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Escale à l’autre bout du monde… Nouvelle-Zélande (1re partie)

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Whangarei est la plus grande ville du Northland (50 000 hab. environ). Sur le ponton de Town Basin Marina, c’est Brian Caulton, le marina manager, qui nous prend lui-même les aussières. On n’est pas habitué à ça, chez nous. Service d’abord, et avec le sourire. Ce sera notre première impression, en mettant le pied en Nouvelle-Zélande : les locaux sont agréables, sympathiques, chaleureux. Nous sommes amarrés pour quelques jours au cœur même de la ville, après notre traversée depuis les Tonga. On aperçoit des voitures, des grands-mères qui promènent leurs petits-enfants, de solides gaillards coiffés d’un chapeau de farmer qui descendent une Red Lion à la terrasse des bistrots, des concessions de voitures japonaises, et des magasins. Barbara et les kids sont fascinés. Lâchés en ville, avides de courir, comme des chiens trop longtemps tenus en laisse dans le relatif dénuement des petites épiceries "merdiques" des îles du Pacifique. Notez que je ne suis pas le dernier à apprécier, pour un temps, cette abondance retrouvée. La notion de bonheur, dans son aspect matériel, est sans doute relative. Supprimez la possibilité de comparer, et vous aurez bien du mal à apprécier. Le voyage au long cours conduit à la recherche de la frugalité heureuse. Il faut voyager, donc. Voyager, comme une exigence morale de salubrité personnelle. Le voyage aide à remettre les choses à leur place, et à les y garder.
Mais pour l’heure, après plusieurs mois de relative privation (monotonie plutôt) gastronomique dans les îles du Pacifique, notre voyage vire exceptionnellement au matérialisme alimentaire ! Pour vous donner une idée, le Captain est passé à 79 kg, contre 92 au départ, mais surtout les enfants n’étaient pas bien gras à l’arrivée ici. L’un des premiers réflexes de l’équipage, sous prétexte d’aller simplement acheter "du pain frais pour ce soir", est en réalité de se ruer vers un distributeur de cash d’ANZ, une banque locale, et de s’engouffrer dans le supermarché à l’enseigne jaune le plus proche du ponton : Pak’nSave ! Et là, c’est le choc. Visuel d’abord. Le choc de l’abondance alimentaire retrouvée. Des rayons entiers de fruits, de légumes, de viande, de poissons, un coin pinard, blanc ou rouge, incroyablement bien achalandé avec des cépages d’origine française, du pain par mètres cubes, et du fromage, marqué (là, on doit se faire avoir quelque part…) "Sweet creamy camembert" ou "Soft ripened brie" ! L’époque du boycott des produits français en Nouvelle-Zélande, suite au haut fait d’armes des services secrets français contre le "Rainbow Warrior" de Greenpeace dans le port d’Auckland en juillet 1985, est bel et bien terminée ! La France a retrouvé progressivement une place de choix dans le cœur des Néo-Zélandais. Nos marins à la voile et leurs belles machines, et, parfois, les exploits de nos rugbymen nationaux contre l’équipe des All Blacks en imposent ici. Après ce premier passage chez Pak’nSave, l’ordinaire des menus du bord se trouve radicalement amélioré. La cote de l’atlantic sailfish et du pacific marlin en bocaux maison est à la baisse à bord ! Que dis-je, en chute libre ! La crème fraîche réapparaît dans les sauces, la viande est au menu de tous les repas, suivie de fromages et d’un peu de vin rouge, avec des kiwis au dessert… Le cabinet de toilette du bord se voit aussi déserté. Pour un dollar néo-zélandais, la douche chaude dans les locaux de la marina fait recette. Barbara fait également tourner les machines à laver locales à plein régime : tout y passe, et je crois bien qu’à un moment, juste après la vidange des deux moteurs Volvo, j’ai évité moi-même de peu un petit tour dans le tambour inoxydable… Pressé de finaliser notre autre configuration de voyage en famille (avec un véhicule adapté), je me suis lancé très vite dans le désarmement de Jangada et les premiers travaux de la to do list, avant sa sortie d’eau. Entre la procédure de stockage longue durée de la membrane du dessalinisateur, et l’inspection minutieuse de chaque terminaison des câbles du gréement dormant, entre la révision vidanges-filtres-niveaux des moteurs et le démontage des tuyauteries du WC entartrées par l’eau de mer, je me connecte à Internet sur le site Trade Me, utilisé par tous les Néo-Zélandais pour vendre et acheter d’occasion. Je suis à la recherche d’un camping-car second hand, pas cher. De temps à autre, depuis que je cherche un vieux camping-car, Barbara me glisse à l’oreille qu’elle ne m’imagine guère au volant de ce genre d’engin. Trop tôt, trop jeune pour un camping-car. J’en suis flatté. Finalement, je trouve que les prix des camping-cars sont déraisonnables pour seulement quelques mois. Nous changeons notre fusil d’épaule. Je regarde désormais les 4x4.
J’en parle à Brian, et il me répond qu’il y a un gars, là, sur un petit trimaran, de l’autre côté de la rivière, qui vient de lui dire qu’il vend son Land Rover ! Il lui téléphone devant moi : c’est un Discovery de 1997, 96 000 miles au compteur, bon état, avec moteur V8 essence de 4 000 cm3… Euh, ça consomme un poil, ce genre de truc… Mais généralement, de ce fait, ce n’est pas très cher. Pour quelques milliers de kilomètres… Problème, le gars a déjà signé un mandat de vente avec un professionnel ! Marin et moi empruntons deux vélos et fonçons dans la zone portuaire de Whangarei. Nous allons essayer le véhicule, et, à ma grande surprise, le vendeur me fait signer un papier, mais ne vient pas avec nous pour l’essai. C’est l’usage ici. On essaye donc le véhicule librement. 10 km, et une inspection visuelle et auditive plus tard, à plat ventre sous la machine, et l’essai est concluant.
Nous voilà avec un Land Rover Discovery pour nouveau compagnon de voyage ! Coût équivalent à 2 500 euros environ. Assurance souscrite d’une visite chez AA, et documents officiels obtenus en quelques jours par courrier. Il reste à l’équiper pour le camping, tout notre matériel étant resté en France. Dès que notre programme de révisions techniques et d’entretien à bord du bateau nous le permet, nous filons marcher sur les sentiers autour de Whangarei. La chlorophylle remplace l’iode, c’est le bonheur. Les chemins forestiers sont agréables, bien balisés, bien entretenus. C’est l’œuvre du DOC, le Department of Conservation, le ministère de l’Environnement néo-zélandais, dont les grandes œuvres ne cesseront de nous impressionner, tout au long de notre séjour. Les petites rivières, les ruisseaux, les chutes d’eau abondent dans ce pays verdoyant. Il n’est pas une maison qui n’ait son jardin, sa pelouse, toujours parfaitement tondus. La Nouvelle-Zélande, c’est le pays de l’outdoor. Souvent, à côté des maisons, on aperçoit un bateau à moteur transportable sur sa remorque (plus souvent qu’un voilier), un 4x4, et un camping-car. Et toujours l’indispensable barbecue à gaz, de taille respectable. Avec notre nouveau jouet à quatre roues, nous partons en reconnaissance sur la côte est, au nord de Whangarei. Les enfants ont emmené notre ballon de rugby, et les cerfs-volants de La Tortue, coulée à Kelefesia. Du côté de Bream Head, après Parua Bay, les jeunes taureaux courent dans un immense pré vallonné et viennent observer cette drôle de chose qui vole dans le ciel. Lorsque le cerf-volant se casse la gueule, les animaux viennent le renifler. Les filles s’inquiètent, Marin est aux commandes, et je m’occupe du décollage, avec, derrière moi, mon fan-club bovin, que je surveille tout de même du coin de l’œil. Après l’air du large, l’équipage de Jangada se met au vert !

Cap Reinga

Le cap Reinga, tout au nord de l'île Nord de Nouvelle-Zélande

En Land-Rover dans le Far North…

La première partie de notre séjour en Nouvelle-Zélande s’est passée à quai, dans le centre- ville de Whangarei. Un endroit paisible, doté de l’eau et de l’électricité à volonté. Un luxe auquel nous n’avions jamais goûté depuis le départ de La Rochelle. Nous y avons désarmé le bateau et noué nos premiers contacts avec les Néo-Zélandais, en découvrant leur façon de vivre, assez séduisante, dans un environnement naturel préservé auquel ils sont très attachés. Nous avons ensuite sorti le bateau de l’eau avec une remorque hydraulique au chantier Norsand Boatyard sur la rivière de Whangarei (une bonne adresse), quelques kilomètres en aval du centre-ville, pour un séjour d’un peu plus d’un mois. Carénage, démontage des hélices, fabrication et pose de nouveaux déflecteurs sous la nacelle (pour éviter certaines aspersions d’eau de mer à grande vitesse !), réparation dans le bas des ailerons des rayures de corail subies à Limu Island, démontage des safrans, remplacement des paliers inférieurs par des rotules tournées sur mesure, démontage et graissage des winches, mise en place de nouvelles pompes, nettoyage des vannes de coque, nouvel antifouling et mille autres petites choses. Notre nouvelle voiture nous est précieuse pour avancer rapidement sur notre liste de travaux, et je finis bientôt par connaître comme ma poche toute la zone industrielle de Whangarei. Plus les travaux avancent sur le bateau, plus je prends le temps d’aménager notre 4x4. Galerie, fixation de 2 grandes caisses en aluminium sur le toit, acquisition de matériel de camping et de cartes, révision du V8 essence, etc.
Pour la première fois, nous partons tous les quatre en camping avec notre 4x4, pour découvrir pendant quelques jours la côte ouest et l’extrême nord de l’île Nord. Dès que c’est possible, nous quittons le bitume pour les pistes, et le sable. Et sur Ninety Miles Beach, une plage déserte longue en réalité de quelque 80 km (il doit y avoir un malentendu quelque part), les Néo-Zélandais, pourtant très écolos, et le Department of Conservation, omniprésent, ne voient aucun inconvénient à ce que nous roulions en 4x4 sur la plage à côté des vagues de l’estran ! Flexibilité de l’esprit néo-zélandais : du pragmatisme, pas de dogmatisme. Joli pays. Les enfants s’emparent du volant du Land Rover à boîte automatique, et, à 13 et 12 ans, les voilà qui avalent l’interminable ruban de sable sous l’œil attentif de leur papa. Pour un peu, on s’y installerait bien, nous, en Nouvelle-Zélande !

Virée en Nouvelle-Zélande

L'équipage de Jangada a trouvé un nouveau moyen de voyager !

Un match du Super 15 à l’Eden Park d’Auckland…

Lorsque nous sommes arrivés en Nouvelle-Zélande, fin octobre, la saison de rugby – un sport pris au sérieux, ici ! – venait juste de se terminer. Mauvaise nouvelle pour nous ! Eh oui, c’était presque le début de l’été dans l’hémisphère sud ! En allant chercher des infos sur Internet, j’avais vu que les premiers matchs de la nouvelle saison auraient lieu courant février. J’avais alors fait la promesse à Marin que nous irions assister à un match à Eden Park, avant de quitter le pays où on ne plaisante pas avec le ballon ovale. Je retourne sur le Net, et m’aperçois que la première rencontre à Eden Park est un match du Super Rugby, qui opposera les Auckland Blues aux Christchurch Crusaders, les deux plus grands clubs de Nouvelle-Zélande ! 23 All Blacks sur le terrain ! Immanquable ! Choix et réservation des places sur TicketMaster, impression des billets à bord et, le jour venu, direction Auckland ! Je suis tellement content d’emmener mon fiston à Eden Park…
Eden Park n’est pas un très très grand stade, c’est surtout un très beau stade ! Deux heures de route et 160 km plus tard, nous approchons d’Eden Park. Première surprise, le stade est construit dans un quartier résidentiel d’Auckland, très calme, et assez huppé. Nous y accédons directement en voiture, sans aucune difficulté. De nombreux employés portant un dossard Event Staff sont déjà en place, 4 heures avant le coup d’envoi. Nous nous garons dans une petite rue paisible, à 100 mètres du stade. Pas un papier par terre, pas un résidu de chewing-gum sur les trottoirs, pas une canette de bière abandonnée dans un caniveau… Tout est propre, nickel, arboré, verdoyant.
Fouille légère de nos petits sacs à dos, lecteur de code-barres des billets pré-imprimés à bord, et en quelques secondes nous nous retrouvons dans l’enceinte de la pelouse la plus mythique du rugby à 15. Les gradins se remplissent progressivement, un orchestre joue des morceaux de rock classique. Au centre de la pelouse, les inévitables "pom pom girls" exécutent une chorégraphie énergique et légère. La pression monte dans l’arène. Je passe mon bras autour des épaules de Marin et le regarde en souriant : mon fiston est radieux ; et moi, je suis simplement mais tellement heureux d’être là, avec lui, à assister à un grand match de rugby à l’Eden Park d’Auckland ! Personne ne nous volera, ce joli souvenir commun, hein, fiston ?

La vie semble plaisante en Nouvelle-Zélande. Depuis quelques jours, c’est l’été aux antipodes. Les parents de Barbara avaient fait un premier et bref passage à Auckland début décembre (en jouant pour l’occasion les sherpas, chargés de plein de matériel, allant des cours du CNED de 4e à la nouvelle pompe à eaux usées en passant par des accus d’ordinateurs ou les derniers magazines français…) avant de passer 10 jours à Tahiti. Ils reviennent mi-décembre pour un long séjour de deux mois, dans trois maisons différentes, qu'ils ont échangées avec la leur en France. Nous avons ainsi passé Noël avec eux dans une maison de Parua Bay, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Whangarei. Un Noël sans froid, sans frimas, et sans neige, en ce début d’été austral. La bûche de Noël a été remplacée par un pavlova, un gâteau meringué à la crème fouettée et aux fruits rouges, très prisé des Kiwis à Noël. Les enfants ne sont pas exactement malheureux. Ils conduisent le petit tracteur (John Deere !) du jardin d’Adrienne et David à Parua, et iront manger des glaces à Pahia. Marin ira surfer du côté d’Elliot Bay, tandis qu’Adélie abusera de sa nouvelle trousse de maquillage et ira essayer toutes les robes du magasin Farmers de Whangarei, en profitant ostensiblement de l’absence de sa maman, avant de se décider pour une robe rouge qu’elle a en réalité repérée depuis longtemps… La maîtresse du bord a décrété pour l’occasion quatre semaines de vacances. Bien méritées, je crois. De notre côté, nous, parents, partons vers l’île Sud pour 3 semaines de découverte avec le Land Rover. Au programme, randonnées avec sacs à dos, camping, et retrouvailles avec des amis venus de France, à l’autre bout du monde ! Les enfants quant à eux restent dans l’île Nord avec leurs grands-parents. Ils vont s’installer pour un mois à Opua, un charmant petit coin qui pourrait rappeler la Bretagne Sud, situé dans la Bay of Islands, la baie des Iles, à 70 km au nord de Whangarei. Dans la jolie maison de Frank et Jenny, appelée Captain’s Retreat. Frank est commandant du Clipper Odyssey, un paquebot de croisière de dimensions raisonnables, et Jenny l’accompagne à bord, où elle travaille également. Ils naviguent actuellement dans l’océan Indien, et Frank nous racontera plus tard ses démêlés avec les pirates, dont le périmètre d’action est devenu inquiétant dans cette région, ce qui nous obligera sans nul doute nous-mêmes, dans quelques mois, à adapter notre itinéraire… Tout le monde se retrouvera à Opua le 17 ou 18 janvier. Notre programme néo-zélandais est séduisant. Tandis que Jangada, alors remis à l’eau, nous attendra sagement dans la marina de Marsden Cove, nous irons séjourner du 1er au 15 février du côté de Tauranga, dans la Bay of Plenty, au sud d’Auckland. Après le départ vers la France des parents de Barbara, nous retournerons avec les enfants dans l’île Sud, pour un dernier grand séjour de 3 semaines. Puis il sera temps de retrouver notre bord, de réarmer notre catamaran, et de préparer notre appareillage vers le nord. La saison des cyclones dans le Pacifique Ouest touchera alors à sa fin, et le moment sera venu pour nous d’aller retrouver le régime des alizés et le soleil des tropiques. Ce sera le début de la deuxième partie de notre tour du monde, la route du retour vers la France, par le sud de l’Afrique…

Marins et All-blacks !

Marin au pays du rugby

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