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Magic Cat La beauté fatale

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Il est aisé, voire trop facile, de tomber sous le charme des grands oiseaux de course au large. Il est beaucoup moins fréquent de s’arrêter le souffle court, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés devant un multicoque de croisière. C’est le cas pour tout amateur de voile moderne sur deux ou trois coques quand il croise les étraves de Magic Cat, que ce soit en mer ou dans un port. Comme pour les voitures anciennes, ses vingt ans lui confèrent un charme fou. La belle ne fait pas du tout son âge. Les Anglo-Saxons diraient : "Chic and slick !" Il faut reconnaître que nos catamarans de croisière actuels ressemblent à des buildings de verre et de plastique, tellement on y multiplie les vitrages verticaux et les étages, la vision vers l’extérieur y gagne, mais c’est indéniablement au détriment de l’esthétique. Ici, l’épure et la discrétion des lignes séduisent au premier regard. La bôme frôle le roof, comme un symbole de performance ultime. Une fois le pied posé à bord, l’impression se confirme. Mais où sont passés les bouts ? "Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher", disait St-Exupéry. Une maxime qui pourrait s’inscrire sur les 25 mètres de coque de Magic Cat tant elle semble avoir inspiré sa conception. Faire aussi simple est extrêmement complexe. On imagine aisément les milliers d’heures de dessin et de réflexion pour arriver à ce niveau de perfection. A l'arrière de chaque coque, un cockpit de barre et de manœuvres pour marins exigeants. Au centre, un espace de luxe et de farniente au luxe simple et discret.
L’aileron qui réunit les trois bossoirs illustre l’attention tout aéronautique qui a été portée à chaque détail de conception, à commencer par une chasse presque obsessionnelle du poids. Comme dans un avion, c’est l’ennemi d’un multicoque qui se veut performant. Dans les calculs de Gilles Ollier (NDLR : l'architecte) dont le détail est conservé à bord, il y a jusqu’au miroir de signalisation de 200 grammes. Le respect du devis de poids initial, 24 tonnes lège, était ambitieux, mais crucial. Le chantier Multiplast l’a fait. C’est le secret de cette réussite. Même une fois chargé en condition tour du monde (30 à 35 tonnes) – réservoirs pleins, et indispensables pièces de rechange nécessaires à un long voyage en toute autonomie –, le comportement marin reste remarquable. De quoi séduire au premier coup de barre novices ou connaisseurs qui se relaient à bord, heureux invités d’un gentleman propriétaire ou clients avisés de ce charter hors sillages battus. Souplesse des mouvements, absence de chocs disent combien ce bateau est un véritable marin. Il faut dire que ses concepteurs, Gilles Ollier et Yann Penfornis, ont mis de l’ADN de champion dans ses tissus de carbone : celui de Commodore Explorer, né Jet Services V, premier à tourner autour du monde en moins de 80 jours. Non content d’hériter de son ADN, il en reprend le gréement et les dérives (tirant d’eau 2,00 m/3,20 m). Bon sang ne saurait mentir !

Magic Cat

Si à l’extérieur on se croirait sur Orange 2 (devenu Vitalia II, voir l'essai dans ce même numéro de Multicoques Mag), à l’intérieur, le changement d’univers est saisissant. Le meilleur de deux mondes réunis, en quelque sorte. A la barre, on se prend à rêver surfer dans le sillage de Jules Verne. Une hiloire enjambée, et quelques mètres plus loin, on se trouve à la table d’un Relais & Château. Et l’immense cuisine, de plain-pied avec le carré, permet aux heureux passagers de partager la dextérité du chef. Séquence nostalgie quand les plans actuels relèguent systématiquement les artistes cuisiniers à fond de cale. Les tons du mobilier sont sobres et harmonieux. Le designer d’intérieur Franck Darnet a supervisé une mise à jour heureuse en 2009. Le mobilier allie esthétique du dessin et fonctionnalité en mer. Indispensable quand on croise régulièrement entre 20 et 25 nœuds. Des vitesses qui déforment les cartes. Faire l’aller-retour depuis Sète vers la Corse pour y passer le week-end ? Aller pour 4 mois à Tahiti et faire demi-tour pour revenir par le Nord puis Panama ? De simples formalités. Seul inconvénient, l’attirance des hélicoptères des garde-côtes pour cet objet flottant non identifié en constant excès de vitesse, surtout au surf par force 8 quand il est le seul bateau dehors. Privilège de la longueur, le gros temps vient moins vite. Le talent du skipper Bruno Mabire et de son équipage étant alors que tout se passe bien, car tout incident peut rapidement dégénerer à ces hautes vitesses. Mais si le bateau est marin, l’équipage l’est tout autant, qui finit de drisser les voiles manuellement par peur de l’hydraulique toute-puissante. Préserver le bateau est un leitmotiv permanent. Cela se voit, il est comme neuf ! Il faut dire que l’entretien est permanent pour les quatre membres d’équipage. Et il peut s’avérer complexe. Quand il faut refaire l’antifouling, la sortie à la grue nécessite un démâtage complet : quinze jours d’arrêt minimum ! Mais toujours au bout, la récompense des milles qui défilent sans accroc, jusqu’à cumuler l’équivalent de quatre tours du monde !

Si vous croisez Magic Cat, vous n’en réchapperez pas. D’aussi loin que vous l’apercevrez, la perfection de ses proportions attirera votre attention. Une fois bien en vue, les longs cils qui cachent les prunelles de son roof vous sembleront un subliminal clin d’œil valant invitation. Après l’été en Méditerranée, votre nouvelle muse participera aux Voiles de St-Tropez. Bord à bord avec les plus beaux classiques, sûr de la finesse de ses lignes, la blancheur immaculée de ses coques ne rougira pas de côtoyer Velsheda et autres reines de beauté fidèles de cette grande classique de l’élégance sur l’eau. Mais peut-être détournerez-vous le regard de peur de tomber amoureux ? Ce serait dommage…

Magic Cat

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