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Vers l’île des Pins et Nouméa…

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Après une belle escale en Nouvelle-Zélande, il est temps pour Olivier et sa famille de reprendre la mer, direction la Nouvelle-Calédonie…

Début avril, en Nouvelle-Zélande. Depuis une quinzaine de jours, c’est l’automne. La lumière, les couleurs ont commencé à changer. La température a chuté, guère plus de 10°C le matin au lever du jour. Après 5 mois d’escale au pays du long nuage blanc, l’heure est à l’étude des cartes météorologiques. Jangada est au mouillage à Opua, au fond de la baie des Iles, en stand-by météo. Ce week-end, du vent fort a soufflé sur le Northland. Hier, des rafales à 40 nœuds nous ont fait déraper sur un fond de mauvaise vase. Il semble qu’il y ait prochainement un créneau de passage possible vers la Nouvelle-Calédonie, d’une durée de 5 à 6 jours, mais pas plus. A condition de faire route directe, au plus court. Il faut oublier l’escale à l’île de Norfolk, que nous avions envisagée. La saison cyclonique, qui touche à sa fin, peut réserver aux navigateurs trop pressés un dernier cyclone, tardif mais puissant. Nous sommes un peu tôt en saison, à 2 ou 3 semaines près. Bob McDavitt, le gourou néo-zélandais de la météo, nous dit qu’il existe un risque latent de cyclone mi-avril, d’abord sur la mer de Corail, puis qui descendrait vers la Nouvelle-Calédonie… C’est une situation météorologique connue, pas rare. On peut partir, donc, mais à condition de ne pas traîner en route…
Dans ce genre de cas, lorsque j’ai la conviction d’avoir bien analysé la situation, et que j’ai pris ma décision, je n’aime pas traîner. Dans une fenêtre météo qui s’ouvre, mais que l’on sait limitée, chaque heure perdue l’est bêtement. Nous nous mettons à quai, nous faisons de l’eau, du gasoil, effectuons les formalités de départ… Les amis viennent nous dire au revoir. Nous sommes l’un des tout premiers voiliers à reprendre la route du nord, cette année. A 11h00 le 6 avril, nous larguons les amarres, traversons la baie des Iles, envoyons la toile. C’est parti ! Le moral de l’équipage est mitigé. Ce qui nous attend n’est pas vraiment une partie de plaisir. Et quelle belle et longue escale nous laissons derrière nous ! Un pays attachant, beau, où il fait bon vivre. Bye-bye, Nouvelle-Zélande !
En route directe, la distance qui sépare Opua de Nouméa est de 889 milles. Les abris anti-cyclones se trouvent a proximité de Nouméa. Alors, le waypoint que nous allons utiliser, c’est celui de l’entrée du chenal sud qui conduit au grand lagon calédonien. La consigne que je me donne discrètement pour cette traversée sous surveillance, c’est de manœuvrer autant que nécessaire pour aller le plus vite possible sur l’eau, sans rien casser, bien sûr. L’objectif idéal serait d’entrer dans le chenal sud de Nouméa après 5 jours de mer. C’est le challenge discret du skipper.

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Les îlots caractéristiques de la baie d’Upi, à l’île des Pins

Première nuit en mer. Le moral de mon petit équipage, en ce début de traversée, véritable retour aux affaires pour nous tous, n’est pas au top après cette longue escale néo-zélandaise. C’est à moi de le leur remonter. Alors, psychologiquement, je mets simplement à profit la nuit pour diviser par 2 la durée des cogitations erratiques. Cela me simplifie la vie. Dans ces cas-là, je préfère savoir tout le monde en sécurité en bas, à dormir, en attendant que la coupure d’avec la terre se cicatrise. De mon côté, je m’installe dans le carré, pour ma première nuit de quart depuis des mois. Je vérifie que tout est clair et bien rangé, je me munis d’une serviette de bain pour essuyer mes pieds mouillés par les embruns du pont, et après chaque ronde de veille, je me glisse sous une petite couverture, en dormant par séquence d’une heure. Il n’y a pas un chat dans le quartier. Le feu-flash puissant qui clignote en tête de mât signale aux calmars que Jangada fait voile cap au 330 à 8 ou 9 nœuds. Poussez-vous !
Le lendemain, longues glissades sur un océan redevenu parfaitement bleu, après les eaux vertes chargées de la baie des Iles. La vitesse, assez souvent entre 9 et 11 nœuds, a même parfois atteint plus de 14 nœuds… Un grand albatros, probablement venu des îles Kermadec, est venu assister pendant quelques instants aux manœuvres de l’équipage de Jangada, avant de reprendre ses interminables évolutions aériennes en quête de quelque nourriture. L’eau de mer est remontée à 22°C.
Le vent est renforcé par la proximité d’une dépression se trouvant dans l’est, au sud des Vanuatu. 22/25 nœuds, et des creux de 3 mètres environ.
Nous avons modifié légèrement notre trajectoire et mis le cap sur l’île des Pins. Les prévisions météo ne sont pas mauvaises pour les 3 jours qui viennent. Pas de dépression en vue dans le coin, et pas de cyclone en formation pour l’instant dans la mer de Corail. Une escale à l’île des Pins, c’était bien sûr dans nos cartons si la météo nous l’autorisait en fin de traversée. L’île est sur notre route, une trentaine de milles avant les passes sud de Nouméa. Simple changement de waypoint, légère correction de cap, gain immédiat de distance au but, et le tour est joué. Demain à l’aube, nous allons retrouver la magie de l’atterrissage, l’approche des passes coralliennes, les récifs à fleur d’eau, les alignements d’entrée, et l’ancre tombera dans la baie de Kuto, ou peut-être dans celle de Kanumera, dans une eau à 26°C environ. A nouveau les tropiques !

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Jolie prise sportive en fin de traversée…

A l’aube, et c’est toujours magique, l’île des Pins se dessine sur la ligne d’horizon, légèrement à tribord. Nous avons renvoyé le spi pour couvrir les 20 derniers milles, et décidé de mettre les 2 lignes à l’eau pour tenter de prendre un poisson avant d’entrer dans le lagon. S’il est de bonne taille, la préparation se fait après l’arrivée au mouillage, dans les jupes, c’est plus commode. Et s’il est très gros, l’élaboration des conserves est, à l’ancre, nettement plus facile qu’en mer. Or, après notre long séjour en Nouvelle-Zélande, nos stocks de conserves de poisson sont à zéro ! Une prise effectuée juste avant l’arrivée assure aussi les premiers repas de l’escale avec du frais. Appréciable. Je mets la première ligne à l’eau, et je demande à Marin de changer le leurre de l’autre ligne, qui ne me plaît pas trop. On se met d’accord sur un leurre orange et vert fluo, qui nous va bien à tous les deux. 10 minutes plus tard, alerte générale à bord de Jangada : les 2 lignes dévirent en même temps, et le bruit des cliquets mobilisent tout l’équipage masculin. Le poisson de la ligne tribord se décroche vite, mais celui qui a mordu à bâbord à notre leurre super-fluo a l’air bien pris. Il est de bonne taille, car il emmène pratiquement nos 300 mètres de fil, malgré le frein. Marin n’arrive pas à reprendre de la ligne, le moulinet chauffe, et finalement on s’y met à deux. La bataille durera 15 minutes, l’animal est coriace, et il a tendance à sonder à la verticale. C’est un comportement typique des thons. Marin lui décoche une flèche à l’arbalète, et le croc à thon vient à la rescousse. On passe un nœud coulant autour de la nageoire caudale, et on finit par hisser sur la jupe un magnifique thon albacore qui doit peser quelque 35 kilos ! Nous virons à droite à l’îlot Infernal, et entrons dans le lagon de l’île des Pins. Un grand paquebot est à l’ancre dans la baie de Kuto. Courage, fuyons !
Nous filons juste au sud dans la petite baie de Kanumera. La côte est arborée de pins colonnaires. Il est midi. L’ancre tombe dans l’eau claire, 5 jours après notre appareillage d’Opua. Mission accomplie !

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A nouveau sous les tropiques, dans la baie de Kanumera…

L’île des Pins (colonnaires), un avant-goût du Caillou…

La baie de Kuto est le mouillage principal de l’île des Pins. Une immense plage de sable blanc offre aux passagers des grands paquebots de croisière, en majorité australiens, qui mouillent régulièrement dans la baie, une perspective tropicale ensoleillée conforme aux publicités de la Compagnie.
Nous avons donc préféré jeter l’ancre dans la petite baie adjacente de Kanumera, au sud. Elle est un peu plus exposée au vent de sud, mais tellement plus tranquille. Nous sommes mouillés à une cinquantaine de mètres de la plage bordée de cocotiers.
L’îe des Pins, à 120 km dans le sud-est de Nouméa, nous donne le signal du retour aux activités ludiques aquatiques, que nous avons délaissées pendant notre été néo-zélandais, plutôt frais. Les premiers plongeons dans l’eau chaude de la baie sont délicieux. Nous louons une voiture au petit hôtel calme et bien tenu établi au sud de l’anse de Kanumera et partons à la découverte de l’île. Elle mesure 18 km sur 14, et est peuplée d’environ 2 000 habitants, pour l’essentiel kanaks. Cook, qui la découvrit lors de son deuxième voyage autour du monde, lui donna ce nom en raison des nombreux pins colonnaires à l’allure si particulière qui ont poussé sur l’île. Les plages de sable blanc, les eaux bleues limpides, les îlots typiques de la baie d’Upi et la silhouette élancée des pins colonnaires dessinent sur l’île des Pins des paysages caractéristiques qui s’ancrent dans la mémoire. Nous découvrons les premières pirogues à voiles et balancier dans la baie Saint-Joseph, puis passons par le village de Vao, avant de gagner la baie d’Oro. Nous passons par l’hôtel Méridien, l’un des plus beaux de la célèbre chaîne, pour nous rendre à la piscine naturelle d’Oro, où l’on nage au milieu d’une multitude de poissons peu farouches. Retour par le nord de l’île et la côte ouest, avec les ruines du bagne des communards de la ville de Paris, condamnés à la déportation entre 1872 et 1881. Ils furent plus de 3 000 à connaître l’exil dans cette petite île du Pacifique Sud. Après 3 jours de farniente, nous empruntons le sentier maritime sinueux qui conduit à Nouméa à travers les récifs de corail du grand lagon calédonien.

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Ça ne doit pas être facile de garder le cap à bord de cette pirogue monoxyle…

Nouméa, capitale et seule ville de Nouvelle-Calédonie…

En une dizaine d’heures, l’alizé a poussé Jangada dans le chenal balisé qui conduit de l’île des Pins à Nouméa, le canal Woodin. A proximité des collines de latérite rouge couvertes de la végétation en grande partie endémique du Caillou, nous essuyons quelques grains costauds qui nous obligent à ariser au deuxième ris. Au loin, les premières constructions de la ville envahissent bientôt les hauteurs à l’est de la capitale calédonienne, aussi démesurée que sont petites les autres localités de la Grande Terre. La ville de Nouméa abrite plus de 100 000 habitants, 165 000 pour l’ensemble de son agglomération, alors que la Nouvelle-Calédonie n’en compte au total qu’un peu plus de 200 000. Mais la brousse commence aux portes de la ville. Nouméa est la seule ville de Nouvelle-Calédonie…
Nous approchons de Port-Moselle, passage obligé des voiliers qui arrivent sur le Caillou, y compris après l’escale (clandestine) à l’île des Pins. La marina est pleine comme un œuf, on n’y est plus accueilli à bras ouverts, surtout avec un catamaran de près de 9 mètres de large… La seule solution est le mouillage inconfortable et sans charme à l’extérieur des jetées, le temps minimum pour effectuer les formalités. Le préposé à la visite phytosanitaire d’entrée sur le territoire interprétera le règlement de protection des espèces endémiques du Caillou avec largesse, et Barbara pourra faire une omelette imprévue, l’agent venu à bord ne repartant qu’avec les coquilles d’œufs de la cambuse… Il s’avérera décidément de bonne composition, car, lorsque je le ramènerai à terre avec l’annexe, notre moteur hors-bord tombera en panne pour la première fois du voyage ! Et il restera imperméable dans l’immédiat à toutes mes tentatives pour le faire revivre. C’est donc avec un aviron dans la main que l’agent assermenté retrouvera le Caillou, mais je réussirai à le faire sourire de la situation. Des amis d’amis mettront à notre disposition un coffre idéalement positionné dans la baie de l’Orphelinat, et cette opportunité nous permettra de quitter très vite l’environnement peu confortable et peu convivial du mouillage extérieur de Port-Moselle, pour nous rapprocher des quartiers chics du sud de la ville. Très vite, je deviens un fin connaisseur des quartiers de Nouméa : vallée du Tir (pour faire éprouver nos bouteilles de plongée !), Nouville (pour les shipchandlers), Ducos (pour les fournisseurs industriels), Magenta (pour le supermarché Champion), Motor Pool, l’anse Vata et la baie des Citrons, ou encore la vallée des Colons ou le daubourg Blanchot. Mais notre résidence à nous, c’est la baie de l’Orphelinat, à bord de Jangada, solidement amarré sur sa bouée. Pour nos liaisons avec la terre en annexe, nous squattons discrètement un cat-way dans la marina de Port-Sud, et en l’espace de 24 heures, nous tenons depuis notre bord une position enviable en plein centre de Nouméa. Merci les amis !

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La paisible rivière de sable, à l’île des Pins

Historiquement, le développement de Nouméa doit beaucoup à la présence, pendant plus de trois décennies (1864-1898), du bagne calédonien établi sur l’île Nou, aujourd’hui reliée à la ville par l’isthme dévolu au port de commerce. La main-d’œuvre quasi gratuite des bagnards (22 000 forçats ont été déportés en Nouvelle-Calédonie) a permis à la colonie d’assainir les mangroves et de réaliser les grands travaux de terrassement et de voierie à partir desquels la ville a pu prendre de l’ampleur. Nous flânons sur la place des Cocotiers, ombragée de flamboyants, faisons un détour par la cathédrale Saint-Joseph construite sur un petit promontoire, passons par la bibliothèque Bernheim, installée dans un ancien pavillon de l’Exposition universelle de Paris (1900). Les enfants, eux, préfèrent aller aux "Jeudis du centre-ville", sur la place des Cocotiers, en fin d’après-midi, en compagnie des petits copains de la marina. Nous ne faisons que passer dans les quartiers chics de Nouméa, anse Vata et baie des Citrons principalement, relativement éloignés de notre mouillage. Et puis, question plages, même si celles de Nouméa ne sont pas désagréables, nous avons connu ces derniers mois ce que la nature a fait de mieux au monde sur le sujet, dans certaines îles perdues au milieu de l’océan Pacifique…

Mais le joyau de la Nouvelle-Calédonie, c’est son immense lagon. Je rêve d’y séjourner plus longuement, un jour, à bord d’un trimaran à faible tirant d’eau…

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Paysages de la baie Saint-Joseph à l’île des Pins

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