bon sens prises, à vous la découverte de la plus belle ville du pays. C’est en tout cas sa réputation. Cosmopolite à souhait comme un symbole de l’Afrique du Sud du XXIe siècle, elle est aussi riche de ses bâtiments historiques des XVIIe et XVIIIe siècles, puis bien sûr de l’époque victorienne. Passer un bout de journée à se promener à pied dans le centre-ville historique est une expérience unique, où le classicisme britannique de l’architecture (comme Old Town House à Green Market Square) côtoie l’exotisme de l’Afrique des marchés. Egalement situés dans "le bol", et toujours à pied, les "Gardens" sont à la fois un havre de paix verte, mais aussi une visite symbolique pour nous marins, puisqu’il s’agit historiquement d’un espace potager dédié à fournir en produits frais les navires voguant vers les Indes. Dans la même veine historique, une visite au château de Bonne-Espérance est incontournable. Ce n’est ni plus ni moins que la plus ancienne construction d’Afrique du Sud !

Et puis, bien sûr, il y a Robben Island. L’émotion nous gagne. La proximité avec l’un des hommes les plus importants de la fin du XXe siècle prend à la gorge, pique les yeux. Qui ne se souvient pas de là où il était, de ce qu’il faisait le 11 février 1990 ? Comme un certain 11 septembre, mais en positif ! Voir Nelson Mandela sortir à pied, en paix, en ayant pardonné à ses bourreaux, est un message d’espoir incroyable. Bien sûr, il ne sortait pas de Robben Island, mais il y a passé 18 ans en détention dans des conditions de forçat. Si vous avez stressé dans les rudes conditions de l’océan Indien, pesté contre les calmes de Ste-Hélène, tout sera oublié devant la cellule du prisonnier 46664. Nos peines deviennent infiniment petites devant la grandeur de cet homme et du don de sa personne. L’Afrique du Sud et le monde lui doivent tant.

Escale Cape Town

Profitez donc de votre escale à Cape Town pour visiter l'intérieur du pays, qui mérite vraiment le détour.

Plus loin, et si votre programme vous le permet, monter à Table Mountain forgera un souvenir indélébile à tout l’équipage. Surtout si vous empruntez les sentiers pédestres qui y mènent. Mais de bonnes chaussures et une météo clémente sont des impératifs. Dans le doute, le téléphérique est une solution plus sûre ! Si l’origine de la "nappe" nuageuse qui en couvre très souvent le sommet en été fait l’objet de moult légendes, sa réalité physique, elle, est bien palpable. De même, une excursion au cap de Bonne-Espérance par la terre permet quelque part de traverser le miroir. Prendre la route de Cape Peninsula et parcourir ces reliefs qui depuis des siècles forment un amer remarquable pour des générations de marins, l’annonce d’un abri sûr et un havre de repos au milieu de leurs périlleuses navigations, donnera une perspective unique à la journée que vous y consacrerez.

Mais que serait un bon marin sans vin ? Dans cette région du Cap on cultive la vigne depuis près de trois cent cinquante ans. Forcément, ce sont des huguenots français qui, à la fin du XVIIe siècle, ont implanté cette culture. Mais ils ont bénéficié de terres riches et variées, de reliefs et d’un climat des plus favorables. Goûtez le Klein Constantia (avec modération, bien sûr) produit à l’entrée de la péninsule.

Escale Cape Town

Ne manquez pas de faire un safari dans l'un des parcs du pays. Vous y vivrez des émotions uniques…

Enfin, ne serait-il pas dommage d’escaler en Afrique australe sans partir, sur les pas d’Hemingway, à la rencontre des "Big Five" ? Pas question ici de chasse, ni de trophée, mais éventuellement de photo, de respect dans tous les cas pour le lion, le léopard, l'éléphant, le rhinocéros noir et le buffle. Dans la région du Cap, l’Addo National Park est le seul à accueillir les cinq grands. Mais si vous preniez le temps d’aller plus loin ? Votre bateau étant en sécurité au Yacht Club, autant profiter du meilleur. Prévoir 3 à 5 jours et filer d’un coup d’avion vers le Kruger National Park restera une expérience inoubliable pour tout l’équipage. Nous avons tous des yeux d’enfants devant ces grands mammifères, et passer quelques nuits en lodge finira de vous dépayser. Seul bémol à ce paysage idyllique, la saison la plus favorable pour ces visites reste l’hiver. C’est également le cas pour l’observation des baleines qui quittent vers le mois de juin l’Antarctique pour se reproduire aux abords des côtes sud-africaines. Mais on ne peut pas trop vous conseiller d’être dans les parages en bateau à cette période, malheureusement.

"Quand on aime, il faut partir", écrivait Blaise Cendrars. Alors, quel que soit votre attachement à Cape Town, il faut à un moment reprendre la route. Fuir l’hiver vers l’ouest et la douceur brésilienne puis l’Arc antillais. Ou poursuivre vers l’est en fonçant sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande, puis, pourquoi pas, tel Moitessier, la Polynésie. Toutes voiles dehors, poussé par les vents dominants et leur houle conséquente. Autant l’Atlantique et son anticyclone de Sainte-Hélène peuvent, comme Napoléon Bonaparte, vous retenir longtemps prisonniers, autant l’océan Indien peut se révéler violent, cassant. Avantage de cette situation géographique unique, là où aucune terre n’arrête ni le vent ni la mer, l’information météorologique est des plus fiables. Quand une dépression fait le tour de la terre, on la voit venir de loin, longtemps à l’avance. On a alors le temps de monter de quelques degrés nord afin d’en éviter le plus mauvais. Mais avec toutes ces belles images dans les yeux, quel que soit le cap pris, une certitude, vous reviendrez en Afrique du Sud.

Cape Town pratique ou… 2 ou 3 choses que je sais d’elle.

Visas : pas nécessaire si séjour de moins de 90 jours, un passeport en cours de validité suffit. Attention, pour les enfants mineurs, un justificatif, traduit en anglais par un traducteur assermenté, attestant du lien de filiation avec leurs parents, doit être présenté à l’entrée comme à la sortie du territoire sud-africain. Cette mesure s’applique en tout point frontalier sur le territoire.

Fuseau horaire : UTC +2 heures

Monnaie : 1 rand (ZAR) = 0,07 euro = 0,077 USD

Sécurité : Autant être franc, l’insécurité en Afrique du Sud est importante. Si le phénomène est concentré principalement dans les zones urbaines défavorisées, à l’écart des destinations touristiques, il n’épargne pas les quartiers aisés et les centres-villes. Le respect de consignes générales de sécurité, la vigilance et le bon sens permettent en règle générale de voyager sans problème. Au Cap, il faut plus particulièrement faire preuve de vigilance dans les quartiers de Woodstock, Observatory et Bokaap. Evitez également de vous déplacer seul après la tombée de la nuit dans le quartier de Long Street. Enfin, si vous n’êtes pas accompagné d’une personne de confiance et familière des lieux, n’entrez pas dans les townships.

Santé : pour une courte période, seule la mise à jour de la vaccination diphtérie-tétanos est recommandée. Si vous prolongez votre séjour, les vaccins contre la fièvre typhoïde, les hépatites A et B sont conseillés.

Sports nautiques : Malheureusement, si l’Afrique du Sud est célèbre pour sa faune, qu’elle soit terrestre ou aquatique, cette dernière inclut les requins, très présents sur tout le littoral. Sur la péninsule du Cap, l’organisation Shark Spotters a même mis en place un système de surveillance et d’alerte. Renseignez-vous, surtout si vous pratiquez une activité comme le surf.

Autres escales possibles en Afrique du Sud. Si Port Elizabeth laisse peu de bons souvenirs aux navigateurs, Durban, Richards Bay ou East London ont leurs charmes. Aucun port n’est cependant à négliger, car faute d’abris naturels, notamment sur la côte est, il ne faut pas hésiter à escaler même dans un port charbonnier comme Port Elizabeth, voire à faire demi-tour, en cas de mauvais temps, parfois imprévisible. Vent contre courant le long de la côte est, jusqu’au fameux cap des Aiguilles, peut rendre la mer particulièrement cassante. Ne pas forcer le destin, rester patient et attendre une fenêtre météo favorable est plus que jamais une règle d’or en ces contrées.

Multicoques Welcome : Grands amateurs de multicoques, avec des chantiers renommés dont Leopard qui est dans le tiercé de tête des producteurs mondiaux, vous n’aurez pas de difficulté pour réparer, sortir de l’eau, équiper votre multicoque en Afrique du Sud, et surtout pas à Cape Town. Aussi bien le RCYC que Saldanah Bay sont parfaitement équipés pour vous recevoir.

Distances depuis/vers Cape Town : Port Elizabeth 422 milles – Durban 800 milles – La Réunion 2 166 milles – Perth 4 715 milles – Sainte-Hélène 1 696 milles – Ile de l’Ascension 2 396 milles – Salvador de Bahia 3 336 milles...

La référence : South African Nautical Almanac de Tom Morgan, disponible chez Imray, 17 £

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