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Les escales de Multicoques Mag : Ile de Pâques, là où les dieux regardent les étoiles…

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Cet avant-poste perdu dans l’océan Pacifique, à l’extrémité sud du triangle polynésien, ne reçoit que quelques navigateurs intrépides sur ses terres. Ceux-là sont bien récompensés de leur longue traversée. Mais attention, comme la Polynésie à l’ouest, et Hawaï au nord, son pouvoir de séduction est immense ! Son magnétisme, bien connu des pilotes de l’air, n’affole pas que les compas ou les GPS. Tout commence par l’apparition sur le front de mer de près de neuf cents statues colossales, appelées "moaï" perchées sur trois cents terrasses de pierre, les "Ahû". Ces géants tournent le dos à l'océan, pour autant, horizon lointain et ciels étoilés leur appartiennent depuis la nuit des temps. Nous savons que les pierres sont taillées dans le basalte du volcan nommé Rano Raraku, situé dans l’est de l’île et qui constitue une nouvelle récompense pour qui pose le pied à terre. Son sommet laisse place à un cratère occupé par un lac. Terres ocre, végétations vertes et denses, lac aux couleurs capricieuses, bleu mer et bleu ciel, se mêlent pour offrir un spectacle époustouflant. Dans un autre registre, tout aussi spectaculaire, le Rano Kau, situé à la pointe sud-ouest de l'île, est composé d'un cratère au fond plat recouvert de nombreux petits lacs et abrite le site pascuan d'Orongo au sommet des falaises. Aventurez-vous juste au-dessus, vous vous trouverez alors sur le lieu sacré d’Orongo. Dans ce village cérémoniel qui s’élève sur la crête du volcan, se déroulait une fois l’an la plus importante des fêtes religieuses de l’île, celle du Tangata Manu (l’homme-oiseau). Le choix de ce site s’explique par sa proximité avec les trois îlots de Motu Nui, Motu Iti et Motu Kao Kao, refuge sur lequel venaient pondre les hirondelles de mer. Il s’agissait d’un véritable concours organisé pour la quête du premier œuf pondu par l’hirondelle de mer sur l’îlot Motu Nui. Le lieu reste aujourd’hui exceptionnel et mérite l’ascension. Et puis, peut-être lors de votre randonnée trouverez-vous l’une des multiples et précieuses tablettes disparues, qui retracent l’histoire des autochtones qui nous échappe encore. Un mythe raconte qu’elles sont soigneusement enfouies, cachées quelque part sur l’île…

Escale sur les iles de Pâques

Rencontre de deux créations divines : un moaï et un multicoque !

Perdu dans cette réalité de rêve, gardez néanmoins à l’esprit vif que les bateaux doivent être prêts à partir précipitamment si le vent change de direction, et c’est chose fréquente ! En effet, il n’y a pas d’abri adéquat par tout temps. Il reste, malgré cela, plusieurs mouillages praticables autour de l’île mais qui ne sont pas forcément commodes, car ils sont éloignés du village et de ses commerces pour l’approvisionnement. Le mouillage ouvert devant la petite ville principale d’Hanga Roa offre une protection acceptable des alizés de sud-est. Seul port de l’île, son entrée, déjà fortement déconseillée aux monocoques, est juste proscrite pour nos catamarans, heureusement bien plus stables au mouillage. Si le vent tourne, vous aurez trois mouillages alternatifs : Vinapu sur la côte sud-ouest, Hotuitu sur la côte est près du volcan Rano Raraku, accessible en annexe par temps établi, et Anakena Bay sur la côte nord de l’île. Malheureusement, la houle reste un problème dans tous ces mouillages. Il faut donc compter les trains de vagues et bien choisir son moment pour débarquer en annexe si on ne veut pas finir à l’eau ! Les alizés de sud-est sont sensibles et prédominent d’octobre à avril. Pendant l’été, soit de mi-novembre à mi-février, les vents sont plus faibles et la mer plus calme. Durant la saison pluvieuse, de mai à septembre, les vents d’ouest l’emportent. Des grains soudains peuvent survenir de différentes directions.

Escale sur les iles de Pâques

Le village d'Hanga Roa vu du ciel. A droite, son petit port... impraticable !

Et si nous abordions les routes de traverse pour découvrir ce mythe ? Historiquement, c’est une étape logique sur la route qui mène de l’Amérique du Sud à Tahiti en passant par le cap Horn. Aujourd’hui, la majorité des navigateurs qui s’y rendent, y compris en multicoque, font un détour entre Panama et Tahiti. En effet, pourquoi se précipiter sur la route directe vers les Marquises quand l’une des plus belles merveilles du monde vous tend ses bras quelques degrés plus au sud ? Qui plus est, cette partie à l’est du Pacifique Sud n’est pas affectée par les cyclones, ce qui signifie que vous pouvez y naviguer à n’importe quelle époque de l’année. Pour bénéficier de vents favorables, un voyage d’est en ouest depuis Panama, les Galapagos, ou depuis l’Amérique du Sud est fortement conseillé. Dans l’autre sens, seule une route très sud, depuis la Nouvelle-Zélande puis le cap Horn, pourrait vous éviter vents et courants contraires. Mais conditions extrêmes et dépressions successives sont à même de décourager les plus téméraires d’entre nous.

Escale sur les iles de Pâques

Le cheval, incontournable sur l'île, est le compagnon idéal pour poursuivre votre voyage.

La zone étant sous l’influence des alizés de sud-est, la météo peut varier considérablement d’une année à l’autre, mais si vous échappez aux perturbations, elle sera très agréable. La période la plus propice reste entre avril et août, lorsque les alizés soufflent régulièrement d’est à sud-est et que le courant favorable qui porte à l’ouest est à son maximum (1 à 1,5 nœud). Cependant, certains seront tentés d’effectuer ce passage plus tôt dans l’année de façon à prendre un bon départ pour leur saison de navigation dans le Pacifique Sud en arrivant aux Marquises avant fin mars. L’île de Pâques étant située dans l’hémisphère sud, les saisons y sont inversées, mais la météo l’hiver ressemble à un automne breton : venteux, autour de 15°C. L’été, la température peut monter jusqu’à 35°C, et la transparence de l’eau fait le bonheur des plongeurs (4 clubs sur place) ou des simples baigneurs : baleines, grottes ou tombants sont simplement à couper le souffle ! A la nuit tombée, levez les yeux vers le ciel. La pureté de l’air, et la quasi-absence d’éclairage artificiel lui donnent une qualité exceptionnelle. Ce n’est pas un hasard si les dieux ont élu cette terre pour regarder les étoiles !

Escale sur les iles de Pâques

Les monumentales statues moaï veillent sur le large.

La magie de ces paysages et mystères n’attend que vous. Mais dépêchez-vous, car l’île est en pleine mutation. La multiplication des rotations aériennes et maritimes ces 5 dernières années favorise le tourisme et les constructions. Déjà 90 000 visiteurs chaque année pour seulement 6 000 habitants. Il y a vingt ans il n’y avait que 10 voitures sur l’île. Le cargo d’avitaillement ne passait qu’une fois par an, contre une ou deux fois par mois désormais. Les maisons étaient encore en terre, sans eau courante ni électricité. Le tourisme apporte le changement : un terrain de foot en gazon synthétique a été inauguré par Pelé ! Quelques maisons de la rue principale ont osé un étage, alors que même l’hôpital offert par un mécène américain amoureux de l’île respecte le traditionnel plain-pied. Celui de l’habitat ancestral, bâti comme une coque retournée, structurée de branchages et de roseaux. Mais la culture indépendantiste, clanique, familiale, résiste. Jusqu’à arracher une assemblée Rapa Nui à la tutelle chilienne honnie. D’aucuns trouveront symbolique cette petite autonomie, mais elle démontre la très grande force de caractère des îliens. Leur indépendance d’esprit. Cette solidarité qui fait leur force en cas de coup dur. Il n’y a pas d’allocations sur l’île, alors on se serre les coudes dans un réflexe communautaire. Sans clivage générationnel. Chaque année, les grandes familles offrent un "corento" (four polynésien) pour 2 000 à 3 000 invités ! Juste pour remercier… la vie ! La famille, et au-delà le clan, la pêche, la sculpture et l’agriculture sont les quatre valeurs cardinales de ces habitants vraiment différents. Reconnaissables jusque dans leur physique. Comme leurs "frères" polynésiens ou hawaïens, ce sont des Rapa Nui. Mais la reine de l’île, élue chaque année mi-février, n’est pas seulement la plus belle. Elle doit aussi savoir fédérer, sculpter, cuisiner, danser et faire preuve de force, de résistance. Sur l’île de Pâques, les habitants entretiennent bénévolement, ou plutôt devrait-on dire spontanément, naturellement, les 800 moaï. Oui, vous avez bien lu : bénévolement. Les îliens gardent un rapport distant avec l’argent. Leur liberté de pensée est bien plus importante à leurs yeux. Le nombre d’artistes présents est d’ailleurs très révélateur de cet état d’esprit. Une liberté d’expression qui s’est peut-être trouvée, dans le combat pour l’écologie, un relais d’identité salutaire. Mensuel papier (Le Moai), chaîne de TV locale et réseaux sociaux, tous les moyens de communication modernes sont utilisés pour se préserver. Juste retournement des choses.

Escale sur les iles de Pâques

Les roches ciselées de la côte rappellent que le mouillage est un sujet à prendre très au sérieux en ces contrées.

Il faut vraiment passer par l’île de Pâques. Ouvrir grand les yeux sur ce musée à ciel ouvert et grand son cœur à ses habitants exceptionnels. C’est un des rares endroits qui, sur cette terre, malgré tout, reste préservé. Les valeurs humaines, pas encore dispersées dans la modernité ambiante, et la disponibilité de ses habitants sont un choc salutaire. Mais il faut y venir avec humilité. Y débarquer sur la pointe des pieds. Se fondre dans le paysage. Laisser l’appareil photo à bord. Puis, quand vous aurez salué les moaï, que vous leur aurez dit qui vous êtes, d’où vous venez, qui sont vos ancêtres, vous y trouverez la force de la terre et la paix des esprits de "Te Pito Ote Henua" : le nombril du monde. Comme une renaissance.

Escale sur les iles de Pâques

La sculpture est forcément une des activités artistiques favorites des îliens.

Ile de Pâques pratique ou… 2 ou 3 choses que je sais d’elle.

Langue officielle : espagnol.
Autorité : Chili.
Monnaie : Peso chilien. Dollar américain et franc Pacifique sont parfois acceptés. Distributeurs automatiques en ville.
Santé : hôpital très bien équipé au personnel compétent.
Séjour maximum : 3 mois
Saison idéale pour vous y rendre : de novembre à mars. Voire jusqu’en mai lorsque les alizés s’étendent le plus au sud. A noter, pour votre assureur, l’île de Pâques est hors zone cyclonique.
Entrée au port de Hanga Roa / VHF Canal 16
Carburant : par jerrycan depuis la station-service.
En cas d’avarie sévère : atelier gouvernemental de maintenance.
Transport sur place : location de voiture possible, de vélo, mais c’est à cheval qu’il faut parcourir l’île, comme ses cow-boys un peu hippies, pour goûter à leur liberté, profiter pleinement de la splendeur exceptionnelle du site.
Compagnie aérienne : LAN Airlines (Chili)
Distances :
Depuis Panama : 2 971 NM
Depuis les Galapagos : 2 028 NM
Depuis Callao (Pérou) : 2 027 NM
Depuis Valparaiso (Chili) : 1 999 NM
Vers les Gambiers : 1 413 NM
Vers le cap Horn : 2 576 NM

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